La poésie de Giacinto Scelsi: impressions de lecture
C’est tout-à-fait par hasard que je suis entrée en sympathie - au sens bachelardien du terme - avec la musique de Scelsi et, contemporainement d’ailleurs, avec sa poésie. Foudroyée par l’une et par l’autre1….
Solitaire
le vent
des profondeurs
détruit
l’ordre
des perpétuels
obstacles
d’où Surgissent
à hauteur d’homme
les éclats
passages
des démons
courbes2
Scelsi poète et Scelsi musicien sont indissolublement liés dans mon imaginaire personnel, car c’est toujours bien d’images qu’il s’agit, dans l’écriture verbale comme dans l’écriture musicale; d’images et donc d’imaginaire. Et c’est de la rencontre de deux imaginaires qu’il va être question ici, entre celui du créateur et le mien…
Mais avant d’entreprendre ce bref parcours, je voudrais ouvrir une parenthèse. Loin de moi l’idée de faire semblant d’ignorer les doutes qui planent depuis quelque temps sur la paternité des oeuvres musicales de Scelsi. Est-il vraiment le créateur de ces infernales ou célestiales musiques, c’est selon, par lesquelles l’ imaginaire se laisse si facilement capturer dès les premières sonorités? Il est évident que je ne saurais répondre à cette question, à supposer qu’elle m’intéresse. C’est l’oeuvre musicale qui est au coeur de mes émotions, tout comme l’oeuvre poétique qui lui ressemble tant, me semble-t.-il, et dont finalement on parle assez peu3. Et si je devais mettre mon grain de sel dans cette histoire, je dirais qu’à mon sens il y a de tels échos se répondant entre l’oeuvre musicale et l’oeuvre poétique qu’il me faudrait presqu’affirmer que si Scelsi n’était pas le créateur de ses musiques, il ne serait pas non plus le créateur de ses poèmes. Pour la paix de mon coeur et de mon imaginaire, je vais donc évacuer de ma lecture ces doutes et considérer l’oeuvre de Scelsi comme oeuvre d’art vivant indépendamment de son créateur. D’autant plus que ce n’est pas de musique qu’il va être question ici, mais de poésie.
Je voudrais également préciser ici que ces quelques pages n’ont aucune prétention d’être “la” lecture de l’oeuvre poétique de Scelsi, mais tout simplement quelques impressions, quelques notes autour d’un itinéraire qu’il m’a semblé intéressant de suivre, pour lever un peu le voile sur ces textes - et contribuer à les faire connaître un peu - auquel le grand public n’a jamais eu accès. C’est pourquoi je ferai une brève “histoire” de l’oeuvre poétique de Scelsi, pour suivre ensuite une des voies que tracent certaines images tout au long de l’oeuvre. Un parti-pris des textes ici revendiqué.
Je parlais précédemment du hasard auquel je dois ma rencontre avec Scelsi. Cela n’a rien de curieux, lorsqu’on n’est pas originaire de La Spezia bien sûr, et pas un spécialiste de musique et encore moins de musique contemporaine. Scelsi n’est-il pas “l’Italien le plus secret4” , un créateur qui n’a jamais travaillé pour que son oeuvre atteigne le plus ou moins grand public. Et sa poésie est plus cachée, plus occultée encore, que sa musique. En effet, ses trois premiers recueils de poèmes intitulés respectivement Le poids net, publié en 19495, aux Editions GLM (Guy Levi Mano), L’archipel nocturne (1954) et La conscience aigüe (1955), ont été publiés en très peu d’exemplaires. Et il a fallu attendre les années 1988 pour que ces oeuvres, une centaine de poèmes en tout, soit à nouveau publiées, cette fois aux Editions Le parole Gelate à Rome6.
Une centaine de poèmes donc, écrits en français, langue que Scelsi avait choisie pour y déposer ses images7 ; y compris le tout dernier et quatrième recueil, “Cercles”, publié par le musicien au soir de sa vie8 ; à l’écart des trois premiers aussi bien dans l’espace que dans le temps, mais aussi dans son écriture comme j’essaierai de le montrer plus loin. A l’écart dans l’espace puisque publié à Rome et non plus à Paris. Ecart que semblerait vouloir souligner Scelsi lui-même, puisque le titre, “Cercles” est encadré de guillemets et écrit en italique, ce qui renverrait à une sorte de polyphonie, comme le discours cité d’un autre énonciateur… Dans le temps encore puisque plus de 30 ans le séparent de ce que l’on pourrait considérer comme la trilogie poétique de Scelsi . Tente ans d’un silence verbal, mais non pas musical, pour que naisse cette ultime oeuvre, sorte de testament poétique de Scelsi 9. Trente ans de silence que le poète semblait annoncer dans l’un des derniers poèmes de La Conscience aiguë, l’un des plus beaux, qui pourrait prédire la mort des images verbales et le retour au silence de la “blanche surface” de la page:
Nocturne
ma main lueur moribonde
se dérobe à ma vue
auplus profond du secret
soudain la blanche surface
de l’extrêmeamour10
Silence et secret s’étendent donc sur plus de trente ans, et enfin “Cercles”: objet rare, pour “initiés” en quelque sorte, publié en 85 exemplaires numérotés et signés11, dont 11 hors commerce sur papier fait main (je possède le n° 35).
Ainsi, nous avons fait le tour de son oeuvre poétique. Si l’on parcourt la bibliographie de ses oeuvres musicales, on constate qu’elles sont énormément plus nombreuses. Certes, Scelsi est avant tout musicien. Mais on constate également qu’elles ne sont pas étrangères à sa poésie. Ainsi, les titres et sous-titres de nombre de ses pièces pourraient fort bien figurer au plan des images qu’ils véhiculent dans ses oeuvres poétiques; mais non pas comme titres (presqu’aucun de ses poèmes n’en a par ailleurs) mais comme intégrés dans le corps du texte:
Un lampo e il cielo si aprì
Il allait seul
Chemin de coeur
C’est bien la nuit / le réveil profond
L’âme ailée/ l’âme ouverte
Arc-en-ciel
Preghiera per un’ombra12
Le titre sous cet aspect le plus intéressant, c’est: La nascita del verbo, par ailleurs la dernière pièce avant son internement13. C’est une cantate pour solistes, choeur et orchestre, datée de 1948, et pourrait bien annoncer la naissance toute proche de la première oeuvre de Scelsi utilisant le verbe, le mot, la parole: Le poids net, publié donc en 194914. “Cri endormi comme un secret”15 écrit Scelsi, peut-être ce cri nocturne en tout cas si douloureux qu’est souvent la poésie de Scelsi. Comme sa musique d’ailleurs, nocturnes toutes deux au sens aussi de “régime nocturne – mystique – de l’imaginaire16. Une sorte de continuité entre l’oeuvre musicale et poétique S’il était besoin de le prouver, c’est à Scelsi théoricien de la musique et de la critique musicale que je laisserais la parole. Dans un texte intitulé Sens de la musique17 , Scelsi écrit en français là aussi, que la musique est
d’une part élément sonore, et de l’autre, ainsi que tout art, projection d’images ou d’états de conscience18.
Et au terme de son bref article, où il trace une authentique poétique de la musique qui semblerait d’inspiration directement baudelairienne, il précise:
Jusqu’au moment où l’on aura reconnu et établi les rapports qui seuls peuvent être à la base de la compréhension de toute musique, ancienne ou moderne, c’est-à-dire les correspondances existant entre les éléments qui constituent la musique, et les catégories d’images projetées par le compositeur dans la matière sonore, toute tentative d’analyser ou d’expliquer le sens réel d’une oeuvre nous paraît extrêmement difficile […]. Tout art n’est que la projection dans une matière verbale, sonore ou plastique des images créées19
Donc c’est bien d’images qu’il s’agit, ou plutôt de “catégories” d’images, nuance tout-à-fait intéressante du point de vue de la réception de l’oeuvre; de constellations d’images plutôt que les images isolées dont la mise en lumière, la manière dont elles s’organisent et s’installent sur de grandes lignes de force traversant le texte, - les “schèmes” pour emprunter le lexique de Jean Burgos dans sa Poétique de l’Imaginaire20 - dessinent les possibles sens du texte et la syntaxe de ses images.
Et c’est par l’examen de certains matériaux du texte poétique, confortée à la fois par les assertions de Scelsi comme par celles du poéticien de l’Imaginaire que je vais essayer de faire émerger également l’un des sens possible de l’oeuvre poétique de Scelsi. Une lecture qui se situera à la croisée de deux imaginaires, celui du poète et de son texte, et le mien qui en quelque sorte participe à son tour de la création puisque c’est dans la lecture même que vont émerger les virtualités en attente dans le texte, en attente d’être réactivées; dans une attitude que Burgos définit de “réconciliation” entre lecture et écriture toutes deux solidaires. Je vais donc tout simplement suivre l’un des itinéraires de lecture qu’offre le texte, itinéraire qui traverse de part en part les quatre recueils, mon fil d’Ariane pour pénétrer au coeur du labyrinthe d’ images que sont ces quelque cent poèmes créés dans l’arc d’une quarantaine d’années environ.
Cet itinéraire commence dès le tout premier poème. Il s’offre dès le premier vers dans toute la brutalité d’images traduisant la nécessité, pour le créateur certainement, pour tous les hommes peut-être, d’abandonner, sous peine de mort, les instances de la raison, et se tourner vers une autre réalité, se livrer à une autre logique du monde. Tel semblerait être le projet de révolte, de rebellion du poète face à un monde soumis aux forces de l’intellect. Révolte dont l’issue négative semble être certaine:
Utopique volonté
des chercheurs de cailloux
dans les arcs-en-ciel
les cerveaux démantelés
sont plus près du poids net
de l’univers21.
L’image centrale des “cerveaux démantelés” est reprise dans les poèmes successifs avec une insistance qui ne nous autorise plus à ignorer le gravité de l’avertissement que nous lance à nous lecteurs, à nous êtres humains le poète; une menace à laquelle lui-même ne saurait échapper:
Nous avons déplacé les notions
— le nombre des anges
dans les caves du sommeil
est selon l’espace
qui nous sépare d’eux —
La mort pour les cerveaux d’asphalte22.
Autour de cette thématique qu’explicite avec vigueur et netteté le dernier vers du poème, viennent cristalliser d’innombrables images de lourdeur, de pesanteur, d’écrasement; elles s’égrènent tout au long des textes du premier recueil essentiellement, trouvant leur source non seulement dans le poème d’ouverture, mais déjà dans l’image du titre, le premier de ces lourds cailloux noirs pesant sur l’espace blanc de la page.
Malheur à ceux dont le cerveau
Sera couleur de plomb23.
Ailleurs, d’ autres images encore prolongent l’aura menaçante:
Le jour s’annule
sombre fête
d’un monde grouillant
d’araignées aveugles
impitoyable nourriture
du sanglier de la nuit24.
Des poèmes teintés de multiples noirceurs, d’obscurités contrastant sur le blanc de la page, ponctués simplement de quelques taches d’or ça et là. C’est qu’il faut, dit le poète, se libérer du poids de la pensée, de la raison, fuir ainsi qu’il est dit dans un des poèmes du premier recueil encore, “les crapauds raisonneurs”25.
Tel un Petit Poucet et profondément angoissé, Scelsi sème tout au long des poèmes des images de “cailloux de mort” qui pourraient renvoyer tous à la pensée pure, à la raison, à l’intellect, à cette “règle différente qui [nous] tient tout entier prisonnier”26. Le poète est ainsi en attente, dès le premier recueil, de cet ailleurs du monde, ou de ce monde autre pour
se déréaliser
c’est-à-dire prendre
une autre réalité27.
Ainsi est-il écrit au terme de sa quête et donc au terme de sa vie, puisque c’est un des derniers poèmes de son dernier recueil. Alors qu’il semble apaisé, alors qu’il semble situé sur l’autre bord de l’abîme, alors qu’il semble enfin parvenu au-delà de cette immense déchirure qui torturait ses images28:
C’est bien d’une immense déchirure qu’il est question dans l’oeuvre poétique de Scelsi, et en particulier dans Le poids net où le créateur semble régler ses comptes avec les forces nocturnes et grouillantes d’angoisse qui l’assaillent, nous les avons vues à l’oeuvre dans les textes. D’une déchirure qui pourrait avoir son origine dans cet excès de conscience, ou cette “conscience aigüe” que possède le poète en quelque sorte voyant, à qui il est donné de voir plus haut et plus loin que cet horizon de la raison, de la pensée intellectuelle à l’intérieur duquel son être mortel est retenu prisonnier.
Cette immense déchirure se dit bien sûr de multiples manières dans les poèmes, mais surtout dans les mouvements incessants d’images violemment antithétiques; images qui ne cessent de se nier l’une l’autre. Dans l’alchimie du verbe scelsien, les contraires sont toujours fortement soulignés, et rarement émerge un désir de réconciliation des contraires:
Sur un lit de sommeil
les montagnes se ramassent
aspirant le destin
dans l’attente des grands
éboulementsLivré au rêve sidéral
dans l’âcre baiser
des chairs sans corps
le torse trop blanc suspendu
au voluptueux équilibre
du Néant
traverse l’épaisseur
massive des siècles
d’appels
glacés par les souffles
ennemisDans le mutisme
angoissé de l’ombre
sans espoir
le feu noir de l’astre
tremble
au vent du videTrès haut vacille
un cri d’oiseau
ventre ouvert
par l’éclat futur29.
Le poète, cet “homme des extrêmes”30 est tiraillé, partagé entre ces deux univers impossibles à réconcilier. L’impossible arc-en-ciel, ce pont symbolique entre deux mondes, celui d’en haut et celui d’en bas, l’arc-en-ciel du premier poème marquant plutôt la rupture que l’union. Et s’il est un désir, c’est celui de triompher de la lourdeur, de la pesanteur: pour que l’homme
brise la pierre
millénaire
qui écrase le coeur des oiseaux31.
Cette dernière et impressionnante image, mère de toutes les fortissimes antithèses présentes dans les poèmes contient en elle à la fois toute la lourdeur qui opprime le poète, le poids du temps, mais aussi cette impossible légèreté qu’il voudrait faire sienne. Cette impossible quête d’un monde aérien, voire céleste car trop puissant est l’attrait des forces terrestres par trois fois souligné dans ce vers (pierre, millénaire, écrase) pour que la déchirure soit effacée et que puissent triompher les forces célestes.
C’est bien ce que dit encore ce poème qui appartient lui aussi au premier recueil:
L’hallucinante fureur
des âmes
éclipse les intrus artificiers
chargés de poisons
surchargés d’embûchesIl faut mettre sur le
compte de la révolte
le devenir féérique
des porteurs d’étincelles32.
Magnifique poème, dont la structure symétrique souligne la nature tout en contraste des images. La première partie où une série de mots aux connotations fortement négatives égrènent leur chapelet de lourdeurs et d’angoisses; la deuxième est exactement antithétique: simplement juxtaposée, sans transition ni coordination avec la première; tout y renvoie à la légèreté, à l’éclat, à la lumière, au triomphe du poète révolté devenu, image aux échos rimbaldiens, porteur d’étincelles.
Mais ce ne sont là que certaines des forces antagonistes présentes dans le texte. Ainsi encore, des images de chute s’opposent à celles d’images ascentionnelles et élatent à tous les niveaux du texte, pour s’enchevêtrer aux précédentes de lourdeur et de légèreté:
L’attraction démoniaque des
ombres
ravage le plaisir drapé dans les ailes
folles
l’homme a découvert le cri du monde
défunt
et l’inconnu grandit avec les
décombres.33
Mais ce qu’il nous importe de dire encore ici, c’est que cette quête d’un monde et d’une réalité autre, cette “déréalisation” comme l’appelle lui-même Scelsi, ne peut se faire que dans la révolte, et dans la révolte la plus totale, la plus radicale, si l’on suit le sentier des images qui la disent. Révolte qui est et qui sera inversion totale des valeurs établies, qui permettra au poète de gagner
les îles vertes et les voies de feu
vers le soleil blanc des sommets34
Les hauteurs hyperboliquement célestes. Inversion totale que dit bien encore ce poème – presqu’un aphorisme –
La nuit conquise en plein sommeil
menace de cécité l’homme
qui remonte au soleil
le ciel sous ses pas.35
La voûte céleste devient la terre du poète dans sa marche vers la conscience et ce monde autre, ce monde enfin d’en haut qui pour être atteint, demande à ce que l’on s’affranchisse des forces qui dominent le monde d’en bas, et qu’ici symbolisent la nuit et le sommeil. Alors, puisque les forces en présence sont à ce point d’extrême antagonisme, la révolte doit se faire, ne peut s’accomplir que dans la violence: une violence hyperbolique, aveuglante pour le lecteur qui risquerait bien de ne voir plus qu’elle dans cette écriture. Violence qui naît d’un verbe, du premier poème où prenait son départ cet itinéraire des images que nous sommes en train de suivre: il faut “démanteler les cerveaux” dit ici le créateur, et ailleurs: briser, écraser, menacer, tordre, mutiler, étrangler ; en un mot et sous toutes les formes possibles: détruire. Car c’est ce qu’il faut accomplir – mourir pour renaître - si l’on veut parvenir sur l’autre rive, dans l’au-delà de ce monde écrasant de lourdeur:
Ainsi
qu’une spirale
perfore l’espace et blesse
l’univers
d’une fente mortelle
l’homme
au regard plus que violet
brise la pierre
millénaire
qui écrase le coeur des oiseaux.Lambeaux d’horizons débris
d’étoiles le ciel déchiré
enfin
au-delà.36
La déchirure est certes dite dans les images, mais aussi dans une syntaxe constamment démantelée, comme ces débris d’étoiles, à son tour, selon les voeux du poète; une syntaxe brisée dans son mode d’occupation de l’espace…Certes, ces images d’intense agressivité, cette poésie souvent hermétique, extrêmement symbolique, d’accès difficile à “quelqu’un de normalement constitué”, comme sa musique par ailleurs, ces images font aussi que la poésie de Scelsi trouve le “chemin du coeur” (titre d’une oeuvre musicale) du lecteur. Cette violence s’apaise dans le texte une fois que tout a été détruit, et l’on est, enfin, soupire le créateur, au terme de la mortelle souffrance, au-delà du ciel déchiré.
Donc, pour atteindre les rivages apaisés, il faut obligatoirement passer, et c’est un parcours authentiquement initiatique, par la mort de la pensée, de la rationalité, appelée quelque part, dans un poème “dame de la folie”; comme dans la conclusion du poème que voici:
et dans une immense lumière
les animaux monstrueux
au mouvement ralenti
vont tordre
mutiler
étrangler
dans un faisceau de haine
en leurs crocs d’acier
les hommes suspendus
aux pensées transparentes
de leurs flacons vides.37
l’être est très nettement au bord du gouffre, dans une vision proprement hallucinatoire du monde.
Ainsi, les images manifestent ici directement, dans leur contenu, coupure et isolement ,
Solitude négresse aux dents de feu
entière infernale et dévorante
[…]
Solitude négresse chaussée d’azur
parfumée d’amour solitaire
et de mépris — Ombilic démesuré
mangeur de fleurs mangeur de fruitsTentation au néant
Bateau de la nuit — O Solitude38.
Comme encore démantèlement, démembrement, destruction, images révélatrices d’un imaginaire profondément révolté devant un monde où règne la matière, un ordre très certainement intollérable au poète:
Hors d’atteinte je suivais dans la nuit un fourmillement de volontés absurdes jusqu’au bord du monde extérieur où l’homme vit comme des milliers d’autres dans l’extatique obstination d’une paresse organique sans se méfier de la force d’inertie d’un ciel moribond raison même de notre angoisse39.
Mais ces matériaux nous encouragent, selon le poéticien de l’Imaginaire, à y lire aussi une attitude de révolte devant le temps chronologique et la dégradation qu’il implique:
révolte qui est à la fois manifestation d’une tendance organique profonde refusant toute finitude et est aussi réponse à l’angoisse liée à cette finitude.40
Ce qui à mon sens ne peut que trouver confirmation dans la musique de Scelsi, qui étire le temps à l’infini et un désir exaspéré, présent dans toute sa poésie, de se projeter dans un monde au-delà du temps, dans l’infini du temps, comme dans l’infini d’une note41, dans l’éternité où il n’est de mort possible:
N’importe comment
À chacun un jour
sera donné le printemps
et les rêves seront comblés
pendant le temps de veilleMalheur à ceux dont le cerveau
Sera couleur de plombLe silence aura un jour
une âme neuve
et le savoir du sommeil
sera plus profond
que les racines des arbres centenaires
Malheur à ceux dont le rire
Renversera la nuit en vain42.
C’est l’un de ces rares poèmes où perce l’espoir du poète d’atteindre, un jour, un monde autre et un temps autre, le “printemps d’une âme neuve”.
Donc c’est dans la destruction nécessaire, inévitable, que germe la re-création, la re-naissance. Révolte douloureuse mais possible. De poème en poème, le poète poursuit sa révolte devant un temps chronologique 43 qu’il essaie de maîtriser. De la révolte violente que nous avons vue dans le premier recueil, à la navigation qui semble peu à peu s’apaiser, voire lentement se cicatriser dans le deuxième intitulé L’archipel nocturne. Image parfaite de l’espace –temps du poète; navigation dans un univers brisé, morcelé, démantelé, multiplié que symbolise en soi l’image de l’archipel. Navigation en quête de l’éternité “dans l’aspiration d’une aube émerveillée”. Dans plusieurs poèmes du recueil, s’annonce la lumière qui n’oublie pas encore cependant ses ténèbres et ses ombres. Mais comme le dit bien le dernier poème cité, et le suivant, la clarté est au bout de la quête:
Par delà
l’admirable nuit
oùs’enfonce ton corps dense
pénètre l’ombre
du mystère originel
et dans un vertige éblouiReçois la première clarté.44
Et le second recueil se clôt sur l’expression d’un profond désir:
PRENDRE FEU
SANS
CRI
VOILA
LE
SIGNE45
Récit merveilleux d’une naissance, entre les pierres noires d’un archipel nocturne; entre lesquelles jaillissent les éclairs de feu de La Conscience aiguë. On est déjà alors de l’autre côté.
Car il y a un authentique fossé entre les poèmes du Poids net, datant de 1949, et les poèmes successifs de La conscience aiguë, publiés en 1955. Le voile noir qui semblait tenir prisonnier le poète se serait enfin déchiré:
On l’aura remarqué, les images se sont apaisées,les brouillards se sont raréfiés, l’oubli serait atteint. Et l’éternité avec lui:
Le temps s’allonge
Entre deux mondes
Depuis toujours
Mais aussi, les poèmes sont peu à peu contraints à exister dans des formes géométriques et typographiques précises – un ordre enfin trouvé - formes remplies d’images, en un précieux continuum, tel ce poème en losange, un des derniers du recueil; losange en fait composé de deux triangles isocèles adjacents par leur base, et qui signifieraient, selon le Dictionnaire des symboles46 , les contacts entre le monde supérieur et le monde d’inférieur, entre ce qui est en haut et ce qui est en bas de la Table hermétique.
Ce losange pourrait bien aussi symboliser la réconciliation du poète d’avec les orages qui l’ont si longtemps blessé47:
Tout est dit ici, il me semble: la lumière est là; le crépuscule point de jonction entre le jour et la nuit; l’espace et le temps vont chavirer dans l’autre monde et dans l’autre nuit. Le crépuscule est enfin accepté grâce à la promesse d’une aube future. Le cri de souffrance hurlé dans chaque poème du Poids net et encore dans L’archipel nocturne est devenu “souffle” (vital…), pneuma, et tout au bout est inscrite la paix sur la blanche surface de l’être comme de la page. PAIX: mot qui clôt le poème et presque le recueil. Et le poète semble réconcilié avec le temps, le regard tourné vers “des horizons immémoriaux”.
Donc a été la renaissance. “L’heure H” est-il écrit (p.29) dans L’archipel nocturne. La renaissance comme un nouvel âge:
Très haut
Au-dessus
des incrustations
où macèrent les monstresAu-dessus
de la chair pâle
qui ouvre un nouvel âgeAu-dessus
des cloches ardentes
qui font monter la terreSeul
J’avance
ombre et imagevers trois
cercles immenses
hors du tempsSilencieux
Tourbillonnent
éblouis d’innocence
les mythes étoilés
balançant les feux
d’une miraculeuse Présence48.
Le poète atteint, au terme de sa quête, l’infini du temps, et l’unité de son être.
Il entre
au
plus profond du secret
soudain la blanche surface
de l’extrêmeamour49
Il entre dans un silence de plus de 30 ans, comme s’il était arrivé dans un monde où seules comptent les images sonores. Mourir aux images verbales pour renaître à une autre écriture, ne plus être déchiré. Le voilà enfin arrivé, semble dire ce silence, dans un monde vers lequel il disait se diriger dans un de ses tout premiers poèmes:
Je vais dans un pays
sans nom sans chiffres
et sans mots
sans phrases et sans pièges
où règne le fou rirerêver la mort des rêves50
Parfaite mise en abyme de la destruction.
Un silence de trente ans donc au cours duquel il composera la plupart de ses oeuvres musicales. Silence dont il ne sortira qu’au soir de sa vie, en 1986, pour publier son quatrième et dernier recueil de poèmes: “Cercles”. Signés d’un seul symbole zen, une signature comme ultime image dont Scelsi avait décidé qu’il le représenterait. Un cercle, un de plus, de ceux dont parle le titre au pluriel, flottant en quelque sorte sur une ligne, la ligne de l’horizon derrière laquelle ce soleil s’apprêterait à traverser l’espace infini… Pluriel qui renvoie immédiatement aussi au cercle tracé sur la couverture de l’ouvrage, un et multiple à la fois (par le pluriel du titre) peut-être figure mystique et “épurée” du mandala aussi, en tout cas créé à la main, et qui anticipe toutes les formes géométriques que tracent ses poèmes. Poèmes signifiant par leur seule forme déjà, qui s’étalent ça et là dans ce dernier recueil. Formes en forme de poèmes.
Cette distance dans la chronologie s’affirme avec encore plus de vigueur au niveau des images. Et malgré un très curieux “Ainsi” qui ouvre le premier poème de ce recueil, et qui indubitablement le projette comme procédant logiquement du poème immédiatement le précédant, le dernier poème de La conscience aiguë, publié trente ans plus tôt. Donc une coupure réelle ainsi comme annulée par le pouvoir de l’écriture.
Une coupure dans le réel effacée par le poète désormais presque exclusivement consacré à sa musique, mais qui veut atteindre à sa parole une dernière fois. Curieux désir cependant que celui d’effacer, ainsi, une si longue absence. Certes, il semble dans ses derniers poèmes être enfin parvenu au terme de son parcours… et dans cette dernière oeuvre se déployant par le verbe, les mots se font rares, proférant plutôt des symboles que des image; et les poèmes, qui semblent moins “beaux” que leurs antiques prédécesseurs… à croire qu’un être en paix et séparé de ses souffrances l’est aussi de ses images?
Mais encore. Alors qu’autrefois le créateur parcourait l’espace en tous sens, l’occupant totalement - histoire d’apaiser son angoisse devant le temps – l’occupant dans son horizontalité comme dans sa verticalité, pour
explorer les voies
qui communiquent
avec l’univers entier
organiser l’attention
sur un minimum d’espace
cela dépend du souffle51
Le voilà au contraire maintenant concentré “sur un minimum d’espace”, comme l’espace sonore d’une note…là où le temps s’abolit, comme peu à peu s’abolissent les mots – comme démantelés - pour qu’ils laissent la place à de pures formes géométriques, vides, symboles, occupant la place des images. Et surtout, la poésie, se faisant didacticienne, semble laisser la place à la philosophie, au mysticisme le plus évident52 : comme un retour de certaines formes de la pensée qui chassée par la grande porte des images fait retour par la fenêtre d’un symbolisme des plus transparents et des plus immédiats. Signes peut-être de cette sorte d’impuissance à créer dont le poète serait la proie:
pas de Connaissance
sans Transfiguration
pas de Transfiguration
sans Connaissance53
Peu à peu le souffle s’éteint, et le verbe se décharne:
Les mots
toujours plus
obscursle vide
plus clair
plus videla fin
Cette mort des mots, cette mort des images, annoncerait-elle la sienne, celle du poète? Proche de cette
PAIX
majuscule, d’éternité…
Il est permis d’en douter, puisque ce regard ironique qui ça et là perce dans les poèmes de Scelsi, même au milieu de la douloureuse souffrance que nous avons lue, celle du déchirement de l’être, eh bien, cette ironie, en fait désir d’effacement de ce qui vient d’être dit54 est là cachée, mimétisée certes, mais bien présente: la conjonction alchimique des contraires.
Lentement, s’opère la transfiguration. Les pages qui suivent ce dernier mot présentent justement la lente et progressive transformation des formes et donc de l’être qu’elles symbolisent. Ainsi, le triangle à 3 côtés devient carré, qui à son tour se transfigure en une forme à 5 côtés, puis six, puis sept etc…chacune de ces formes occupant l’espace d’une page jusqu’à l’aboutissement final du parcours: le cercle.
Mais quand même, et comme pour contredire ce qui vient d’être dit, nous voici à nouveau, qui croyions avoir trouvé un fil d’Ariane tendu par le poète, lecteur désorienté puisqu’à nouveau les matériaux basculent. On retourne aux images et le poète montre qu’il n’a rien oublié de ses souffrances d’autrefois. Et dans un dernier souffle, toute l’angoisse d’avant la “Transfiguration” semble réémerger, car comment comprendre autrement le dernier poème:
mais tout
recommence
parmi les ombres
où les portes
s’ouvrent
à l’envers
jusqu’au nouveau déséquilibre
et encore
deux fois55
Chant du cygne qui précède le silence définitif de la mort, symbolisé par les deux pages blanches, vides, qui ferment le recueil et l’oeuvre poétique. Il nous dit le retour des ombres, l’infini recommencement ou l’éternel retour. Curieusement, comme le rappelle Marie-Cécile Mazzoni, le cinquième et dernier quatuor de Scelsi, écrit à la mémoire de son ami Henri Michaux à peine décédé, qui est aussi sa dernière oeuvre, dépouillée, austère, “est fondée sur un fa qui se fond dans un bruit blanc, et qui réapparaît à la fin dans un vibrato qui est le dernier souffle du compositeur”56. Le blanc se confond avec le vide….l’absence.
Le cercle est clos. L’un de ceux certainement qu’annonçait le titre même.
Le poète est mort deux ans plus tard, ayant emporté avec lui tous les secrets de sa création. Mais nous sont restés ces poèmes sur lesquels il ne s’est jamais exprimé, il me semble. Et le voici par eux éternel . N’y avait-il donc pas songé, que pour l’authentique créateur, il n’est de finitude?
Note
↑ 1 Ce texte est la version un peu remaniée et corrigée d’une conférence prononcée, sur invitation de Hélène Giaufret Colombani à La Spezia, au siège de l’Allinace française, en 1991. Honneur dont je la remercie encore…
↑ 2 G. SCELSI, La conscience aiguë, Rome, Le parole gelate, 1988, p.13.
↑ 3Si ce n’est pour signaler que certaines d’entre elles ont été mises en musique (cf. site de l’IRCAM et de la Fondation Isabella Scelsi.
↑ 4Gérard CONDE, “L’italien le plus secret” , Rétrospective Scelsi, Le Monde, 31 mai 1987: “Avare de son oeuvre, sévère avec lui-même, peu enclin à s’expliquer, ce compositeur également poète reste une énigme dont trois concerts tentent d’élucider quelques secrets”.
↑ 5Ce texte a été publié à une période de profonde souffrance, au cours de laquelle (1948-1952), Scelsi a souffert de crises de folie: “Au cours de ces crises de folie […] Scelsi sombre dans la monodie, le son isolé. Dans son luxueux établissement de soins près de Genève, il joue sur son piano la même note, inlassablement, des journées entières. Il lui semble pénétrer à l’intérieur du son; il tente d’en percevoir les plus infimes variations. Le son se substitue à la note. Bientôt le piano, instrument tempéré, ne lui est plus d’aucune utilité: il a franchi dans sa thérapie le “mur du treizième son”, et se dirige vers l’infra-chromatisme”, Marie-Cécile MAZZONI, “Les deux vies de Scelsi”, Les lettres françaises, 1991.
↑ 6C’est à cette seconde édition que nous ferons ici référence: Le poids net, Rome, le parole gelate, 1988; L’archipel nocturne, Rome, le parole gelate, 1988; La conscience aiguë, Rome, le parole gelate, 1988. Rappelons que Scerlsi, né en 1905, est mort cette même année où ses trois premiers recueils ont été republiés.
↑ 7“Scelsi est un homme d’une urbanité exquise et d’une grande culture; il est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes (en français exclusivement, langue qu’il parle admirablement) dont la perfection, la concentration et la rigueur hautaine suffiraient à lui assurer une place éminente dans l’histoire.” Harry HALBREICH musicologue, lors d’une conférence sur Scelsi au Centre Culturel de Turin en 1986.
↑ 8Giacinto SCELSI, “Cercles”, Rome, le parole gelate, 1986.
↑ 9Je saisis ici l’occasion pour préciser qu’une recherche sur internet effectuée aujourd’hui où je transcris le texte de la conférence, recherche ayant pour objet la poésie de Scelsi, ne fait que confirmer l’oeuvre musicale de Scelsi tend à effacer presque totalement l’autre versant de sa création. J’ai simplement trouvé une référence, sur le site de l’Ircam, à un mémoire de maïtrise en lettres modernes, datant de 2004: Jean-Baptiste RIFFAULT, Lecture de la poésie de Giacinto Scelsi, (sous la direction de Jean-Louis BACKES) 115 p. Et d’ailleurs, ce travail ne s’intéresse qu’aux trois premiers recueils, certes du point de vue poétique les plus intéressants, nous le verrons.
↑ 10Op.cit., p. 34. J’essaie dans la mesure du possible de restituer les poèmes dans leur manière d’occuper l’espace de la page voulue par Scelsi.
↑ 11La signature de Scelsi est tout-à-fait insolite: un cercle flottant sur une ligne, simplement.
↑ 12Ces exemples de titres d’oeuvres musicales sont glanés dans la bibliographie presque complète de ses oeuvres musicales, parue dans l’ouvrage qui lui est consacré, Heinz-Klaus METZGER, Hans Rudolf ZELLER, Martin ZENCK, Henk de VELDE, Giacinto Scelsi, Roma, Nuova Consonanza-Le parole gelate, 1985, 125p.
↑ 13voir note 5.
↑ 14Il se pourrait également, ce n’est pas à moi de m’en mêler certes, que cette oeuvre écrite en pleine période de crise ait joué elle aussi une fonction théreapeutique, peut-être… La verbalisation des souffrances.
↑ 15Le poids net, p.28.
↑ 16Gilbert DURAND, Les structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, Bordas, 1969.
↑ 17Heinz-Klaus METZGER, Hans Rudolf ZELLER, Martin ZENCK, Henk de VELDE, op.cit., p.7.
↑ 18Giacinto Scelsi, p. 7.
↑ 19 Ibid.
↑ 20 J. BURGOS, Pour une poétique de l’Imaginaire, Paris, Seuil, 1982.
↑ 21 Le poids net, p.5.
↑ 22 Ibid., p.6
↑ 23 Ibid., p.11
↑ 24 Ibid., p.31
↑ 25 p.14
↑ 26 Ibid.
↑ 27 “Cercles”, p.14
↑ 28 La conscience aiguë, p.36.
↑ 29 Le poids net, p.46-47.
↑ 30 Comme l’a bien défini Marie-Cécole Mazzoni, dans son article déjà cité.
↑ 31 Ibid., p.12.
↑ 32 Le poids net, p.9.
↑ 33 Ibid., p.13
↑ 34 Ibid., p.8
↑ 35 Ibid., p.10.
↑ 36 Ibid., p.12
↑ 37 Ibid., p.14-15.
↑ 38 Ibid., p.23-24.
↑ 39 Ibid., p.16.
↑ 40 J. BURGOS, op.cit, p.116.
↑ 41 Cf note 5.
↑ 42 Le poids net, p.11.
↑ 43 On se refèrera également à sa curieuse autobiographie en forme de poème, pleine de ruptures, de blancs (si fréquents aussi comme couleur dans la poésie de Scelsi, une autre opposition, en fait toujours la même, le noir et le blanc, extrême antithèse…) déchirée dans sa présentation…
↑ 44 L’archipel nocturne, p.30
↑ 45 Ibid., p.35
↑ 46 Jean CHEVALIER, Alain GHERBRANT, Le Dictionnaire des symboles, Paris, Robert Laffont, s.v. “losange”
↑ 47 La conscience aiguë, p.34.
↑ 54 Le mot PAIX écrit en lettre capitale en haut de la page 28 du recueil, est séparé par un immense blanc d’une phrase en position spéculaire par rapport au premier, et qui vient en fait ironiquement le nier: (mais/non/définitive)
↑ 48 L’archipel nocturne, p.32-33.
↑ 49 La conscience aiguë, p.35.
↑ 50 Le poids net, (titre du troisième recueil) p.19.
↑ 51 “Cercles”, p.8.. Tout les poèmes de “Cercles” sont écrits en italique. Ce que nous respectons ici.
↑ 52 Rappelons que Scelsi avait été profondément influencé dans sa vie par un voyage au Tibet,et trois séjours aux Indes, dans la première partie de sa vie (1929-1948), dont sa musique ressent énormément les influences, comme sa dernière oeuvre poétique.
↑ 53 Ibid., p.9. Remarquons que dans ce dernier ouvrage, aucun des poèmes ne commence par une majuscule ni ne finit par un point; ce qui renverrait à une sorte de circularité des textes comme au fait que les rares mots qui désormais sortent de sa plume se trouvent pris dans un flux existentiel que le poète ne veut maîtriser en décidant de leur commencement ou de leur fin.
↑ 55 le blanc qui sépare les deux derniers vers reprèsente la déchirure authentique du poème déchiré sur deux pages différentes, p.44-45.
↑ 56 Art.cit.