Publifarum n° 7 - Constellations francophones

Du Neg nwe au Beke Goyave, le langage de la couleur de la peau en Martinique

Isabelle MICHELOT


En 1997, nous avons fait une enquête de terrain en Martinique, auprès de 50 jeunes gens pour étudier l’usage du français et du créole1, les deux langues parlées dans ce département français d’Outre-Mer. Très vite, nous avons dû faire intervenir une troisième donnée dans notre description du paysage sociolinguistique martiniquais : le français régional.

Désireux d’aller plus loin dans nos recherches, nous avons pratiqué une série de relevés pour voir s’il existe localement une norme pour le français de Martinique, sensiblement différente du " français de référence " de la Métropole. Nous avons dépouillé des journaux, des bandes dessinées, des parutions locales spécialisées, des prospectus etc. et nous nous sommes également appuyés sur le discours oral. Le lexique de référence est celui du Petit Robert, dictionnaire le plus usité et recommandé aux étudiants auprès desquels nous avons travaillé. Nous nous situons dans une démarche lexicographique variationniste.

Au stade de nos recherches, il apparaît qu’une partie du lexique du français régional est profondément marquée par l’histoire martiniquaise et il est parfois délicat pour un chercheur blanc de métropole de traiter certains de ses éléments.

Le paradigme des couleurs de la peau en est un exemple : il est constitué d’une série de termes qualifiant les différentes nuances de la couleur, paradigme hérité du système raciste de l’esclavage que le blanc a créé. Dans ce contexte, même si l’esclavage est terminé depuis 150 ans et même si son système de pensée est totalement étranger à un jeune chercheur blanc métropolitain, il n’en demeure pas moins que l’image de l’enquêteur blanc est loin d’être neutre. Comment recueillir auprès des locuteurs des termes ainsi stigmatisés ? Comment établir une relation avec les enquêtés si l’on est aussi soi-même impliqué dans l’objet de recherche ? Comment analyser ces lexies sans relayer une idéologie raciste ? Mais, surtout, comment saisir toutes les nuances lexicales et sémantiques d’un tel paradigme ?

C’est cette question que nous posons aujourd’hui en développant l’éventail des couleurs.

1. Construction d'une société racialisée2

La Martinique fut une société esclavagiste dite " plantocratique " (c’est-à-dire qu’elle fonctionnait selon le système de plantation, dans notre cas il s’agit de la culture de la canne à sucre), jusqu’en 1848, date officielle de l’abolition. Tout le système de l’esclavage était fondé et légitimé par la thèse de l’inégalité des races, les noirs étant considérés comme une sous catégorie humaine, voir comme des animaux, et appartenaient aux maîtres blancs. Dans ces conditions, puisque la classe sociale était fonction de la couleur de peau, on ne pouvait changer de caste au cours de sa vie ; on pouvait tout au plus rêver pour sa descendance d’un teint plus clair. La stratification sociale a donc été complètement travaillée par la couleur de peau.

La thèse raciste sous tendant l’esclavage est une des raisons pour laquelle les rapports interethniques étaient fortement codifiés notamment par le Code Noir, interdisant par exemple tout mariage mixte car si les gens se mélangent, il n’y a plus d’esclavage.

Dans les faits, les rapports forcés ou non entre blancs et noirs ont toujours existé dans une large proportion, et la population s’est métissée.

En 1847, à la veille de l’abolition de l’esclavage, la société martiniquaise ressemble fort à une grande pyramide hiérarchisée par la couleur de peau3 :

Au sommet, les planteurs blancs dominent,

plus bas viennent les mulâtres issus d’unions mixtes,

puis les affranchis de couleurs

Et tout en bas la masse des esclaves, tous noirs.

L’« ère esclavagiste » est très récente dans l’inconscient collectif des Martiniquais, puisqu’elle remonte à quelque cinq générations seulement, et qu’elle a duré si longtemps dans autant de violences : c’est un élément historique extrêmement fort et fondateur pour cette société et les séquelles de cette réalité dramatique sont toujours présentes dans les mentalités.

2. Critères de beauté : traits fins et peau claire

Le nez fin, que des générations de mères martiniquaises ont espéré pour leurs enfants4, mais surtout la peau claire, ainsi vont les critères de beauté en Martinique, hérités d’un temps où être noir était synonyme d’esclavage et de misère, et être blanc synonyme de liberté et de richesse. Gare à celui qui s’en écarte ; les anecdotes du racisme ordinaire sont fréquentes : qui de conseiller à son ami de ne pas trop s’exposer au soleil, au risque de " noircir ", ce qui serait fatal pour trouver un emploi ; qui de déplorer l’existence de petites figurines artisanales représentant des personnages martiniquais " trop colorés " ; qui de regretter la préférence quasi systématique au type très métissé - cheveux fins ondulés et peaux dorées- des acteurs de publicités locales, loin de représenter la population martiniquaise... Nous sommes loin de la vision idyllique du creuset créole, où les différences se vivraient dans l’harmonie...

Si nous, métropolitains, connaissons les termes de " noir ", " blanc ", " mulâtre " ou " métis " pour parler de couleurs de peau, le français régional décline un large paradigme hérité de l’histoire raciale locale.

3. Comment nomme-t-on le blanc ?

Les blancs qui vivent en Martinique ne forment pas une communauté homogène. Nous pouvons parler de deux grands groupes : celui des békés5 (descendant des premiers colons) et celui des métropolitains (blancs nouvellement arrivés de métropole). Mais ces deux groupes sont eux-mêmes divisés.

Le paradigme du béké

Les békés sont les descendants des maîtres d’esclaves venus des provinces françaises pendant la traite pour cultiver la canne à sucre. Actuellement, cette minorité blanche possède une grande partie de l’économie martiniquaise (commerces, cultures...) et des terres. A l’intérieur de ce groupe, il existe différents " échelons " stigmatisés par le français local :

Il y a le gros béké qui possède beaucoup de richesses opposé au petit béké , qui possède peu de biens. On nomme béké déchu celui qui a perdu ses possessions et qui est souvent écarté du " milieu ". Gros, petit et déchu connotent l’appellation béké sur une échelle économique.

Autre composé de béké, le béké France signifie ici métropolitain. Béké est dans cette construction synonyme de blanc et le complément du nom en construction directe -France indique son origine hexagonale et non locale.

Le béké goyave, est, lui, un mulâtre qui possède une grande richesse. Béké signifie ici possédant, et goyave (fruit exotique beige brun) indique la couleur métissée de la personne.

Enfin, békette et békétude, sont deux outrances, dérivées de béké pour se moquer. La békette est une femme békée et békétude est la qualité de ce qui est béké. Ce dernier néologisme est fabriqué par un auteur pour se moquer de la multiplication de lexies formées sur le nom des groupes ethniques représentés à la Martinique (négritude et indianité) ou sur des termes génériques (antillanité et créolité).

Le paradigme du blanc

Blanc péyi6 qualifie un blanc de France né aux Antilles et ayant adopté les caractéristiques régionales (notamment la langue créole). Il est composé du complément du nom -péyi (signifiant local) en construction directe sans connotation économique, par opposition au béké (où le sème de " riche " est dominant) et au petit blanc (où le sème " pauvre " est dominant), appellation méprisante du blanc qui n’a pas réussi économiquement.

Le français régional cite également du créole : on entend par exemple An lapo blan, terme péjoratif signifiant littéralement une peau blanche.
Ce paradigme connaît, à l’instar du béké, des outrances, telle blanchitude (V. békétude).

Autres exemples

Du paradigme des couleurs, métro, abréviation de métropolitain est le terme le plus neutre et le moins connoté pour qualifier un blanc, par opposition à Z’oreille, qui se retrouve en Guadeloupe, en Guyane mais aussi en Nouvelle Calédonie ou à la Réunion, extrêmement moqueur (ce terme viendrait du fait que les métropolitains ont les oreilles très rouges au soleil ou bien parce que le lobe de leurs oreilles serait très décollé).

4. Le paradigme du noir

Dans la littérature de l’époque esclavagiste parlant de la traite, on rencontre le terme de Bois d’ébène, objectivant au plus haut point la marchandise humaine africaine. Sur la plantation, on appelait les derniers arrivés par bateaux négriers congos7 par opposition aux créoles, nés sur la plantation. Congo est aujourd’hui une insulte raciste dans le français régional martiniquais.

En Métropole, le terme de nègre est une insulte. En Martinique, il est d’abord très usité en créole, où il est peut être synonyme de " gars ", dans des expressions telles que " Mi kalté vié nèg ! " (" Qu’est-ce qu’il a de mauvaises manières, ce gars ! ") ou " Fout ou mové nèg ! " (" Quel mauvais gars ! "). On entend aussi souvent nèg mwen dans les conversations, pouvant se traduire par " mon gars ". Cette hypothèse de traduction est corroborée par la redondance nèg nwè, citation du créole signifiant littéralement nègre noir.

Nègre (graphié aussi nèg) est l’appellation générique du noir. Il connaît des dérivés : négrillon, petit nègre ou négritte, jusqu’à forger négritude, le mouvement littéraire et culturel d’Aimé Césaire. Enfin, négropolitain, composé de nègre et de métropolitain
désigne l’Antillais vivant en Métropole. Le sème de nuance de couleur de peau est absent dans cette lexie car il s’agit ici de marquer la différence sociale très forte de l’Antillais né en Métropole, mulâtre ou noir par rapport aux locaux.

Il connaît aussi des composés : Nègre-gros-sirop, personnage du carnaval enduit d’huile noire, et semant le trouble dans la foule en courant après les gens.

Quant au terme nègre marron8 il est composé du verbe marronner signifiant " s’enfuir ". Le nègre marron est la figure mythique de l’esclave qui se révolte contre l’oppression des planteurs blancs en s’enfuyant de la plantation, glorifiée par les manifestations culturelles de la commémoration du cent cinquantenaire de l’abolition en 1998 aux Antilles.

Enfin, les noirs peuvent être rouges s’ils ont une tendance à la rousseur, ou dits bleus s’ils sont très foncés, ce dernier terme étant très péjoratif, voir insultant.

5. Le métissage comme promotion sociale

Pendant l’esclavage, la promotion sociale était quasiment impossible puisque la fonction sociale d’un individu était fonction de sa couleur de peau. Restait l’espoir d’avoir des enfants à la peau claire, que l’on appelle une couleur " ayayaï "9 comme on l’entend parfois dire.

Dans ce contexte sont nées les expressions blanchir la race, signifiant s’unir avec une personne plus blanche que soi afin d’avoir des enfants clairs de peau, synonyme de sauver ou sauver la race et de chaper la peau (du créole " chapé ", échapper, littéralement s’échapper de sa peau) .

6. Comment nomme-t-on les clairs de peau

Les personnes de couleur claire sont issues de familles métissées. On appelle aux Antilles Couple domino un couple mixte noir-blanc..

Pour désigner la personne claire de peau, on emploie sang-mêlé, métis, l’adjectif sauvé (du verbe sauver, qui signifie blanchir), on rencontre également lapo sové, citation du créole signifiant peau sauvée : peau claire. Mais on emploie surtout mulâtre et son féminin mulâtresse. Traditionnellement d’extraction bourgeoise (V. pyramide en 1.), les mulâtres restent indissociables dans l’imaginaire d’une situation économique privilégiée. On peut dire en exagérant à quelqu’un de noir, " tu es un mulâtre " pour lui signifier qu’il est riche et pour s’en moquer. Plus rare, surtout chez les jeunes gens, câpre et son féminin câpresse sont utilisés, avec quelques nuances sémantiques (les cheveux fins et bouclés par exemple).

Tout à fait à part, les lexies chabin10 et chabine (en position nominale et adjectivale) désignent des personnes claires de peau mais de parents pouvant être très noirs : Ils sont le résultat de métissages anciens. Terme très courant, il est aussi le pseudonyme d’Alfred Marie-Jeanne, président de la Région martiniquaise. Un Martiniquais qui cherche à séduire une femme blanche peut employer le terme de chabine en parlant d’elle pour signifier une complicité.

7. Les dernières vagues d'immigration

Une vague d’immigration a suivi l’abolition de l’esclavage pour faire face au manque de main d’œuvre sur les plantations à la fin du 19ème siècle : Ce sont environ 25 500 travailleurs dits " contractuels " venus des comptoirs français d’Inde, suivis de Chinois, d’Africains, auxquels viennent s’ajouter au cours du 20ème siècle des Orientaux (appelés Syriens) ainsi que des métropolitains.

La composante indienne va dès lors entrer dans le paysage antillais. On nomme ces Indiens, les Coulis11. Il est aussi fréquent d’entendre l’adjectif couli pour parler des cheveux ou des poils lisses (opposé à graîné, adjectif signifiant " crépu "). Chapé couli, reprenant l’expression chaper la peau, désigne une personne métissée au type indien.

Conclusion

Cet éventail non exhaustif a pour ambition de montrer aux jeunes chercheurs que nous sommes constamment confrontés en sociolinguistique à des situations culturelles dont nous ne maîtrisons pas les codes. Il montre également la difficulté de manier certaines données, quand celles-ci relèvent d’une histoire douloureuse : comment traiter une insulte (congo ou bleu par exemple) et quelle place lui faire dans un relevé lexicographique ou comment définir une lexie quand elle relaie une idéologie raciste (sauver la race par exemple). Nous proposons au stade de nos recherches, de multiplier les indications de lecture encadrant la définition et le contexte d’une lexie comme péjoratif, insultant ou raciste... dans l’objectif d’un relevé lexicographique. Il nous paraît aussi important d’intégrer dans notre travail le fait que nous sommes blancs quand nous le sommes, et que la relation enquêteur-enquêtés sera une relation « symboliquement chargée » à prendre en compte, qui certes fera barrage à l’accès de certaines informations, mais induira une distance critique supplémentaire favorable à l’analyse. Enfin il faut redire ici l’importance de ces relevés qui nous enseignent une histoire de France souvent trop méconnue...

Brève bibliographie :

J.-L. BONNIOL, «Particularisme ethnique et culture créole dans la caraïbe : le cas des «Petits-blancs»», Etudes Créoles, vol. III, n°1, 1980, p. 15-33.
«Cent cinquantenaire de l’abolition de l’esclavage, 1848-1998», France Antilles, mai 1998, hors série.
M. CONDE, Le cœur à rire et à pleurer, contes vrais de mon enfance, Paris, Robert Lafont, 1999.
T. DELSHAM, An ta robe, le siècle, roman antillais, Schoelcher, Editions MGG, 1994.
A. VALDAMAN, «La diglossie français-créole dans l’univers plantocratique» in G. Manessy et P. Wald (sous la dir. de), Plurilinguisme : normes, situations, stratégies, Paris, L’Harmattan, 1979, p. 173-185.

Annexe

Béké – n. m. : « Pendant plus de 200 ans, les ancêtres des békés d’aujourd’hui ont tué, violé, réduit à l’état de bêtes des millions de nos ancêtres (...), et, quand pendant quelques jours - entre les élections et la coupe du monde de football - nous voulons nous rappeler et leur rendre hommage comme à une fête de la Toussaint un peu particulière, voilà que les békés sont agacés. » Question, hebdomadaire martiniquais d’informations, Je voudrais vous dire... Les békés sont agacés, par Roland Laouchez, mai 1998, p. 3.

Béké France / béké-France – n.m.: « L’eau de chaleur jaillissait de ses pores à l’idée de n’importe quel béké-France, lui qui ne transpirait jamais, même lorsque le vent oubliait de souffler ! » Delsham, Tony, 1998, p. 98

Békette – n.f. : « La békette des origines », Bonda Man Jak, Actualités pimentées, N° 001, octobre 1997, p. 3.

Békétude – n.f.: « Témoin, cette recherche identitaire qui balance entre l’Afrique, l’Inde, l’Europe et la Caraïbe, et constitue une folle controverse entre « négritude* » et « blanchitude* », ou « békétude », « indianité* », entre « antillanité* » et « créolité* ». » Armet, Auguste, Société et Santé à la Martinique, Le système et le masque, Présence Africaine, Paris, 1986, p. 23.

Blanc créole – n.m.: « Je vois que la Route Didier est non seulement un quartier d’aristocrates, mais que d’un bout à l’autre de cette double rangée de coquettes demeures circule un même sang, le sang de la race des békés*, que la progéniture d’une maison se retrouve dans la maison d’en face, mariée avec celle de la maison d’à côté ; qu’un Blanc créole ne contracte pas mariage en dehors de son clan de Blanc créole. » Zobel, Joseph, La Rue-Cases-Nègres, Présence Africaine, Paris, 1974, p. 262.

Blanc pays / blanc-pays / blanc péyi –n.m. : Et puis le blanc-pays se leva, paya et s’enfuit. Deux jours plus tard, il revint, la scène se reproduisit à quelques détails près. » Delsham, Tony, An Tan Robè, Le Siècle, roman antillais, Editions MGG, 1994, p. 31.

Blanc-France – n.m.: «Mais le comptable du temps passé se riait des projets des hommes et avait déjà inscrit le blanc-France sur ses tablettes. » Delsham, Tony, An Tan Robè, Le Siècle, Roman Antillais, Editions MGG, 1994, p. 30.

Blanchir la race – v.: « Blanchir la race,
sauver la race*, mais non dans le sens qu’on pourrait supposer : non pas préserver « l’originalité de la portion du monde au sein duquel on a grandit » mais assurer sa blancheur. Le nombre de phrases, de proverbes, de petites lignes de conduite qui régissent le choix d’un amoureux est extraordinaire aux Antilles. » Antilla-Madame n°21, juillet-Août 1998, p. 9.

Bleu – adj.: Il était mieux ingénieux : il s’agissait de m’attirer dans leurs rets à l’aide d’un appât des plus succulents c’est-à-dire une jeune négresse bleue à l’arrière-train-bonda-maté. » Confiant, Raphaël, La baignoire de Joséphine, p. 22

Bois d’ébène – n.m.: « Bois d’ébène : nom donné aux esclaves noirs par les négriers. » Martinique, Guide Gallimard, p. 354, 1994.

Câpre– n.m. (Fém : câpresse).:« Câpre (câpresse) : métis de noir et de mulâtre* reconnaissable à ses traits fins et à ses cheveux bouclés. » Martinique, Guide Gallimard, p. 354, 1994. Litt. : « Puisqu’elle était une jeune, grasse et belle câpresse(1), à peau d’ambre, M. Justin en avait fait sa maîtresse et reconnu l’enfant. (1) Octavonne. » Zobel, Joseph, La Rue-Cases-Nègres, Présence Africaine, Paris, 1974, p. 152.

Chabin / chaben – n. m. (Fém. : chabine). 1. a. : « Un chabin qui pleure c’est rare ça ! » me fit d’un ton attendri une vieille tante dont j’avais oublié le prénom et qui de toutes façons ne présentait strictement aucun intérêt pour moi vu qu’elle ne possédait pas un rond. ». Raphaël Confiant, LSDP, 1995, p.17-18. b. "Y en a marre des chabines!!! Mon père est chabin*, mes deux soeurs sont chabines, mon mari est chabin*, ma belle-fille est chabine... Et les brunes alors ?". A. M., N°20, juin 1998, p. 26. 2. adj. : "Mon père est chabin, mes deux soeurs sont chabines, mon mari est chabin, ma belle-fille est chabine... Et les brunes alors?". A. M., N°20, juin 1998, p. 26.3. Pseudonyme d’Alfred Marie-Jeanne, président de la Région Martiniquaise : « Chaben, comme on l’appelle familièrement dans toute l’île, est né en 1936 à Coulange, quartier de Rivière-Pilote. » Antilla, 4 septembre 1998, p. 13.

Chabine Calazaza – n.f.: « Ils se dirigeaient alors vers les tavernes où les attendaient mulâtresses*, chabines* calazazas, câpresses*, négresses*, dressées à satisfaire leurs fantasmes sexuels. » Delsham, Tony, An Tan Robè, Le Siècle, Roman Antillais, Editions MGG, 1994, p. 27.

Chaper la peau – v.: "Qu’est-ce le peuple martiniquais sinon les filles et les fils de couples domino* forcés, enchaînés au niveau du blanc (colon) saillant ses esclaves et au niveau de la noire prenant le blanc de tout acabit pour chaper la peau de la descendance à affranchir ? ». Antilla-Madame n°21, juillet - Août 1998.

Congo/ kongo – n.m. : « Véritable main-d’oeuvre captive, ces nouveaux immigrants, appelés congos pour les noirs, Coolies*
pour les Indiens, Chinois pour le reste, sont restés longtemps marginalisés, les créoles* de couleur refusant, par ces appellations, de reconnaître la créolité* de leurs enfants et petits- enfants. » Martinique, Guide Gallimard, 1994, p.78.

Coolie /couli / coulie / coulis / kouli – n. mixte.et adj.: « Nous rabattions la terre sur ces racines, blanches comme château en Papouasie, tirant sur la couleur chair, droite comme la flèche, souples comme l’élan du fouet dans sa course, pures et irresponsables, des viols, des croisements d’albinos et de coolies. » CAZAL, Louison, 1988, Le clan des mutilés, p. 6, Editions Carrere, Schoelcher, p. 98.

Couleur « ayayaï » / koulè wayayaye – n. mixte. : « Le rejet du nèg nwè et l’admiration béate pour le blanc, le lapo sové*, le koulè wayayaye, conféraient à ces derniers un véritable statut de prince dans une cour des miracles. ». Antilla N°796, 4 septembre 1998, p. 13.

Couple domino – n.m.: « Couples dominos, mythes et réalités. Bien que la question des couples mixtes noir-blanc puisse paraître à l’aube de l’an 2000, quelque peu désuète à un grand nombre de personnes , il n’en demeure pas moins une problématique et un questionnement constant ici aux Antilles. » Antilla-Madame n°21, juillet - août 1998, p. 7.

Mulâtre – n.m et adj.(Fém. : mulâtresse*): « Créola : - Vous avez innové dans les années 50, vous, un bourgeois mulâtre tombé en amour pour les musiques tambourinées. ». Créola, N°36, Avril-Mai 98, « Francisco, une âme de bohème », interview de Claire Faurie, p. 67.

Mulâtresse – n.f. et adj. : "Très belle femme mulâtresse, une douceur à fleur de peau. Fonctionnaire, divorcée. Elle souhaite vivre avec un monsieur solide, décidé, courtois, bel homme, entre 47/49 ans. Très disponible pour vivre à deux une réelle histoire d’amour. Elle vous attend Monsieur au ...", Chantal, Agence Matrimoniale, France-Antilles magazine, sem. du 9 au 15 mai 1998.

Nèg nwè –
n.m.: « Le rejet du nèg nwè et l’admiration béate pour le blanc, le lapo sové*, le koulè wayayaye*, conféraient à ces derniers un véritable statut de prince dans une cour des miracles. ». Antilla N°796, 4 septembre 1998, p. 13 .

Négraille – n.f.. : «Houles sans forme de la négraille empilée à fond de cale et mousseline des belles de Nantes ou de Bordeaux. » PARSEMAIN, R., 1987, p. 21. Litt. : « Ni l’impératrice Joséphine des Français rêvant très haut au-dessus de la négraille. » Césaire, Aimé, Cahier, p. 10.

Nègre marron / nèg marron / Nègre Mawon – n.m. (Fém. : négresse marron): " Le rouge pour glorifier le sacrifice dans le combat des Amérindiens et des Nègres Mawons rebelles, pour nous exhorter dans notre lutte légitime pour l’existence et la libération de nos consciences et de notre nasyon du joug colonial." Prospectus du MODEMAS, sep. 1995. Presse : " Dans le morceau " Cimaron " que je reprends, là aussi je rends hommage aux Nègs Marrons qui sont les vrais héros ". Eric Virgal et Orlane... une grande complicité, FAM, sem. du 26 sept. au 2 octobre 1998, p. 46. Presse : « Et c’est ainsi que depuis quelques mois, il travaille à la réalisation de ce qu’il appelle la négresse marron... ! Oeuvre de grande taille, elle ne sera rien d’autre que la représentation de la femme libérée de ses chaînes. ». France-Antilles magazine, semaine du 6 au 12 décembre 1997, p. 42-43.

Nègre­ – n.m. (Fém. : négresse) a. : « Alors, debout devant eux, attentifs comme un médecin face à son malade après un électrochoc, un peuple de nègres, eux aussi échappés du cauchemar les regardera, leur sourira. ». Question, hebdomadaire martiniquais d’informations, Je voudrais vous dire... Les békés sont agacés, par Roland Laouchez, mai 1998, p. 3. b. : « Cette robe qui, à l’origine, autant que je m’en souvienne, avait été une robe de simple cretonne fleurie, pour la communion, le premier dimanche de chaque mois, puis pour la messe, tous les dimanches, était devenue un tissu épais, matelassé, une toison lourde, mal ajustée, qui pourtant semblait être la tenue la mieux assortie aux mains en forme de racines, aux pieds gonflés, racornis et crevassés de cette vieille négresse, à la cabane que nous habitions, et à l’habitation* même où j’étais né et d’où, à cinq ans, je n’étais jamais sorti. » Zobel, Joseph, La Rue-Cases-Nègres, Présence Africaine, Paris, 1974, p. 11.

Nègre-gros-sirop – n.m. : « Le second turfiste (un nègre-gros-sirop cette fois-ci) fut pris d’une crise d’épilepsie. Confiant, Raphaël, 1995, La savane des pétrifications, éd. Mille et une nuits, Turin, p. 24.

Nègre-Guinée – n.m.: « A l’entrée, on m’obligea à e dénuder le bras et, à l’aide d’une lampe tempête, un Nègre-Guinée ausculta mon teint et me donna un blanc-seing après une miette d’hésitation. » Confiant, Raphaël,, La baignoire, p. 54.

Négrillon – n.m. : « Et ni l’instituteur dans sa classe ni le prêtre au catéchisme ne pourront tirer un mot de ce négrillon somnolent(...) » Césaire, Aimé, Cahiers, p. 11.

Négritte – n.f.: « Les deux jeunes esclaves, la négritte et les poteries d’Aubagne* achetés ce jour-là s’étaient vus entasser au fond d’un cabrouet-mulet* que le vieil homme conduisait. » Chamoiseau, Patrick, L’esclave vieil homme et le molosse, Gallimard, Paris, 1997, p. 33.

Négritude – n.f.: « La négritude césairienne a engendré l’adéquation de la société créole, à une juste conscience d’elle même. » E.D.L.C., 1989, p. 17.

Négropolitain – n.m. (fém. : négropolitaine) : « Il était revenu au pays, touchait un peu à tout, animait une radio locale à la rubrique les négropolitains, partageait les idées politiques de la R P M -Réalité Populaire Martiniquaise- avec l’invective à la bouche qui faisait monter l’indice d’écoute. » Cazal, Louison, 1988, Le clan des mutilés, p. 6, Editions Carrere, Schoelcher, p. 75.

Peau sauvée / lapo sové : « D’ailleurs, leur mère les y aidera largement : chacun sait que lorsque de telles liaisons naissent ces enfants à peau « sauvée », la mère n’est que trop fière d’avoir – elle, noire comme le tableau noir de la conscience du béké* -contribué à ce qui, dans leur complexe d’infériorité, tient à cœur beaucoup de nègres* antillais : « Eclaircir la race* ». Zobel, Joseph, La Rue-Cases-Nègres, Présence Africaine, Paris, 1974, p. 278.

Petit béké – n.m.: «(...) elle s’était tirée corps et bien avec un petit Béké du nom de Ducon de Champeigné qui servait comme géreur* de la plantation* de Rivière-Salée vu que sa famille ne possédait pas un énième de terre. » Confiant, Raphaël, La baignoire de Joséphine, p. 14.

Petit blanc – n.m. : « Petit blanc : blanc sans propriété, pauvre », Martinique, Guide Gallimard, 1994, p. 354.


Note

↑ 1Le créole martiniquais s’est construit au cours des 16, 17ème siècle sur les plantations de canne à sucre, il est né du contact des planteurs blancs venus de France et des esclaves africains qui ont dû apprendre le français à l’oral en situation non guidée. On a alors assisté à un processus de simplification et de réduction du français (pidjinisation), puis la langue s’est recomplexifiée (créolisation). Si le créole est totalement indépendant du français, il puise 80% de son lexique dans le français, donc les rapports entre les deux langues sont très étroits. Il faut évidemment juger le créole par rapport au français des 16ème et 17ème siècle, et par rapport aux français dialectaux.

↑ 2Cette question est remarquablement relayée dans la littérature antillaise francophone, par Tony DELSHAM pour la Martinique ou Maryse CONDÉ pour la Guadeloupe notamment.

↑ 3Après cette date, le recensement « par races » de la population est interdit.

↑ 4Ainsi, quelques Martiniquaises conseillent vivement aux jeunes mères de " faire le bâton " à leurs enfants, c’est-à-dire leur pincer le nez tout le long de l’arrête jusqu’aux ailes afin que ceux-ci développent un appendice le plus fin possible. " Faire le bâton ", c’est s’efforcer de gommer un trait négroïde chez son enfant, une pratique conseillée il y a trente ans encore par les sages-femmes dans les maternités martiniquaises.

↑ 5Vous pouvez retrouver un grand nombre de ces ethnonymes en contexte à la fin de l’article, dans l’annexe.

↑ 6Cf. les autres graphies dans l’annexe.

↑ 7Cf. les autres graphies dans l’annexe.

↑ 8Idem.

↑ 9Idem.

↑ 10Cf. les autres graphies dans l’annexe.

↑ 11Idem.

 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN 1824-7482