Publifarum n° 11 - Autour de la définition

Reformulations définitoires spontanées chez des francophones et des italophones de 6, 8 et 10 ans - Deuxième partie

Sonia GEROLIMICH, Claire MARTINOT, Michele DE GIOIA



2.2.3. Reformulations définitoires par complétude du procès

Nous appelons reformulation définitoire par complétude du procès les cas où le locuteur reformule de façon explicite l’information apportée par le lexème du TS, information restée latente, pour reprendre un terme cher à Michel Bréal. Nous avons déjà évoqué le cas du petit Gaël de 6 ans qui a reformulé le sens de il tendit la boîte (séq. 4) de façon analytique: Tom *tenda le bras et euh Julie *prena la boîte. Les autres enfants au contraire ont préféré pour la plupart reformuler cet énoncé au moyen d’un unique verbe donner, par ailleurs verbe basique, qui permet de donner de manière explicite toute l’information tirée du contexte.
D’autres cas de ce type mettent en évidence le fait que nos jeunes locuteurs ont tendance à éviter de reformuler les lexèmes verbaux qui n’expriment qu’une seule phase du procès, en général la phase de début du procès, tout en laissant implicite l’information principale, à savoir la finalité de ce procès. En effet, ce type de reformulation apparaît, en plus du cas de tendre la boîte, pour deux autres verbes sources, qui expriment uniquement le début du procès: Tom souleva le couvercle / Tommaso sollevò il coperchio (séq. 6) et Ils firent quelques pas / Fecero qualche passo (séq. 4); ceux-ci sont généralement reformulés respectivement par ouvrir/aprire et entrer/entrare, qui permettent de considérer le procès dans sa globalité.
Il est intéressant de voir qu’en français et en italien, langues typologiquement proches, on obtient à ce niveau un résultat très similaire, que nous avons repris dans le tableau suivant (nous avons exclu les occurrences du verbe entrer/entrare quand celui-ci appartenait aux constructions analytiques «à deux procès consécutifs»):

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Remarquons toutefois dans les reformulations des italophones l’emploi des verbes andare (aller) et entrare (entrer) combinés avec l’adverbe dentro (dedans).
Signalons également parmi les reformulations en français de [il] a soulevé le couvercle (dont le VS n’est jamais repris) avec le verbe ouvrir, deux énoncés qui, en plus d’évoquer le procès dans sa globalité, évoquent le geste dans son déroulement, et cela grâce à l’adjonction d’un adverbe: alors il ouvrit délicatement le couvercle (Pau., 10 ans), et lui chuchota d’ouvrir la boîte et il avait ouvert délicatement (Ale., 8 ans). On pourrait considérer ces deux reformulations, qui définissent parfaitement le VS soulever dans le contexte de l’histoire, comme relevant d’une procédure de type analytique (RDAC).

2.2.4. Synonymes, antonymes et mots converses

Nous nous tiendrons ici à la définition générique suivante pour indiquer des synonymes: «Il s’agit de co-hyponymes qui peuvent commuter dans un même contexte sur l’axe syntagmatique et qui ont un nombre important de sèmes en commun» (http://www.linguistes.com/mots/lexique.html). Pour que cette commutation soit possible il serait souhaitable que les deux éléments soient de même catégorie syntaxique. Nous avons considéré que la définition des synonymes ci-dessus pouvait s’appliquer aux antonymes et aux mots converses en tant qu’ils partagent de nombreux points communs avec les synonymes: «Les antonymes ont en fait un caractère très synonymique car ils ont un hyperonyme commun et contiennent les mêmes sèmes (même si leurs polarités sont inversées)» (ibid.). On considère d’ailleurs les antonymes converses comme étant en étroite relation de réciprocité puisque chacun des termes implique nécessairement l’autre (donner/recevoir).
Le taux de reformulations par synonymes ou antonymes est assez différent entre les deux langues: en effet, chez les francophones, cette procédure est toujours moins fréquente que chez les italophones. En revanche on observe chez ces deux populations un brusque accroissement à l’âge de 10 ans.
Ici encore, nous notons des reformulations assez dissemblables entre les deux langues même pour les cas où il existe des lexèmes équivalents dans l’une et l’autre langue en particulier pour les verbes. Nous reproduisons ci-dessous les diverses occurrences de reformulations par synonymie relevées dans notre corpus:

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Nous observons tout d’abord qu’en particulier pour les antonymes converses, même si les mêmes lexèmes existent dans l’une et l’autre langue, ceux-ci n’apparaissent employés que dans l’une des deux; certains (piacere (plaire) en italien, avoir l’impression (avere l’impressione) en français) le sont même de façon répétée, ce qui conduit à penser que ce n’est pas idiosyncrasique. Cela correspond très probablement à des tendances préférentielles bien ancrées dans les habitudes linguistiques des deux populations d’enfants. En ce qui concerne les synonymes employés pour fabriquer/fabbricare, nous observons que mis à part le verbe élémentaire faire/fare employé largement dans les deux langues, nous trouvons d’autres équivalents synonymiques plus contraints lexicalement (donc plus spécifiques), mais moins appropriés au complément la boîte / la scatola, tels que construire dans les deux langues ou préparer, ce dernier n’apparaissant reformulé qu’une seule fois en français alors que les italophones l’utilisent largement, ce que nous expliquons difficilement. Malgré tout, nous émettons l’hypothèse que l’emploi de ce synonyme est lié en grande partie au monde de l’expérience des enfants pour qui il est plus facile de préparer une boîte que de la fabriquer. On pourrait rapprocher le choix de ces synonymes, et en particulier celui de confectionner, du concept de «proximité sémantique» proposé par Duvignau (2005: 39-40), selon laquelle il existe des «concepts d’action», comme [fabrication] dans notre cas: «ces concepts véhiculent leur intension (l’essentiel de leur signification) à travers des expressions linguistiques variées; celles-ci réalisent l’essentiel de la signification du concept dans des zones sémantiques différentes en ce qu’elles renvoient à des types d’objets différents (papier, voiture, maison) et, parfois, à des domaines d’activité humaine spécifiques (/mécanique/, /bâtiment/) marqués dans le dictionnaire».
Signalons encore l’emploi déviant de amica di banco (amie de table) pour compagna di banco (compagne de table = voisine); l’enfant a défini uniquement le premier mot de la forme composée du lexème, à savoir compagna, qui pris isolément a le sens d’amie, montrant en quelque sorte qu’il en a décomposé le sens, au lieu de considérer cette expression, compagna di banco, comme une seule unité de sens.
Cet emploi des synonymes montre l’accroissement progressif du stock lexical des enfants, ainsi qu’on peut l’observer en particulier avec les synonymes du verbe donner, verbe généralement employé pour la reformulation de [il] a tendu la boîte/tese la scatola, que l’on peut considérer en quelque sorte comme des synonymes "indirects" de l’énoncé source.

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Précisons que dare come regalo (donner comme (offrande + cadeau)) peut être considéré comme la matrice analytique définitoire de regalare (offrir), seul cas de construction à support dans les reformulations des italophones, que l’on pourrait classer comme reformulation analytique indirecte de tese la scatola. On remarque que son emploi précède (enfants de 8 ans) celui du verbe synthétique correspondant regalare (enfants de 10 ans), corroborant l’hypothèse que les reformulations analytiques sont un moyen de s’approprier la langue, de construire le sens.

2.2.5. Reformulations définitoires synthétiques

Nous considérons comme reformulation définitoire synthétique deux types de reformulations:
– soit l’enfant reformule un lexème verbal du TS, dont la forme est distribuée comme pour (il) était en train de tourner sur lui-même / stava girando su se stesso, (Ils) firent quelques pas / Fecero qualche passo, (tu) as le droit de / hai il diritto di, avec un lexème non analytique, tels que respectivement: pivoter/ruotare, entrer/entrare, tu peux / puoi. Il s’agit donc d’une synthétisation de type formel;
– soit l’enfant condense en un seul lexème l’information contenue dans deux lexèmes distincts du TS. Ainsi dans les deux langues, à travers l’emploi des verbes se précipiter en français ou correre en italien dans Julie il s’est précipité sur elle (Mar.) ou gli corse vicino (Ste.2), nos sujets ont synthétisé en un seul lexème deux informations contenues dans l’énoncé du TS: Dès qu’il l’a aperçue, il s’est dirigé vers la fillette / Non appena la vide, si diresse verso la ragazzina, à savoir l’immédiateté induite par dès que / non appena et le déplacement induit par il s’est dirigé / si diresse. Il s’agit plutôt d’une synthétisation au niveau conceptuel.

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Ces reformulations de type synthétique, mis à part les deux derniers cas (faire quelques pas / fare qualche passo, avoir le droit / avere il diritto) que nos sujets ont pu reformuler au moyen de verbes plus fréquents dans leur idiolecte (verbe télique entrer/entrare d’une part et verbe élémentaire pouvoir/potere de l’autre), montrent que la capacité à synthétiser apparaît vers l’âge de 8 ans. Et si nos données sont trop peu nombreuses pour pouvoir affirmer l’existence de tendances claires, elles nous portent malgré tout à observer que les italophones auraient une plus grande tendance à synthétiser que les francophones.

2.2.6. Autres types de procédures

Il est encore à signaler quelques autres types de procédures, pas très développées chez nos sujets, mais intéressantes à observer.

a) Les verbalisations

Les verbalisations correspondent à l’expression directe d’états émotionnels. Ce type de reformulation est apparue essentiellement en français avec l’adjectif fou de joie sous la forme d’exclamations: super! (2 occ: 6 et 10 ans), ou chouette! (1 occ à 8 ans); ainsi l’énoncé chouette! Je vais avoir une nouvelle copine (Cha.), reformule bien l’énoncé source: Tom était fou de joie à l’idée d’avoir peut être une nouvelle amie. Apparemment il s’agit d’un type de formes peu utilisé en italien.
Chez nos sujets italophones nous trouvons un seul cas de reformulation de ce type (verbalisation du geste): tieni qua questo regalino! (tiens là ce petit cadeau!) (Giu.1, 6 ans) qui reproduit l’énoncé: le tese la scatola che aveva fabbricato per lei la sera prima.
D’ailleurs d’autres études ont montré que par rapport au discours rapporté indirect, le discours rapporté direct est un moyen privilégié chez les plus jeunes, et que sa fréquence diminue avec l’âge (GEROLIMICH 2003; MARTINOT 2000).

b) La mise en scène ou scénario

Pour reformuler Julie sera ta voisine / Giulia sarà la tua compagna di banco (séq.2), le nom source voisine/compagna di banco a été reformulé presque exclusivement au moyen d’une mise en scène, et plus exactement par la description du mouvement/déplacement que doit faire Julie pour être la voisine de Tom, ce qui correspond à la définition de référence du mot en question: JULIE SERA (L’ENFANT + L’ELEVE) DE LA CLASSE QUI OCCUPERA PENDANT UN CERTAIN TEMPS LA CHAISE (= S’ASSEOIRA SUR LA CHAISE) QUI SE TROUVE A COTE DE CELLE DE TOM. En voici quelques exemples représentatifs:

(32) elle (la maîtresse) disait à la fille de se mettre à côté de Tom (Rém., 6 ans)

(33) il y avait Julie elle s’installa à côté de Tom où il y avait la place vide (Ale., 8 ans)

(34) la maîtresse a dit «il reste une place à côté de toi Tom et elle s’asseyera à côté de toi» Julie (Océ., 8 ans)

(35) ensuite euh la maîtresse mit Julie juste à côté de Tom (Rom., 10 ans)

(36) c’era un banco libero vicino a Tommaso e Giulia era, si andò a sedere nel banco, in quell’altro banco di Tommaso (il y avait une table de travail libre à côté de T. et G. était, alla s’asseoir dans la table, dans cette autre table de travail de T.) (Ema., 6 ans)

(37) Tommaso aveva vicino a lui un banco libero, allora la maestra mette Giulia vicino a lui (T. avait à côté de lui une table de travail libre, alors la maîtresse met G. à côté de lui) (Bea., 8 ans)

(38) disse a Tommaso: hai un banco, visto che c’è un banco libero la Giulia si metterà vicino a te (elle dit à T.: tu as une table de travail, vu qu’il y a une table de travail libre G. se mettra à côté de toi) (Alb., 10 ans)

Nota bene: à partir de 8 ans, et dans les deux langues, nous trouvons des définitions par «verbe causatif de mouvement» (cf. Rom., Bea.), en soi plus complexes que la simple description par description du mouvement de Julie/Giulia.

c) La métaphorisation

Enfin, signalons deux cas de métaphorisation, assez peu usuels chez les enfants. Un enfant francophone a reformulé l’adjectif merveilleux en comparant le jardin à un paradis:

(39) …et c’était le paradis il y avait plein de fleurs (Cha., 8 ans)

Un autre francophone relève la métaphorisation déjà présente dans le TS avec le verbe inonder: les enfants furent éblouis par la lumière qui inondait l’intérieur de l’arbre (ES):

(40) au bout de quelques minutes l’arbre s’ouvre et ils voient une mer éblouissante (Océ., 10 ans)

3. Conclusion

Nous avons observé à travers cette étude que les enfants sont amenés tout naturellement à tenter de saisir le sens des mots et leur fonctionnement dans la langue. Que ce soit à travers l’analyse proprement dite des traits qui caractérisent chaque lexème ou bien à travers l’emploi d’autres lexèmes ayant un grand nombre de traits communs avec les lexèmes spontanément définis, le jeune locuteur s’emploie à utiliser tous les moyens qu’il a à disposition pour entrer dans le système linguistique et en connaître les rouages, développant ainsi sa compétence langagière. Nous avons en effet pu voir que les moyens pour reformuler autrement le sens d’un mot sont divers, mais on peut se demander s’ils relèvent de la même activité définitoire. Est-ce en effet la même activité définitoire que de reformuler un mot source par une décomposition fondée sur les potentialités dérivationnelles du mot à définir (IBRAHIM et MARTINOT 2003), ou par une décomposition du procès, ou bien à l’inverse de définir une séquence analytique par un mot synthétique? Il faudrait répondre à cette question. Ou encore est-ce la même activité définitoire que de reformuler un mot source par un synonyme ou par un mot plus élémentaire (chuchoter reformulé par dire, se diriger reformulé par aller) qui ne peut plus être un équivalent sémantique strict? On peut asserter en tout cas, que quelle que soit la façon dont l’enfant s’y est pris, il explore les potentialités de la langue en les remodelant à sa façon et surtout en s’attachant à insérer les lexèmes dans un contexte cohérent, conscient que ceux-ci font partie d’un système où tout se tient. L’enfant se montre donc capable de ne garder que l’information essentielle d’un lexème qu’il a nécessairement analysée au préalable de manière à rendre son discours clair et suffisamment informatif. Ainsi l’emploi de verbes basiques, prototypiques d’un champ sémantique, et donc d’usage plus courant, comme faire pour fabriquer, dire pour chuchoter ou encore mettre pour poser, n’enlève rien au contenu informatif du discours et est nécessairement la trace d’une activité définitoire opérante. De même que l’emploi d’un lexème tel que regalare (offrir), synonyme de dare (donner) (qui reformule tendere la scatola (tendre la boîte)) est nécessairement la trace de cette activité définitoire ainsi que le montre la construction analytique dare comme regalo (donner comme cadeau) employée par un sujet plus jeune. De la même façon, la description des mouvements qu’il faut faire pour être la voisine de Tom, mouvements qui font partie d’un savoir partagé, relève encore d’une autre stratégie définitoire permettant aux jeunes locuteurs de développer un sens précis. Ainsi que l’affirme Rossi (2005: 183), «définir le sens d’un mot, signifie avant tout prendre en compte la double nature du lexique comme structure, système de valeurs et comme reflet du monde sensible», tout en précisant que «les procédés spontanés des enfants couvrent un éventail très large, de la définition phonique-gestuelle jusqu’à des formes plus complexes et plus raffinées» (ibid.).
Au fur et à mesure que les enfants avancent en âge, on a pu noter l’accroissement et surtout la diversification des procédures définitoires employées. Toutefois, le choix de la procédure est également lié au lexème à définir, à sa composante substantielle et exocentrique; elle est liée également, on a pu le voir, à la langue utilisée. Ainsi, nous avons pu constater la tendance des italophones à préférer les procédures plus synthétisantes comparées à celles des francophones qui sont apparues plus analytiques. En effet, nous avons observé que, même quand dans les deux langues il existait exactement les mêmes structures avec des lexèmes similaires, certaines reformulations divergeaient; ainsi, alors que pour reformuler [elle] aimait/amava, les sujets francophones préfèrent employer un syntagme tel que trouver belle, les italophones privilégient la construction converse avec le verbe piacere; de même pour le mot source interdit, les italophones n’ont jamais utilisé l’expression ne pas avoir le droit de alors que la plupart de nos sujets francophones l’ont fait. D’ailleurs, le taux de reformulations définitoires analytiques est plus élevé chez les francophones, tandis que nous trouvons davantage de synonymes chez les italophones. Nous pouvons nous demander s’il ne faut pas voir là la tendance de la langue italienne à être plus agglutinante que la langue française (langue pro-drop, emploi massif de suffixes, etc.). Cette tendance apparaît également dans l’emploi très courant en italien de la structure verbe + adverbe, tel que andare dentro, qui, malgré sa structure analytique, apparaît comme très amalgamée, condensant plusieurs informations à la fois, informations qu’il est nécessaire en français de distribuer sur tout un énoncé: «definirò i VS (verbi sintagmatici) come sintagmi formati da una testa verbale e da un complemento costituito da una "particella" (originariamente un avverbio), uniti da una coesione sintattica di grado elevato al punto che non si può commutare il VS intero con una sola delle sue parti» 1 (SIMONE, 1996: 49).
Nous avons donc pu mettre en évidence cette capacité croissante des enfants à reformuler, sans répéter, les lexèmes entendus, à travers diverses stratégies communicatives, qui sont plus ou moins développées selon les langues employées. Ces divers résultats peuvent servir de base pour une construction plus ciblée de dictionnaires d’apprentissage, en particulier ceux qui privilégient la définition phrastique naturelle, tel que le Petit Robert des enfants de Rey-Debove (1988).


Annexes

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Texte Source (TS) en français

Tom et Julie
1. Ce matin-là, la maîtresse est arrivée dans la cour de l’école plus tard que d’habitude. Elle tenait par la main une petite fille que personne n’avait encore jamais vue.
2. Arrivée en classe, la maîtresse a dit: «Les enfants, je vous présente votre nouvelle camarade, elle s’appelle Julie. Tom, la place est libre à côté de toi, Julie sera ta voisine, sois bien gentil avec elle!»
3. Tom était fou de joie à l’idée d’avoir peut être une nouvelle amie. Le soir, chez lui, il a fabriqué une petite boîte ronde, rouge et dorée, pour Julie.
4. Le lendemain matin, dans la cour de l’école, Tom guettait l’arrivée de sa nouvelle petite voisine. Dès qu’il l’a aperçue, il s’est dirigé vers la fillette et lui a tendu la boîte qu’il avait fabriquée pour elle, la veille.
5. Julie aimait tellement cette boîte qu’elle la prenait toujours avec elle. Quand la maîtresse disait: «Sortez vos affaires!», Julie posait délicatement la boîte entre Tom et elle, sur leur table de travail.
6. Un jour, Julie chuchota à Tom: «Ouvre la boîte!» Tom souleva le couvercle et découvrit un morceau de papier sur lequel Julie avait écrit: «Je t’attends ce soir à 8h, sous le gros arbre, à l’entrée de la forêt».
7. Tom avait un peu peur parce qu’il lui était interdit d’aller dans la forêt, surtout la nuit.
8. Mais à 8h du soir, il était tout de même au rendez-vous, Julie l’attendait déjà.
9. Sans dire un mot, la petite fille prit la main de Tom et frappa 3 fois sur le tronc du gros arbre.
10. Au bout de quelques minutes, les enfants entendirent un grincement. L’arbre était en train de tourner sur lui-même.
11. Tout à coup, le tronc s’ouvrit et les enfants furent éblouis par la lumière qui inondait l’intérieur de l’arbre. Ils firent quelques pas et l’arbre se referma derrière eux.
12. Tom et Julie se trouvaient dans un jardin merveilleux où les fleurs semblaient se parler en chantant. Alors Julie dit à Tom: «Viens, traversons le jardin, il y a une grande fête pour toi, ce soir. Jusqu’à minuit, tu as le droit de demander à notre Roi tout ce que tu veux».
13. Tom a répondu: «Je veux apprendre à parler avec les oiseaux qui savent tout ce qui se passe dans le ciel, avec les poissons qui savent tout ce qui se passe dans l’eau et avec les fourmis qui savent tout ce qui se passe sur la terre».
14. Et depuis ce jour, Tom est devenu un enfant extrêmement savant.


Texte Source (TS) en italien

Giulia e Tommaso
1. Quella mattina, la maestra arrivò nel cortile della scuola più tardi del solito. Teneva per mano una bambina che nessuno aveva ancora mai visto.
2. Arrivata in classe, la maestra disse: «Bambini, vi presento la vostra nuova compagna, si chiama Giulia. Tommaso, il posto accanto a te è libero, Giulia sarà la tua compagna di banco, sii molto gentile con lei!»
3. Tommaso era pazzo di gioia all’idea di avere forse trovato una nuova amica. La sera, a casa sua, fabbricò una scatolina rotonda, rossa e dorata, per Giulia.
4. L’indomani mattina, nel cortile della scuola, Tommaso aspettava con ansia l’arrivo della sua nuova piccola compagna di banco. Non appena la vide, si diresse verso la ragazzina e le tese la scatola che aveva fabbricato per lei la sera prima.
5. Giulia amava talmente tanto quella scatola che la portava sempre con sé.
Quando la maestra diceva: «Tirate fuori le vostre cose!», Giulia poneva delicatamente la scatola tra lei e Tommaso, sul loro banco.
6. Un giorno Giulia mormorò a Tommaso: «Apri la scatola!» Tommaso sollevò il coperchio e scoprì un pezzo di carta sul quale Giulia aveva scritto: «Ti aspetto stasera alle otto sotto il grande albero, all’entrata della foresta».
7. Tommaso aveva un po’ paura perché gli era proibito di andare nella foresta, soprattutto di notte.
8. Ma nonostante tutto, alle otto di sera, era all’appuntamento e Giulia l’aspettava già.
9. Senza dire una parola, la ragazzina prese la mano di Tommaso e bussò tre volte sul tronco del grande albero.
10. Dopo qualche minuto, i bambini sentirono uno scricchiolio. L’albero stava girando su se stesso.
11. Ad un tratto il tronco si aprì e i bambini furono accecati dalla luce che inondava l’interno dell’albero. Fecero qualche passo e l’albero si richiuse dietro di loro.
12. Giulia e Tommaso si trovavano in un giardino meraviglioso dove i fiori sembravano parlarsi cantando. Giulia disse allora a Tommaso: «Vieni, attraversiamo il giardino, c’è una grande festa per te questa sera. Fino a mezzanotte hai il diritto di chiedere al nostro Re tutto quello che vuoi».
13. Tommaso rispose: «Voglio imparare a parlare con gli uccelli che sanno tutto quello che succede nel cielo, con i pesci che sanno tutto quello che succede nell’acqua e con le formiche che sanno tutto quello che succede sulla terra».
14. E da quel giorno Tommaso diventò un bambino estremamente sapiente.


Bibliographie

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Cet article est le résultat d’une étroite collaboration ainsi que de nombreuses discussions théoriques entre les auteurs. Nous pouvons cependant préciser que les données françaises ont été analysées essentiellement par Claire Martinot et les données italiennes par Sonia Gerolimich et Michele De Gioia, qui a garanti les discussions sur la grammaticalité des exemples italiens. L’introduction et la partie théorique ont été rédigées par Martinot, Gerolimich s’est occupée de la synthèse des résultats et de la conclusion et De Gioia s’est chargé de réviser les diverses versions du travail.


Note

↑ 1Je définirai les VS (verbes syntagmatiques) comme des syntagmes formés par une tête verbale et un complément constitué d’une "particule" (à l’origine un adverbe), unis par une cohésion syntaxique de degré élevé au point qu’on ne peut commuter le VS entier avec une seule de ses parties.

 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN 1824-7482