Depuis le jugement célèbre de Sainte-Beuvre – « On sent que Corneille connaissait peu les femmes» --, il était courant de croire que le dramaturge n’a pas su dépeindre la condition féminine dans sa complexité.1 Ainsi, malgré le spectacle héroïque de l’abnégation de Chimène et de Pauline, les personnages féminins dans son théâtre se résumeraient à des « adorables furies » dont la caractéristique principale serait de se laisser diriger pas la raison plutôt que par les sentiments (693). Bien que catégorique, l’optique beuvienne a été adoptée dans divers manuels d’histoire littéraire sous la Troisième République, tel celui de J. Demogeot, qui a connu de multiples rééditions.2 Cet exemple particulier illustre à merveille la récupération de la critique universitaire du XIXe siècle par l’École républicaine et sa transformation sous forme de discours scolaire. Quoique certains commentateurs s’en tiennent à l’opinion de Sainte-Beuve, beaucoup d’autres affirment non seulement la diversité des portraits de femmes chez Corneille mais aussi leur véritable profondeur. A partir d’une analyse méthodique des Cours de littérature de Geoffroy, La Harpe et de Saint-Marc Girardin, ainsi que des interprétations d’A. Charaux, d’A. Benoist et de Faguet (parmi d’autres), nous tenterons de mettre en lumière diverses images du rôle féminin dans le théâtre cornélien : tantôt femmes fortes ou passionnées, tantôt vertueuses ou criminelles, ces héroïnes s’inscrivent dans une conception de la féminité qui sera assimilée par le discours scolaire républicain. Par sa volonté d’ériger l’auteur du Cid en modèle de classe, en chantre des valeurs nationales, bref, en maître de pensée pour la jeunesse féminine de la Troisième République, l’École s’applique à définir les normes prescriptives sur le rôle de la femme dans la société française de cette époque, et notamment sur ses modes de comportement éthique. En faisant des tragédies de Corneille l’objet d’une lecture solennelle et même édifiante, elle exercera auprès des lycéennes une fonction à la fois corrective et formatrice, marquée par des jugements de valeur n’ayant d’autre but que d’entraîner celles-ci vers le bien. Cette perception scolaire de l’identité féminine au XIXe siècle se trouvera véhiculée à la fois par les manuels littéraires et par les sujets de composition française proposés au baccalauréat à cette époque.
Dans son Cours de littérature dramatique, qui découle de ses conférences depuis les années 1790 jusqu’à l’Empire, Geoffroy soutient que l’héroïsme féminin chez Corneille doit rivaliser avec l’héroïsme masculin.3 Souvent, en effet, l’honneur et la grandeur des actions féminines ne reçoivent pas la reconnaissance qu’elles méritent. Par exemple, l’humanité du caractère de Chimène réside dans son déchirement entre le respect de son devoir moral et ses aspirations sentimentales. Selon le critique, rien ne l’oblige à porter plainte à la cour royale (II, 8). Rien ne l’oblige non plus à s’entretenir dans son appartement avec le meurtrier de son père ni à lui témoigner des marques d’affection (III, 4). C’est par orgueil, du reste, que l’héroïne intente un procès criminel contre Rodrigue (30), et l’on peut s’interroger sur le paradoxe sous-jacent à son désir de ne pas gagner le procès. Bien que Le Cid apparaisse en 1636 comme une tragi-comédie, on peut difficilement se mettre d’accord avec Geoffroy, qui estime que les larmes de Chimène sont comiques. Désireux de faire une distinction précise entre l’art et la morale, le critique souligne en plus l’artifice inhérent au théâtralisme de la pièce, dans la mesure où elle s’écarte de « la droite raison et de la véritable vertu » (31). Il prend à partie alors les académiciens qui ont traité Chimène de fille « dépravée » afin de transformer le théâtre en une sorte de lieu saint destiné à sauvegarder la « saine morale » (33). Le critique défend en même temps les droits du poète tragique à dépeindre la visite de Rodrigue chez son amante, même si cette visite aurait pu choquer la bienséance (34).
En abordant Cinna, Geoffroy insiste sur le fait qu’Emilie sombre dans la violence et dans l’ingratitude. Toutefois, celle-ci tâche de donner à ses crimes un caractère vertueux. Dans le cas de Pauline, le critique fait une opposition irréductible entre l’univers théâtral et l’univers moral : alors que Corneille doit représenter la « faiblesse » de l’amour-passion dans l’aveu de Pauline (II, 2), la vertu s’avère à tel point austère qu’il finit par condamner cet aveu (104). Ce qui est impardonnable, selon l’éthique de la galanterie mondaine, c’est de voir une fille obéir à son père en se mariant avec un homme qu’elle n’aime pas.
Geoffroy se livre, de manière plus générale, à un jugement dépréciatif sur les héroïnes cornéliennes : alors qu’il est aisé de remarquer que les personnages masculins (Rodrigue, Cinna, Sévère, César, Nicomède, Othon, etc.) réagissent en fonction du code amoureux du XVIIe siècle français, il n’en est pas de même pour les personnages féminins. Si ceux-ci manquent d’ailleurs de réalité socio-historique, c’est qu’ils relèvent de l’imagination poétique de Corneille (130). Paradoxalement, le public galant auquel s’adressait l’auteur tragique se définissait en grande partie par des goûts clairement féminins (131). Notons, en passant, selon le critique, qu’à l’instar d’Andromaque, Cornélie est un personnage dynamique qui excite l’admiration du public. Le dramaturge entendait, en effet, conférer à cette veuve inconsolable une grandeur égale à celle de César (136).
Somme toute, l’envergure morale des héroïnes cornéliennes est tellement profonde que l’on peut se demander si Geoffroy ne croyait pas assister en quelque sorte, dans le cas d’Emilie, de Pulchérie et de Viriate, à la présence d’hommes dans le corps de femmes. En fait, chez ces personnages féminins, déterminées et fidèles à leurs idéaux, l’amour se subordonne à un ensemble de principes élevés. D’où l’attachement des « grandes dames » de cette époque, telle Mme de Sévigné, au « parti du vieux Corneille » (173). Contrairement à la thèse de Sainte-Beuve, donc, ce commentateur soutient que Corneille connaissait mieux les membres du « sexe faible » que Racine. Il cite, à titre d’exemple, le caractère fortement dessiné de Cléopâtre qui rend compte, dans une grande mesure, de l’intérêt exceptionnel du dénouement de Rodogune, qui peut se comparer à cet égard à Athalie.
Dans la mesure où Le Cid constitue une exaltation de hautes valeurs morales, La Harpe observe que le contexte culturel du Grand Siècle, marqué par la primauté du sentiment de l’honneur familial, justifie le comportement de Chimène.4 Professeur au lycée rue Saint-Honoré depuis les années 1780, il décèle, par ailleurs, des contradictions dans les interprétations traditionnelles de la pièce : si Corneille utilise l’héroïne à des fins morales, c’est afin de lui conférer des sentiments jugés indignes par l’Académie (174). Le dénouement du Cid reste ambigu puisqu’on ne sait pas, au juste, quand le mariage du couple héroïque aura lieu. Quant à Horace, La Harpe s’en prend à la passivité de Sabine et de Camille ; le dramaturge fait réfléchir, à ses yeux, celles-ci au lieu de les laisser exprimer leurs sentiments de manière plus libre. Face à la grandeur d’âme des deux Horaces, les soucis de Camille semblent manquer de sérieux.
Dans ses Poètes du siècle de Louis XIV, un recueil des cours professés à l’Académie de Lausanne dans les années 1840, A. Vinet n’accorde pas à Corneille le même don qu’avait Racine dans la création des personnages « de la famille des Andromaque, des Monime, des Esther. »5 S’il postule que la présentation de la femme dans sa véritable nature morale s’avère assez rare chez Corneille, il ne manque pas d’exalter les rôles sublimes de Chimène, Sabine et notamment Pauline. Faisant la distinction entre l’amour d’inclination et l’amour-estime – ou, plus précisément, l’amour « par penchant » et « par volonté » -- le critique met en valeur la sincérité sans faille de Pauline, qui reste loyale même si elle n’aime pas son mari. D’autre part, il situe sa conversion à la fois miraculeuse et naturelle sous le signe de la vraisemblance. Dans la mesure où la vertu relève, en dernier ressort, du christianisme, A. Vinet en arrive à en signaler les diverses composantes et à démontrer que la vertu d’obéissance se soumet à l’impératif de la volonté. De plus, à partir de Polyeucte, il déplore le rabaissement progressif de la grandeur morale chez Corneille. Ainsi, l’idéal surhumain finissant par rejoindre l’ « inhumain » cornélien, les femmes de ce théâtre, telles Rodelinde, Léontine et Cléopâtre, se dégradent moralement après Pauline car elles se trouvent, à des degrés divers, assoiffées de pouvoir. Le critique prend à partie, de même, le retournement de rôles masculin et féminin dans Rodogune : Antiochus s’avère passif alors que Cléopâtre se livre à des actes d’une cruauté sans limite (121) ; en fait, la volonté de pouvoir propre à celle-ci est franchement décomplexée et sans scrupules. Enfin, outre l’aspect moral problématique du dénouement de cette tragédie, Rodogune et Cléopâtre incarnent toutes deux des figures féminines odieuses.
Dans ses Leçons d’histoire littéraire, E. Fialon reproche à Horace d’être « trop citoyen » et à Curiace d’être « trop homme » (246), car ils dépassent tous deux l’idéal romain de la citoyenneté.6 Quant à Camille, elle est jugée coupable de s’être montrée « plus femme que romaine » (244). Autant dire que son malheur provient, en somme, de sa condition féminine. Le commentateur s’adresse alors aux jeunes filles de son époque afin de les convaincre que le patriotisme constitue une vertu tout aussi féminine que masculine. A cet effet, il cite en modèles les femmes romaines :
Nourrissez-vous, Mesdemoiselles, de ces vigoureux enseignements ; apprenez dans ces vers divins à aimer notre belle France, et même, s’il le fallait, à renouveler pour elle les dévouements antiques. Aux hommes les combats et les luttes du dehors ; mais vous avez aussi votre part : à vous de leur adoucir les amertumes de la vie civile ; à vous de les soutenir et de les encourager … Pour être plus discret et plus caché, pour ne pas se montrer au grand jour comme le nôtre, (votre patriotisme) n’est ni moins beau, ni moins fécond, ni moins efficace. Les femmes romaines, en formant tant d’illustres citoyens, n’ont pas moins contribué que les hommes à la grandeur de la ville éternelle. Que notre France ne vous doive pas moins et obtienne toujours, après Dieu, ‘Votre premier amour et vos premiers honneurs !’ » (254-55).
Paru entre 1843 et 1865, le Cours de littérature dramatique de Saint-Marc Girardin traite de l’histoire d’un sentiment (l’amour paternel dans Horace, par exemple) ou d’une institution sociale (le mariage) dans le contexte du théâtre depuis l’Antiquité jusqu’à cette époque7. Plus précisément, le critique vise à déceler l’influence du christianisme sur l’évolution morale des sociétés occidentales. D’où sa valorisation de l’honneur conjugal dans Polyeucte. Ayant subi la force de l’inclination qu’elle éprouve encore à l’égard de Sévère (II, 2), Pauline se laisse diriger par l’affection qu’elle ressent vis-à-vis de son mari. La supériorité morale de son choix s’explique, à en croire Saint-Marc Girardin, par l’idée bénéfique d’obligation. La disparition de l’amant, au sein de ce célèbre trio, a pour effet d’agrandir la morale sociale, notamment en ce qui concerne l’idéal du mariage (409). Cœur honnête et brave, Pauline a su garder sa dignité de femme. Aussi fait-elle preuve de « scrupules infinis » qui ne manquent pas de susciter l’admiration du lecteur/spectateur :
Elle croit, comme tout son siècle, à l’infirmité de la nature humaine, et elle s’en défie. Le secret de sa force est là : un péril bien connu est à demi surmonté. Outre l’idée qu’elle a de la faiblesse humaine, Pauline a une haute idée de l’honneur, et c’est ce qui la soutient et la fortifie. Bien savoir ce qu’est la faute, bien savoir aussi ce qu’est le devoir, n’est-ce pas toute la vertu ? L’honneur, tel que l’entend Pauline, n’a du reste rien de subtil ni de raffiné. Pauline n’est ni une prude ni une précieuse : elle est une honnête et digne femme, qui, au lieu de se croire une créature soumise aux lois instinctives de la nature, se croit capable de devoir et d’obligation morale. (416-17).
Il va de soi, dans cette optique, que la civilisation française se fonde en partie sur le respect fondamental de la femme. En rejetant catégoriquement la tentation d’Eve, Pauline finit par faire triompher la loi morale qui sous-tend l’idéal d’une France civilisée. Notons par ailleurs que l’essence de la courtoisie apparaît comme la réalisation concrète de cette loi morale en vue de protéger le « deuxième sexe » (418).
Ainsi, la générosité de Sévère se manifeste par le fait qu’il accepte sans discussion la hiérarchie des devoirs que lui oppose Pauline (422). Polyeucte, pour sa part, cède sa femme à Sévère au nom de l’abnégation chrétienne. Pauline, Sévère et Polyeucte constituent donc un trio héroïque car ils illustrent une forme particulière de grandeur morale. Si l’héroïne rejette Sévère après le martyre du héros, c’est qu’elle n’entend point rabaisser la signification de la mort de ce dernier. Grâce à la vision patriarcale de Saint-Marc Girardin, l’honneur dans Polyeucte, centré sur la pudeur féminine en tant que base de l’institution conjugale, s’avère tout aussi inconditionnel que dans Le Cid. En la préparant à sa conversion (cf. « Elle a trop de vertus pour n’être pas chrétienne, » v. 1268), Corneille permet à cette « sainte de l’honneur conjugal » de partager la béatitude céleste de son époux/martyr (436).
Professeur à l’Université Catholique de Lille, A. Charaux se livre à une lecture rigoureusement chrétienne du théâtre de Corneille.8 Le christianisme du dramaturge l’amène, d’abord, à exalter, dans Le Cid, le modèle d’abnégation, et il va de soi que le sacrifice de Chimène prend une valeur particulièrement héroïque. Celle-ci se trouve, en fait, auréolée de sainteté, car elle incarne la perfection morale :
… rien de plus exquis, dans le beau, rien de plus divin, rien de plus déchirant, que de se sacrifier en brisant, par l’effet d’un amour supérieur, semblable à celui de Jésus-Christ eut pour les hommes, en brisant, dis-je, un cœur qui n’a jamais conçu l’ombre d’une mauvaise pensée, le désir même vague ou lointain d’un amour illégitime. Ainsi fait Chimène, supérieure à Rodrigue ; et c’est là ce qu’il y a de plus saint dans Corneille. (I, 228)
Tragédie chrétienne, Le Cid met en évidence le culte d’un idéal prônant le dépassement des traits humains jusqu’à une quasi-sainteté. Mue par le respect filial, l’héroïne se voit contrainte au martyre par son amour. L’amour terrestre finit, chez elle, par se sublimer en amour divin, et A. Charaux loue la pureté virginale de Chimène qui, après avoir pardonné à Rodrigue, aurait consacré sa vie à Dieu dans un couvent (I, 310). L’idéalisme chrétien de Corneille ferait donc partie intégrante d’une idéologie du surnaturel dépassant la nature humaine afin d’atteindre à la perfection divine. « La famille poétique » du dramaturge consisterait, dans cette perspective, d’un ensemble de personnages qui incarnent un idéal humain particulier : alors que Rodrigue et Chimène symbolisent la piété filiale, Cornélie et Pauline représentent, elles, l’épouse chrétienne » (I, 349).
Reine criminelle, Cléopâtre se révolte contre Dieu. Quoique sa conduite outrage la divinité, A. Charaux affirme que cette héroïne effrayante se laisse toucher par le remords grâce à sa foi religieuse. Cléopâtre incarnerait des valeurs abstraites (la haine et l’orgueil) au lieu de présenter au lecteur/spectateur une complexité psychologique réelle. Bien que son rôle soit dépourvu de toute dimension éthique, il garde, en somme, une évidente beauté esthétique. Il n’en demeure pas moins que la punition de cette héroïne dévoyée prouve l’infaillibilité de la justice divine (II, 33) :
Les remords de Cléopâtre, naguère, nous découvraient encore une étincelle de cette beauté de la vérité qui la persécutait une dernière fois : son désespoir dans la mort frappe d’admiration et d’effroi. Dieu est là avec sa justice ; le poète a parlé pour Dieu » (II, 34).
Abordant Horace, A. Charaux fait l’éloge de Sabine qui, par sa souffrance exemplaire, illustre la beauté incomparable de la résignation sereine. Le critique signale que c’est par une démarche anachronique que Corneille a prêté des sentiments chrétiens à des païens (II, 62). Au demeurant, il précise que, dans cette tragédie, l’éthique de l’honneur tire sa signification profonde du christianisme. Quoique Rome adhère aux valeurs païennes, Albe, par contre, apparaît comme une ville chrétienne (II, 93).
Ecrivain de génie, Corneille finit par s’approprier en quelque sorte « l’œil de Dieu » afin de sonder l’âme des malfaiteurs (II, 211). On comprend, de ce fait, le portrait négatif qu’il brosse de Cornélie dans La Mort de Pompée. Loin d’être inspirée par l’amour conjugal, celle-ci agit par orgueil en tentant de regagner les droits inaliénables qu’elle possédait lors du vivant de son mari. Cette héroïne s’avise en plus de sauver César, son ennemi, « pour le réserver à sa vengeance » (II, 212). Dans la mesure où elle représente « une fausse grandeur, » son hypocrisie a pour effet de répugner à tous les bons esprits. Ainsi, à l’instar de Polyeucte, La Mort de Pompée prend le caractère d’une tragédie chrétienne ayant pour sujet le néant des gloires mondaines.
Si A. Charaux dénonce, dans Polyeucte, le fanatisme vulgaire de Stratonice (II, 252), il exalte, par contre, l’élévation morale de Pauline, qui se montre chrétienne avant la lettre : elle est prête à avouer aux autres ses fautes, car elle les a sûrement comprises et analysées. Le recueillement de Pauline prend une valeur sacrée en ce sens qu’elle cherche à se fortifier devant l’assaut de l’amour-passion. Sa piété filiale la prédispose, d’autre part, à s’élever vers Dieu :
Pauline est femme, c’est-à-dire, naturellement pieuse; vous avez remarqué, sans doute, avec quel élan spontané à nous autres hommes inconnu, la femme s’agenouille devant un autel ou devant une tombe ; en se prosternant dans la poussière, elle s’élève par le cœur vers le ciel, plus haut que nous, dans le sentiment de son impuissance et dans son humilité ; elle appuie sa faiblesse sur Dieu ; aussi Dieu entendra Pauline, victime de l’obéissance filiale, et la fera triompher, par l’amour conjugal, de l’amour naturel. (II, 284).
Il va de soi, alors, que Corneille présente l’amour divin comme une force qui circule dans les deux sens : l’héroïne se soumet à Dieu, qui entend ses prières. En mettant son cœur à nu, Pauline suscite l’admiration du lecteur/spectateur (II, 2). Comme dans le cas de Polyeucte, le sort de Pauline illustre la valeur rédemptrice de la souffrance : grâce au sacrifice, cette dernière dépasse l’amour naturel et divinise par là, en quelque sorte, l’amour conjugal. En faisant ressortir la transformation spirituelle qui s’opère chez elle au dénouement, A. Charaux entend exalter la force de l’héroïsme chrétien dans le théâtre cornélien. Cette force l’amène, enfin, à apparenter Chimène, Pauline et Sabine « aux trois Grâces …surnaturalisées » (II, 301), c’est-à-dire, à les ériger en représentants exemplaires de l’idéal chrétien.
Contrairement à la vision chrétienne sous-jacente à la critique de Saint-Marc Girardin et d’A. Charaux, Pierre Corneille patriote, ouvrage publié sans nom d’auteur, constitue une lecture républicaine et laïque de l’œuvre cornélienne.9 Son auteur affirme que le patriotisme représente la religion de la France et le dramaturge fait figure de prêtre éminent, dans le sens où son théâtre sert à rehausser les « mœurs nationales, » bref, à ré-intégrer l’individu au sein de l’Etat. Dans un pays mû par l’idéal patriotique, l’affection maternelle prend une dimension virile : « Même aux fils qui sont sous les drapeaux, les mères envoient de mâles tendresses » (26). Si, par hasard, une mère française ne parvient pas à répondre à accepter les sacrifices exigés par la République, elle pourra s’inspirer des vers de Sabine, qui proclame la nécessité de se sacrifier au nom de la patrie (III, 1). Les mères vraiment françaises sont ainsi exhortées à former des « petits héros ». D’après l’éthique cornélienne, elles devraient préférer la blessure (ou même la mort) de leurs fils à la perte de leur gloire. Porter atteinte à l’honneur, c’est, pour ces mères, faire preuve de lâcheté (27). L’idéal maternel, dans la France républicaine, consiste de la sorte à inculquer l’esprit de sacrifice propre au patriotisme à leurs enfants : « Mères, songez à la patrie !/ Et que vos fils reviennent à votre foyer en gens d’honneur, qui ont fait leur devoir, qui ont aimé la vie et méprisé la mort, --- ou qu’ils n’y reviennent pas sur la mort » (28). Telle qu’elle se définit à travers l’œuvre de Corneille, l’exaltation du sacrifice suppose que l’élévation morale fasse partie intégrante de la grandeur nationale. Du reste, l’essence du patriotisme résidant dans la notion de devoir, on comprend sans peine le goût cornélien pour les maximes républicaines : « Qui ne craint pas la mort ne craint pas les menaces » ; « Je suis jeune, il est vrai ; mais aux âmes bien nées/La valeur n’attend point le nombre des années » ; « Mourant sans déshonneur, je mourrai sans regret. » Si l’on admet que la notion de patriotisme s’accorde mal avec l’absolutisme royal, cette notion fait néanmoins de Corneille un précurseur de 1789. De même que celle de Cinna, l’action dramatique d’Horace semble présager l’avenir de la République. Aussi est-il légitime d’avancer que Sabine préfigure les héroïnes de la Révolution.
Dans son article sur « La Moralité dans le théâtre de Corneille, » A. Benoist s’applique à examiner plusieurs héroïnes.10 Soulignant le dilemme perpétuel de Chimène, qui doit défendre son honneur au dépens de son amour pour Rodrigue, il en arrive à démontrer son jusqu’au boutisme héroïque (4). D’où l’aspect problématique du dénouement du Cid. Toutefois, on peut mettre en doute le jugement du critique, qui soutient que, chez Corneille, il n’y a que trois femmes « qui aiment véritablement » : Chimène, Camille et Pauline. D’après lui, les personnages féminins sont uniquement des symboles de la passion ou du désir ; ces femmes, comme l’ensemble des personnages masculins dans ce théâtre, s’avèrent dépourvues d’épaisseur psychologique (5). A. Benoist signale alors la vraisemblance du meurtre de Camille, qui provoque son frère (IV, 5), ainsi que la noblesse des sentiments de Pauline (6-7). Dans sa mise en jeu des sentiments civiques chez Corneille, le critique commet un anachronisme en évoquant « le devoir du citoyen » dans une œuvre écrite sous un régime monarchique qui ne reconnaît pas un tel statut socio-juridique (9). D’ailleurs, il met en question la vraisemblance de la conversion d’Emilie, qui n’est guère compatible avec la logique du son caractère fanatique (V, 3). Cornélie, quant à elle, apparaît comme une « anti-Emilie » en ce sens qu’elle sauve l’empereur en lui révélant le complot (13). L’héroïne de La Mort de Pompée ne saurait accepter que César meure de manière ignoble. Ainsi, par l’intermédiaire de cette femme vertueuse, Corneille se montre en faveur de la justice morale dans cette tragédie.
Enfin, A. Benoist estime que, tout comme les Fables de La Fontaine, les maximes cornéliennes s’inscrivent dans la mémoire culturelle des Français (21). Il prône, d’autre part, la morale de Corneille dans la mesure où ce dernier expose, notamment dans Cinna, les dilemmes moraux inhérents aux actions politiques.
Dans Les Deux masques, P. de Saint-Victor fait l’éloge de « la race de Chimène, » qui rend compte de son excellence morale par rapport au comportement de l’héroïne de Roméo et Juliette:
… la fille des Capulets n’hésiterait pas un instant. Elle franchirait d’un bond le corps de son père, pour se jeter dans les bras du meurtrier. Mais Chimène n’est pas une Italienne, toute à son instinct, en proie au désir, possédée de son amour. comme d’un démon indomptable. Elle est fille d’une race plus austère, elle a souci de sa renommée, elle écoute les sommations de son devoir.11
Le critique loue également la dignité exemplaire de Pauline, descendante spirituelle de Chimène. La femme de Polyeucte est bel et bien l’incarnation de la vertu romaine. Après avoir mis en évidence le jeu qui s’opère chez elle entre la vertu païenne et la vertu chrétienne, P. de Saint-Victor fait ressortir la résolution avec laquelle cette héroïne passe à l’action (295). Face à l’offre indigne de Polyeucte, qui lui propose d’épouser Sévère (IV, 4), Pauline fait preuve d’une pudeur héroïque et magnanime. Le critique montre alors que Polyeucte et Pauline subissent tous deux un martyr particulier. Au dénouement de la pièce, l’égarement de « cette grande Pauline » relève de l’ardeur de sa foi, et il va de soi qu’elle accède à une véritable sainteté. Quant à Emilie, malgré son repentir à la fin de Cinna, son caractère calculateur et froid s’avère dépourvu de tout charme féminin :
Emilie offre la création la plus extraordinaire de Corneille. Elle est de la race vengeresse et acharnée des Electres… C’est une belle Euménide qui a emprunté son flambeau à l’Amour … (303).
Somme toute, c’est grâce à l’amour que les héroïnes cornéliennes atteignent à une grandeur morale réelle.
Professeur à la Sorbonne, commentateur politique, savant prolifique et traditionaliste qui excellait à vulgariser les grandes idées des textes, Faguet s’applique à dégager les principaux éléments de la morale cornélienne afin de les adapter aux objectifs de l’Ecole républicaine. Alors que le dramaturge faisait surtout partie des programmes du secondaire à cette époque,12 Faguet destinait probablement son Corneille expliqué aux enfants aux familles des collégiens plus jeunes plutôt qu’à leurs professeurs.13 Selon lui, les femmes cornéliennes doivent rester dans l’ombre, et se contenter de respecter leurs époux ; elles ne doivent être actives que dans leur fidélité à ceux-ci après leur mort. En présentant les femmes telles qu’elles devraient être en différentes circonstances, l’auteur du Cid ferait preuve d’une morale sociale conservatrice et peut-être même d’un certain anti-féminisme. Hormis son rôle de gardienne du foyer, la femme prend une place fort réduite dans l’univers patriarcal de Corneille : « Il ne convient pas qu’une femme ait un rôle bruyant et éclatant ; il ne convient pas, pour dire la chose comme elle est, qu’elle parle beaucoup » (86). Dans cette perspective, la femme ne doit parler qu’en remplaçant son mari ou en prenant sa défense (on songe à Chimène ou à Pauline). On s’aperçoit ainsi de la justification morale du rôle des femmes qui prennent la parole au nom d’un idéal moral louable. Dépourvue de convictions intimes, ces héroïnes se trouvent obligées, par le biais de leur culte de la mémoire, de défendre l’intérêt des héros morts, bref, de soutenir le code masculin. Faguet précise, en effet, le rôle de ces morts (le Comte, Polyeucte) qui parlent à travers ces femmes : celles-ci servent, en fin de compte, de support essentiel au pouvoir patriarcal :
… ce sont ces grandes ombres qui parlent par la bouche de ces nobles femmes. La noblesse de la femme est de s’appuyer sur le chef de famille, ou sur sa mémoire, et de porter dignement son nom, ou son souvenir. (86-7).
Ainsi, à la manière de Cornélie, Viriate se définit par son sacrifice et vit en fonction de la mémoire héroïque de Sertorius. Son deuil à l’égard du héros s’avère donc éternel. Finalement, au lieu d’être attachées à une grande idée, à l’instar des héros cornéliens, les héroïnes témoignent de leur grandeur en restant dévouées à leur famille et à leur foyer.
Si l’on admet que la mise en place de l’enseignement secondaire des jeunes filles en 1882 se donnait pour tâche principale la formation du caractère de la jeunesse féminine à cette époque au lieu de sa formation professionnelle, il va de soi que le théâtre de Corneille a servi à inculquer aux lycéennes le goût des lectures sérieuses et moralement correctes.14 Il importe, dès lors, de s’interroger sur quelques exemples des sujets de composition française proposés au baccalauréat entre 1880 et 1914 afin de démontrer non seulement la complémentarité entre la critique universitaire et le développement du discours scolaire républicain, mais aussi sur la prise en charge institutionnelle de la direction morale des jeunes Françaises de la Troisième République.
Dans un sujet de composition sur les stances de Rodrigue, Mme Anglès, professeur aux cours secondaires de Rodez, présente le plan de ce sujet, destiné à l’enseignement secondaire féminin (quatrième année). Elle insiste à la fois sur le besoin de reconnaissance qui relie Rodrigue à Chimène et sur le fait que, dans cette perspective héroïque, on gagne l’amour à travers l’accomplissement de son devoir. Dans cette « école de grandeur d’âme » qu’est le théâtre de Corneille, les professeurs discernent une relation profonde entre le devoir, l’amour et l’honneur. Si l’on s’en tient à une sorte de lapalissade académique, cette qualité-ci se trouve définie en même temps comme le fondement des deux autres termes tout aussi bien que le synonyme du devoir. Mme Anglès formule ainsi un chiasme qui constitue en quelque sorte un pastiche scolaire de la poésie dramatique de Corneille : « Le triomphe du devoir, c’est le triomphe de l’amour. – Voir dans la scène IV de l’acte III, comment le triomphe de l’amour c’est le triomphe du devoir, » (Revue universitaire, XXI, 9 [1912], p. 366).
Le sujet suivant, proposé par Mme Lacroux-Gaussal, professeur au collège de Lodève, représente une mise en garde contre une « ligne de conduite par trop ‘cornélienne,’ » à savoir, l’inaptitude des jeunes filles à mener une vie morale en fonction de l’idéal professé par l’Infante : « Dans le bonheur d’autrui je cherche mon bonheur » (Le Cid, I, 3) (Question de morale, quatrième année, enseignement secondaire des jeunes filles) (Revue universitaire, XIX, 3, [1910], p. 289). En effet, ne pas savoir faire preuve d’abnégation est perçu ici comme un trait du caractère féminin à éviter à tout prix.
Au sujet de composition suivant s’ajoute la copie d’une ancienne élève du collège Sévigné : « Donner un aperçu qu’on peut faire de Corneille et de Racine dans l’instruction des jeunes filles (Culture de l’esprit. Education des sentiments) ».15
Cette ancienne élève anonyme évoque d’abord l’allure archaïque de la langue de Corneille, qui freine, en 1910, la compréhension de ses pièces et l’admiration rarement partagée par les collégiennes. Celles-ci doivent préférer, en principe, l’amour au devoir. Au demeurant, l’auteur de cette copie affirme que le goût et le jugement semblent faire naturellement défaut chez les élèves : « … une admiration judicieuse de Corneille est chose rare parmi les jeunes filles » (207). La lecture du dramaturge permet non seulement de mieux discipliner l’intelligence de celles-ci, mais l’aspect dogmatique de la morale cornélienne exerce une influence bénéfique sur leur formation : « Corneille satisfait aussi ce désir qu’ont les jeunes filles d’être dirigées ; il est un impérieux, un doctrinaire » (207). Si cette morale stricte finit par déconcerter, voire par effrayer l’humanité commune par sa rigueur même, elle n’en demeure pas moins salutaire, dans la mesure où elle repose sur les valeurs fondamentales du patriotisme : la foi, le devoir et notamment le sacrifice. Au culte de la nation s’ajoute d’ailleurs celui de la famille. L’idéal de maîtrise de soi, qui s’applique aux jeunes filles tout comme aux garçons, permettra de mettre en pratique ces vertus primordiales. Lire Racine, c’est, pour les collégiennes qui ont déjà étudié Corneille, les dé-viriliser en quelque sorte ou bien les rendre peut-être « trop féminines. » Toujours est-il qu’il faut revenir à l’idéalisme cornélien, qui sert en fin de compte de « bouclier » contre le réalisme de l’auteur de Phèdre.
De même que la notion du patriotisme est abordée à travers la figure de Jeanne d’Arc,16 elle est également l’objet du sujet suivant : « Les femmes ont-elles des devoirs de patriotisme ? Comment peuvent-elles les remplir ? » (Lhomme et al, p. 181). Selon le rapport de M. Jacquinet, qui a dû évaluer les compositions répondant à cette question en vue du certificat d’aptitude, le patriotisme donne lieu, également, à de « femelles » vertus. D’après lui, quelques aspirantes avaient le mérite de faire ressortir l’importance des devoirs de mère et d’institutrice en période de guerre. Le sujet suivant s’inscrit dans la même perspective : « Sabine et Camille font-elles preuve d’héroïsme patriotique ? ».17 D’après la réponse fournie par M. Horion, force est de répondre négativement à cette question puisque les héroïnes d’Horace tâchent de se détourner de leur devoir civique de se battre. Si Sabine, quant à elle, n’illustre pas l’héroïsme patriotique, elle fait valoir une autre forme d’héroïsme, à savoir, l’héroïsme conjugal.
A cet égard, le personnage de Pauline, à qui il manque, selon M. Horion, de nombreuses qualités de cœur, est plus motivé par des règles de bienséance sociales que par le sentiment amoureux. Malgré la rigueur morale du Grand Siècle, Pauline, qui se complaît à l’aveu d’une passion illégitime, se fait l’objet d’une certaine « légèreté de l’esprit français, » qui s’attache à l’équivoque de ses sentiments amoureux (325-26). En s’interrogeant sur « la qualité éminemment française » propre à Pauline, l’auteur du manuel estime que celle-ci se laisse diriger entièrement par la raison. Grâce à son amour sensé, elle se détourne de Sévère et s’évertue ensuite à plaider la cause du salut de son mari. En toute circonstance, son caractère s’avère tout à fait raisonnable (327).
Un autre sujet de composition, lui aussi destiné à l’enseignement des lycéennes, propose la rédaction d’une lettre par une jeune Espagnole à sa sœur aînée, amie de Chimène …, qui en l’occurrence laisse entendre une simulation d’invasion (des Maures qui s’approchent de Séville) (Revue universitaire, XXII, 6 [1913], p. 92). Dans cet exercice, les élèves sont invitées à se préparer sur le plan psychologique à la menace d’une invasion. L’imaginaire académique est ici mis au service d’un conditionnement idéologique, car on se trouve à la veille de la Première Guerre mondiale. Le sujet qui suit porte sur le caractère d’Emilie, dont « la volonté dirige toute l’action» : « Comment expliquez-vous alors que Cinna ... soit peut-être celle que comprennent le moins les jeunes filles ? » (Cinquième année, Revue universitaire, XIII, 3 [1910], p. 289). On peut citer, enfin, dans cette même perspective, les trois sujets suivants : le premier aborde la psychologie féminine, plus naturellement portée sur les problèmes du cœur qu’aux problèmes éthiques (Revue universitaire, XIX, 1 [1910], p. 76)18 et le deuxième traite de l’utilité indirecte des « fillettes » d’âge scolaire au pays (Revue universitaire, XXIII, 10 [1914], p. 312). Le dernier part d’une citation de Faguet : « Corneille a inventé la religion de la volonté. La Cléopâtre de Rodogune vous paraît-elle justifier ce jugement ? » (Revue universitaire, XVI 10 [1908], p. 460). En sacralisant la volonté, le dramaturge l’érige en qualité maîtresse qui pousse certains personnages à atteindre au stade héroïque. Toutefois, on ne saurait trop insister sur le statut ambigu de cette reine criminelle, qui met sa volonté au service d’une gloire problématique.
Ayant fait le tour d’horizon de nombreuses héroïnes dans la critique cornélienne au XIXe siècle, il est évident, au terme de cet essai, que l’Ecole républicaine s’est efforcée de réduire la dramaturgie cornélienne à un ensemble de leçons morales susceptibles de corriger des comportements féminins jugés moralement peu mûrs et, par là même, socialement incorrects. Dans un univers marqué par des valeurs patriarcales, les personnages de femme occupent, chez Corneille, une place marginale. Bien qu’elles soient obligées de se soumettre à l’autorité paternelle, certaines héroïnes se révoltent contre cette autorité. De plus, à la vision idéaliste et chrétienne du théâtre cornélien, propre à A. Charaux et Saint-Marc Girardin, qui exalte la piété, la résignation et la foi religieuse, ainsi que les valeurs filiales et conjugales des rôles féminins de Corneille, s’oppose la vision laïque et républicaine dont s’inspirent l’auteur de Pierre Corneille patriote et Faguet, qui rejette l’image monarchiste du dramaturge et valorise les éléments constitutifs du patriotisme et la formation morale et civique de la jeunesse féminine de l’époque. A cela s’ajoute la lecture de P. de Saint-Victor, qui insiste sur le fait que les héroïnes cornéliennes incarnent une identité culturelle propre à la France ; cette interprétation suppose la transformation du dramaturge en saint laïque du patrimoine national. Qu’elle porte des jugements tantôt laudateurs tantôt dépréciatifs sur les femmes de Corneille, la critique universitaire du XIXe siècle, de même que le discours scolaire qui en découle, vise à mettre en place diverses images féminines que l’Ecole s’appliquera à transmettre aux jeunes Françaises entre 1880 et 1914. En somme, à travers ses diverses perspectives sur la grandeur féminine, on peut dégager les valeurs personnelles, familiales et civiques de la femme sous la Troisième République. A sa conception traditionnelle sinon rétrograde de l’identité de celle-ci s’ajoute alors une conception particulière de la citoyenneté féminine.19
Pour citer cet article :
Ralph Albanese , " Images de la femme dans la critique cornélienne du XIXe siècle ", Publif@rum, 2, 2005
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