Discours définitionnels et modifiabilité de la signification lexicale : une approche argumentative
Indice
1- Des définitions spontanées. Corpus; cadre théorique et objectif; démarche
Cet exposé tentera de montrer en quoi certains énoncés issus de discours de la formation des adultes sont des définitions spontanées. Pour commencer, seront présentés le corpus, le cadre théorique et méthodologique ainsi que les énoncés étudiés, et dans un second temps, on exposera les raisons pour lesquelles ces types d’énoncés peuvent être considérés comme des définitions: des « définitions indirectes par focalisation anaphorique ».
1- Des définitions spontanées. Corpus; cadre théorique et objectif; démarche
1.1.1- Corpus
Les textes sont issus d’un champ de pratique sociale, la formation des adultes: dans ce champ social, les textes sont souvent des transcriptions d’entretiens touchant les représentations des participants sur leur parcours professionnel et leur formation. Ici, les textes sont analysés d’un point de vue sémantique, et l’objectif est de relever les sites dans lesquels se rencontrent des constructions de sens de la part de locuteur qui soient aussi des reformulations de la signification lexicale de certains lexèmes, voire des tentatives de reconstructions de cette signification (ce faisant, l’emploi des mots en discours consiste à « casser les mots de la tribu » pour reprendre l’expression de Carel Ducrot (1999 : 19). L’intérêt est double: l’analyse compte fournir aux champs de pratique sociale des énoncés susceptibles de marquer les « constructions identitaires » associées aux formations, et à la sémantique, soit une validation de ses hypothèses théoriques soit un enrichissement du modèle.
Seront appelés, dans le cadre de ce travail, « discours d’apprentissage »:
- d’une part des discours, oraux, des transcriptions d’entretiens d’explicitation avec des locuteurs en formation sur leur propre processus d’apprentissage - sortes de discours métacognitif (Pescheux 2003, 2007a); l’enjeu de ces entretiens est la professionnalisation et leur utilité est soit formative (prise de conscience et formalisation de savoirs d’action pour les formés), soit compréhensive (recherche sur les représentations des formés: savoirs liés aux situations de travail, répertoire de compétence, etc.). Ces textes comportent 20/25 pages d’entretiens individuels (une trentaine), en format fichier word;
- d’autre part, des textes écrits institutionnels sur l’enseignement-apprentissage, notamment des langues; des textes « métadidactiques » de didacticiens pour la formation d’enseignant
Aucun de ces corpus n’a encore fait l’objet d’un traitement électronique, ce qui est à la fois bien sûr un problème mais aussi une ressource, comme je vais tenter de l’expliquer. Il s’agit donc de « linguistique sur corpus » Mayaffre (2005), où « corpus » est défini au sens de Rastier: « un corpus est un regroupement structuré de textes intégraux », ceux-ci sont «éventuellement enrichis par des étiquetages », ce qui n’est pas encore le cas de celui-ci, mais ces textes sont «rassemblés [..] de manière pratique en vue d’une gamme d’opération », ce qui est le cas ici (Rastier, 2004). Il s’agit d’un « corpus d’étude » (Rastier; ibid.) et d’un « sous-corpus de travail en cours » de définitions indirectes par focalisation anaphorique est en voie de constitution. Le corpus d’étude est disponible partiellement sur:www.revue-texto.net. Texto! Corpus et méthodes; manufacture; signalement de corpus; en ligne 2003.
1.1.2- Cadre théorique/démarche en Analyse sémantique au service de l’ALD
1.1.2.1- Cadre théorique : Sémantique des Possibles Argumentatifs (Galatanu, 2002, 2006, 2007b)
La structure théorique qui sera utilisée pour décrire la signification des entités lexicales dans les discours d’apprentissage répond à un cahier des charges qui demande d’une part que la signification lexicale puisse rendre compte « de la représentation du monde perçu et « modélisé » par la langue » (« une conceptualisation largement identique d’un individu à l’autre, ce qui forme une sorte de socle pour une intercompréhension réussie » Kleiber 1999: 27-34); d’autre part, la signification doit intégrer le potentiel argumentatif des mots et le niveau d’inscription de ce potentiel dans la structure (Galatanu 2002: 98). Succinctement, sont à constituer au plan théorique pour chaque entité lexicale :
- un noyau ou traits de catégorisation sémantiques inspirés de Putnam (1975, 1990), propriétés essentielles et/ou universaux et primitifs sémantiques selon Wierzbiscka (Galatanu, 2007b: 92), ce qui concède à chaque entité lexicale un ancrage dénotatif stable, une dimension « descriptive » (Galatanu, 2006: 499);
- des stéréotypes ou ensembles ouverts d’association des éléments du noyau avec d’autres représentations, constituant des blocs d’argumentation internes (Carel, Ducrot 1999); on trouve ici la possibilité d’actualisation d’une partie des « associations de représentations » effectuées par l’« acte discursif », ainsi que leurs liens présentés comme « naturels » (cf. supra); cela préserve donc les « racines argumentatives » du modèle (Galatanu, 2006: id.) et ménage la « partie évolutive » de la signification (Galatanu 2007b: 92), ainsi d’ailleurs que les possibles argumentatifs;
- des possibles argumentatifs ou séquences discursives potentielles/probabilités argumentatives, déployant dans des blocs d’argumentation externe l’association du mot avec un élément de son stéréotype, séquences calculées à partir du stéréotype.
La finalité est d’articuler l’analyse linguistique du discours à l’analyse sémantique théorique.
Je signale au passage que signification et sens sont ici employés tels que Ducrot les définit (valeur sémantique abstraite/valeur sémantique en contexte; 1984: 180).
1.1.2.2- Démarche sémantique et démarche d’analyse linguistique de discours.
La particularité de la Sémantique des Possibles Argumentatifs est de concevoir le noyau et les stéréotypes comme un « dispositif de génération de séquences discursives argumentatives, les « possibles argumentatifs », qui peuvent être activées dans les occurrences discursives ou déconstruites, voire interverties, par des phénomènes de contamination co ou contextuelles » (Galatanu, 2007b: 92).
Ainsi, étant donné un mot, la constitution de l’objet théorique « signification lexicale » de ce mot est une première étape, notamment au moyen de l’analyse des discours lexicographiques et d’énoncés où il apparaît dans des séquences de communication (Galatanu, 2007b: 93): à partir du noyau et des stéréotypes, sont calculés les « possibles argumentatifs » théoriques. Lors de la seconde étape, le repérage des occurrences de ce mot dans le discours analysé donne lieu aux « déploiements discursifs » effectués à partir des occurrences discursives, et confirme ou infirme ces « possibles argumentatifs » calculés à partir du dispositif stéréotypique.
Pour sa part, l’analyse linguistique du discours s’attachera à l’observation de régularités portant sur des mécanismes linguistiques discursifs en mobilisant des hypothèses internes sémantiques (linguistiques) de nature argumentative; l’une des problématiques du CERCI-SAD porte sur « l’étude des mécanismes discursifs qui expliquent le cinétisme de la signification lexicale et la reconstruction des système de valeur ». Galatanu (1999: 42 ; 45) envisage l’éventuelle portée sociologique dans une deuxième étape:
« On peut faire, par exemple, une hypothèse praxéologique, issue justement des recherches linguistiques sur différents corpus de discours, qui seraient que les différentes formes de pratique traitent de manière spécifique, justement par les discours qu’elles produisent, les systèmes de valeurs, les inscrivant dans des logiques de préservation, restauration, de promotion ou de déconstruction-reconstruction des valeurs dominantes d’une culture ».
Exemples de définitions spontanées
J’ai appelé le type de forme discursive que je cherche à décrire des définitions indirectes par focalisation anaphorique (DIFA). Ces objets s’inscrivent dans ce que j’appellerai la constitution d’une « topographie/typologie » de l’innovation sémantique (Pescheux à paraître) par les analyses découlant du modèle SPA, c’est-à-dire, comme indiqué en introduction, des reformulations de la signification de lexèmes impliqués dans un discours. Avant de développer les raisons qui ont amené à la dénomination de « définition indirecte par focalisation anaphorique », voyons 4 exemples, illustratifs des types d’énoncés étudiés ; on renverra pour une analyse détaillée à Pescheux (2007b ; 2008)
Les deux premiers exemples sont tirés de transcriptions d’entretiens
1- je suis pas dans une fonction d’apprendre, qui est: « j’apprends par cœur » […] ça bouillonne;
2- « il y a comme une…une certaine émulation entre nous, qui n’est pas de la compétition ».
Les deux exemples qui suivent sont extraits d’un ouvrage en didactique du FLE.
3- L’applicationnisme en didactique repose sur une épistémologie réductionniste; […] l’implicationnisme […] ne peut se fonder que sur […] une épistémologie complexe
4- La conceptualisation en didactologie s’oppose à l’application 1
J’ai proposé la formulation du sens de l’énoncé 1 par: Ce n'est pas X que S ; X = mécaniquement; S (source) = « apprendre » ; ce qui donne: ce n’est pas mécaniquement que j’apprends (mécaniquefait partie du noyau de la signification de « apprendre par cœur », mais pas de « apprendre »).
Le sens de l’énoncé 2 peut s’exprimer sous une forme grammaticale de phrase «focalisée »:
C’est sans X que S, c’est sans lutte qu’il y a émulation; X = lutte, et S (source) = «émulation », X étant toujours l’élément focalisé. (lutte fait partie du noyau de « compétition » mais pas de « émulation »).
Le sens de l’énoncé 3 donnerait: le complexe exclut ce qui est bas; d’où le complexe, ce n’est pas ce qui est bas;le complexe, c’est ce qui est élevé. D’où le « réductionniste » c’est ce qui est bas/pauvre (les échelles haut/bas et riche/pauvre sont présentes dans les stéréotypes des deux adjectifs)
Enfin l’énoncé 4 serait paraphrasé par: la conceptualisation, ce n’est pas l’abaissement, c’est l’élévation, aussi exprimable par: S, ce n’est pas non-X, c’est X, où S est la source « conceptualisation », X l’élément focalisé. Dans le même temps, on aurait l’application, ce n’est pas une élévation, c’est un abaissement (l’échelle haut/bas est présente dans les stéréotypes des deux noms).
Pour commencer, je me contenterai de noter que la forme de ces énoncés comporte, d’une part des énoncés à négation grammaticale (Riegel et al.1997: 411), à copule (être):
- A n’est pas B où A = apprendre ; B= apprendre par cœur, soit deux verbes;
- A n’est pas B où A = émulation ; B= compétition, soit deux noms
D’autre part, une négation exceptive - donc encore grammaticale - (Riegel et al., id.: 410, 412):
- A exclut B où A = complexe, B= réductionniste
Cette négation exceptive conserve les caractéristiques de la négation, qui est à la fois descriptive, affirmant l’incompatibilité des deux épistémologies, et rejet d’une assertion (association virtuelle: « réductionnisme et complexité sont compatibles »). Pour les adjectifs, on soulignera qu’épithètes, ils sont ici des adjectifs relationnels; ils indiquent ici une relation –non gradable – avec le référent du nom dont ils sont dérivés: réduction/complexité. (Riegel et al., 1997: 357; par exemple ils ne sont pas coordonnables avec des adjectifs non relationnels (« une épistémologie réductionniste/complexe et importante »*).
- A s’oppose à B où A = conceptualisation, B= application
Si l’affirmation 4 a une fonction de renvoi à la réalité extralinguistique pour le locuteur, elle présente aussi une incompatibilité entre deux termes qui possèdent en commun une même dimension sémantique, autrement dit, elle les présente comme antonymes (Riegel et al., 1997: 562), elle effectue donc une négation fondée sur le lexique des deux termes.
Maintenant, je m’intéresserai à deux aspects imbriqués dans ces énoncés, celui des relations sémantiques entre A et B (1-2-1-), celui des constructions syntaxiques qui les relie (1-2-2).
1.2.1- Relation sémantique entre deux lexèmes associés
Pour les deux premiers exemples, des relations sémantiques d’identité sont observables dès le niveau lexical:
- A et B sont des parasynonymes ou dans une relation d’hyperonymie (« apprendre » et « apprendre par cœur »); autrement dit, les verbes entrent dans le cadre sémantique d’une relation paradigmatique d’identité;
- A et B sont des synonymes (« émulation » et « compétition »).
Pour les deux exemples suivants, des relations sémantiques d’identité sont actualisées par le discours (les énoncés):
- A et B ont plusieurs dimensions sémantiques (ou « échelles argumentatives »; Ducrot 1980a) communes: haut/bas ; riche/pauvre pour « réductionniste » et « complexe ».
- A et B sont portés, comme à l’exemple précédent, par l’échelle sémantique commune, haut/bas.
Dans tous les cas, et selon des degrés différents, on relève des relations d’identité sémantique partielle entre chacun des deux termes associés par l’énoncé, que celles-ci soient présentes au lexique ou afférentes en cotexte. Il faut souligner ici que dans ce dernier cas, celui des deux derniers exemples, ces entités identiques – les échelles – sont non seulement compatibles avec, mais aussi incluses dans la signification lexicale des mots associé (la « réduction » est bien une limitation quantitative, qui, stéréotypiquement s’associe avec la pauvreté, ainsi que la « complexité » évoque bien une grande quantité, lié stéréotypiquement à la richesse (Pescheux, 2007c). Ces relations d’identité partielle ne sont donc pas des créations dénuées de cohérence, au sens de cohérence textuelle (Adam, 1992; Charolles, 1995), le rapprochement des deux termes dans le discours est partiellement contraint par la sémantique.
1.2.2- Construction syntaxique
Sont présentes trois catégories de constructions syntaxiques : des anaphorisations; des syntagmes verbaux marquant des équivalences ou distinctions référentielles effectuant des assertions/déclarations, qui ont de surcroît un effet discursif; des négations grammaticales ou lexicales.
1.2.2.1- Anaphorisations
Une fois encore, je ne soulignerai ici que quelques traits. Pour proposer une définition approchant les mécanismes rencontrés, il a été choisi de parler d’anaphorisation plus volontiers que d’anaphore afin d’insister surl’analyse du processus discursif lui-même, mais aussi parce que, sans reprendre une étude succincte des théories sur cette notion (Pescheux, 2007e), les mécanismes étudiés généralement sous le nom d’anaphore ne semblent pour l’instant pas correspondre à ceux qui ont été analysés ici (Riegel et al., 1997: 610-616; Charaudeau Maingueneau, 2002: 45 ; Kleiber, 2001). Ainsi, à cause de la rareté apparente de l’emploi du terme anaphorisation, seules les définitions liées de Greimas Courtès (1993: 14-15) pour « anaphorisation » et « anaphore » seront retenues. L’anaphorisation est donnée comme « l’une des procédures principales qui permettent à l’énonciateur d’établir et de maintenir l’isotopie discursive », l’isotopie étant défini comme toute récurrence d’éléments sémantique dans un texte (Rastier, 1987: 91). Pour sa part, l’anaphore est définie par les auteurs comme « une relation d’identité partielle qui s’établit, dans le discours, sur l’axe syntagmatique, entre deux termes, servant ainsi à relier deux énoncés, deux paragraphes, etc. ».
Ainsi, nos exemples s’appuient sur des relations d’identité référentielles des objets désignés par les termes, mais aussi sur des relations d’identité sémantique, présente (exemples 1 et 2) ou potentielle (exemples 3 et 4) entre les deux termes de chacun des énoncés (cf. 1-2-1 supra): ces termes sont associés discursivement par l’anaphorisation, c’est-à-dire par l’itération des identités sémantiques. J’ai considéré que le premier des deux termes dans chaque exemples était l’antécédent (« apprendre »; « émulation »; « réductionniste »; « application » et le second terme l’anaphorisant (« apprendre par cœur »; « compétition »; « complexe »; « conceptualisation »). Ce faisant, deux constructions syntaxiques fondées sur ce mécanisme soulignent les altérités: celle lié aux verbes, celle lié à la négation.
1.2.2.2- Les verbes: copules et « distingo » verbal
Dans les exemples 1 et 2, nous avons affaire à des énoncés de type copulatif: le verbe être fonctionne comme une copule, c’est-à-dire comme le marqueur du rapport prédicatif que l’attribut du sujet entretien avec le sujet. Par exemple:
- « une fonction qui est « j’apprends par cœur » » pour l’exemple 1;
- « une émulation qui n’est pas de la compétition », pour l’exemple 2).
Dans ces deux cas, l’affirmation sous-jacente correspondant à la déclaration négative apparente est un rapport prédicatif constitutif d’une « relation d’équivalence référentielle » des deux termes mis en rapport par le verbe être, et se trouvant désigner le même référent (Riegel et al., 1997: 236, 238), c’est-à-dire le processus d’apprentissage des locuteurs: « apprendre »-« apprendre par cœur »; apprentissage par « émulation »-apprentissage par « compétition ». Mais en outre, ils évoquent, tout en s’en distinguant (cf.infra), des énoncés définitoires copulatifs (EDC, Riegel, 1987: 29). Nous y reviendrons. Dans les exemples 3 et 4, les affirmations d’incompatibilité effectuées par exclusion (« ne…que… » avec le sous entendu: « et rien d’autre », pour l’exemple 3) ou par opposition (« s’oppose », pour l’exemple 4) rapprochent référentiellement deux épistémologies pour mieux les distinguer; sur le plan purement discursif elles sont des argumentations du même type que les deux premières parce qu’elles sont quasi-logiques et constituent des « distingo » (Robrieux, 1993).
1.2.2.3- Négation
Nous avons vu que les deux premiers exemples sont du type :
- A n’est pas B
L’exemple 3 présente les deux adjectifs « complexe » et « réductionniste » insérés tous les deux dans deux structures similaires, de type:
- A est B (applicationnisme = réductionnisme);
- C est D (implicationnisme = complexe);
- A n’est pas C (implicationnisme =/= applicationnisme).
Plus précisément, l’exclusion du « réductionnisme » - « l’implicationnisme ne peut se fonder que sur une épistémologie complexe » (sous entendu « et rien d’autre ») -, présente deux termes en relation de disjonction exclusive (Riegel et al., 1997: 562) : l’un équivaut à la négation de l’autre, et, pour le locuteur, les deux ne peuvent être niés simultanément (si c’est complexe, ce n’est pas réductionniste et vice versa; si c’est une épistémologie, elle est réductionniste ou complexe; autrement dit: si A, non B; si B, non A et à fortiori A n’est pas B). Ce type de disjonction discursive fait des deux adjectifs des antonymes complémentaires ou contradictoires (Riegel et al., ibid.). Au –delà, on peut poser l’interprétation que cette disjonction fait apparaître une dimension sémantique admettant des degrés intermédiaires (la négation de l’un n’entraîne pas la négation de l’autre), auxquels sont assignés les deux termes: stéréotypiquement on peut établir un continuum entre l’ un (faible quantité) et le multiple, entre le pauvre et le riche, entre le haut et le bas (« réduction » vs « complexité »). Dans ce cas, l’interprétation y voit des antonymes gradables ou contraires (Ibid.).
Au final la négation soit porte sur des synonymes, soit instaure des relations d’antonymies entre les deux termes. Quoi qu’il en soit, la négation se fonde, comme on l’a vu, sur des relations d’identité sémantique partielles (cf. 1-2-1), soit pour les rejeter en partie (exemples 1 et 2), soit pour s’en servir pour insister sur les altérités sémantiques.
Ce rejet partiel d’entité sémantique - ou cette insistance sur l’altérité de l’un des termes d’un couple dans un discours - est fondé sur une dimension sémantique commune aux deux termes; c’est ce que j’ai appelé : « focalisation anaphorique » (Pescheux, 2008). L’appellation focalisation anaphorique recouvre ou désigne des mécanismes discursifs d’insistance par lesquels des mots lexicaux (N, Adjectifs, Verbes, dans les exemples) reprennent et/ou actualisent une partie des constituants de signification de mots lexicaux qui les précèdent dans un discours (N, Adjectifs, Verbes) – i. e. « sources » de la reprise (Tesnière, 1965: 85). La reprise est soit purement sémantique, soit accompagnée de mécanismes syntaxiques, par exemple à travers diverses formes de négation. L’effet de ces mécanismes d’insistance produit des amplifications et des sélections sur les constituants impliqués dans la reprise ou, pour reprendre Galatanu (2007b: 90), une « activation », un « renforcement » ou bien au contraire un « affaiblissement », voire une « neutralisation »ou même une « interversion » du potentiel argumentatif des mots antécédents dans le discours. Ce faisant, ces mécanismes y effectuent des modifications sémantiques, intra ou transphrastiques, de nature graduelle, donc argumentative.
Comme indiqué dans la présentation du cadre théorique, parmi l’ensemble des constructions discursives du sens, on s’intéresse ici à l’innovation sémantique comprise comme une construction de sens-reformulation ou une reconstruction de la signification lexicale des mots impliqués, une redéfinition. Je vais tenter d’expliciter maintenant ce point.
2. Un « siège » de la langue: énoncés définitionnels
Pour Bally (1952: 110), dans la distinction instaurée par Saussure entre langue et parole, il faut envisager l’action de la parole comme un « siège » que cette dernière faire subir à la langue. J’interprète cette métaphore comme rendant compte de la modifiabilité de la signification lexicale, ce dont Galatanu rend compte sous le nom de cinétisme lexical, avec le modèle SPA (voir supra) ; cette signification lexicale, pour autant qu’on la prenne comme représentante de la langue, est soumise à l’incessante production discursive d’une collectivité culturelle dans un contexte donné, à une époque donnée. Identifier les mécanismes discursifs dans lesquels la signification des mots est en quelque sorte « attaquée » ou remise en cause est l’objet de notre recherche.
Etant donné un énoncé, il faut donc d’une part, pour un mot donné de cet énoncé, disposer d’une représentation de sa signification lexicale – ce que le modèle SPA nous donne – puis il faut trouver des énoncés dont on puisse dire que leur sens, ou leur signifié, renvoie à la signification de ce lexème, et qu’en outre, ce sens est une remise en cause, une déconstruction ou reconstruction de cette signification, autrement dit une nouvelle définition du mot. Nous allons tenter de montrer, de façon exploratoire en quoi l’analyse des 4 exemples est un piste pour formuler une typologie de ce type d’énoncé.
On commencera par signaler que ces énoncés effectuent des actes de dénomination, puis on analysera les « définitions indirectes par focalisation anaphorique» d’une part comme définition d’objet et de signe, ensuite comme des énoncés métalinguistiques; on justifiera alors l’« indirection » de la définition, et on conclura sur l’utilité d’un recueil plus ample d’énoncé de ce type dans l’optique de l’étude du cinétisme de la signification lexicale.
2.1- Des dénominations ; des définitions d’objets
Les exemples (1) et (2) sont des signes d’actes de désignation, voire de dénomination (Kleiber, 1984: 77), cette dernière étant « la désignation d’un être ou d’une chose extra-linguistique par un nom-name) » (voir aussi Kleiber, 1990: 16 et 1994: 5-9). Les exemples 1 et 2 sont des réponses à des demandes d’explicitation du processus d’apprentissage qui se trouve être la « chose extralinguistique » à laquelle renvoient les énoncés. Des paraphrases possibles seraient par exemple :
Exemple 1: « ‘ne pas apprendre par coeur désigne/renvoie/réfère à ce que je fais ».
Exemple 2: « une ‘émulation sans lutte’ désigne/renvoie/réfère à ce que je vis ».
L’exemple 3 (et 4, similaire), issu d’un glossaire renvoyant à une pratique didactique, « chose extralinguistique », pourrait aussi être représenté par: « le ‘complexe’ désigne une épistémologie non réductionniste ».
Les énoncés composant les discours d’apprentissage ont un caractère désignationnel, qui « s’inscrit dans le processus qui met en rapport les signes avec les choses et se place ainsi du côté des relations référentielles: référer à, renvoyer à, désigner, représenter, dénoter, etc., qui répondent toutes au schéma: X (signe) x (chose). Ces énoncés semblent aussi avoir un caractère dénominatif, si l’on spécifie que le lien référentiel particulier préalable et instauré entre l’objet x et le signe X est le résultat d’une « habitude associative » (Kleiber, 1984: 80), et notamment si l’on considère ces énoncés comme des « dénominations métalinguistiques », c’est-à-dire comme des dénominations attribuées à une entité (ou concept général): relation nom commun-concept général (ibid.: 89). Il faut rappeler que pour les exemples 1 et 2, l’entretien interroge un enquêté sur sa pratique d’apprentissage (« comment ? ») et ce faisant, fournit le cadre interlocutif sous-tendant deux actes de langage: questionner/répondre: l’acte illocutoire de demande d’explicitation de la pratique contraint l’acte illocutoire d’explicitation, c’est-à-dire de désignation. Quant aux exemples 3 et 4, ils sont tirés du glossaire d’un ouvrage en didactique: leur caractère non seulement dénominatif mais définitoire est inhérent au genre du glossaire.
Et Kleiber (ibid.) précise:
« Le locuteur intervient dans la dénomination ainsi comprise, parce que c’est lui qui juge que le particulier présente les traits nécessaires pour être appelé ainsi, c’est lui qui reconnaît le particulier comme étant un N. Alors qu’il n’a pas de prise sur la relation de dénomination métalinguistique générale, il peut exercer une certaine liberté au niveau de l’emploi particulier du nom et décider, suivant différents facteurs parmi lesquels nous citerons, pour les emplois remarquables auxquels ils donnent lieu, les critères d’appartenance « flous » et la primauté de traits connotatifs variables .»
L’auteur illustre par l’exemple: une bicyclette sans dérailleur, je n’appelle pas ça une bicyclette, et il ajoute:
« Bien que l’objet en question soit une bicyclette, le locuteur lui refuse cet état, parce qu’à ses yeux, une vraie bicyclette doit posséder un dérailleur, que le particulier est, ou n’est pas ou encore est plus ou moins un N. D’où les emplois du type ça s’appelle un N, je (n’) appelle pas ça un N, etc., où le verbe de dénomination accompagné d’un SN quantifié et dépourvu le plus souvent de marque d’autonymie se prête, selon les circonstances, à différentes utilisations rhétoriques (cf. Rey-Debove, 1978: 187-188). »
On avancera alors que, dans les énoncés, les paraphrases :
« ce que je fais (i. e.:apprendre), je n’appelle pas ça « apprendre par cœur » (exemple 1);
« une émulation avec lutte, je n’appelle pas ça une émulation »
semblent permettre de considérer les énoncés comme des « dénominations métalinguistiques ».
Ces énoncés sont aussi des définitions de choses dans la mesure où, comme les énoncés définitoires copulatifs (EDC), ils semblent pouvoir répondre à une partie des questions interrogatives partielles du type (Riegel, 1987: 30):
Pour les exemples 1 et 2:
Qu’est-ce que c’est « apprendre » (pour vous)?
L’/un/des apprentissage, qu’est-ce que c’est (pour vous)?
C’est quoi, l’/un/des apprentissage (pour vous)?
L’/un/des apprentissage, c’est quoi, (pour vous)?
Pour les exemples 3:
Qu’est-ce que c’est l’épistémologie « complexe » (pour vous)?
L’/une épistémologie « complexe », qu’est-ce que c’est (pour vous)?
C’est quoi, l’/une épistémologie « complexe », (pour vous)?
L’/une épistémologie « complexe », c’est quoi, (pour vous)?
Pour les exemples 4
Qu’est-ce que c’est la « conceptualisation (pour vous)?
La/une « conceptualisation qu’est-ce que c’est (pour vous)?
C’est quoi, la/une « conceptualisation (pour vous)?
La « conceptualisation c’est quoi, (pour vous)?
Les énoncés qui répondent à ces questions mettent en relation objets et signes:
- pour les exemples 1 et 2, les objets sont les processus d’apprentissage des locuteurs, et les signes qui les désignent sont « apprendre par cœur »/« bouillonner » en 1; et en 2: « émulation »/« compétition » ;
- pour les exemples 3 et 4, certains types d’épistémologie, et les signes qui les désignent: « réductionniste » et « complexe » pour 3, « application » et « conceptualisation » en 4.
Pour finir, la forme des phrases qui expriment le sens des énoncés analysés : A n’est pas B pour les exemples 1 et 2; et: si A, non B ; si B, non A et à fortiori A n’est pas B, pour les exemples 3 et 4, rapproche ceux-ci de certains énoncés explicitement définitoires tels les énoncés définitoires copulatifs (EDC).
Riegel (1987: 30; 1990:109) les présente sous la forme: Art-N0-ce-être-art-N1-X (« l’ophtalmologiste c’est/est un médecin spécialiste des yeux ») pour les nom mais aussi V1-ce-être-V2-X pour les verbes (« grelotter c’est trembler de froid »), la copule autorisant les catégories lexicale non nominales rapportées pour la circonstance à un support nominal (substantif, pronom ou infinitif). On peut donc y voir des marques métalinguistiques ou métadiscursives d’équivalences ou d’altérité sémantique, voire des variantes de « phrases équationnelles » métalinguistiques (Jakobson dans Riegel, 1987: 31).
2.2- Des définitions indirectes par focalisation anaphorique (DIFA)
Je vais préciser l’intérêt de voir dans ces énoncés des définitions, puis je tenterai de mieux cerner l’aspect « indirect ».
2.2.1- Définition d’objet et définition de signes
A été souligné le fait que ces énoncés étaient des dénominations. A ce titre, ils mettent en relation des objets et des signes, Sont-ils pour autant des définitions de mots?
2.2.1.1- Transparence et réflexivité des définitions par EDC
Pour Riegel (1987: 32; 1990: 105; voir aussi Récanati, 1979: « tout EDC véhicule simultanément les deux types d’information » parce qu’ils sont fondés sur la « réflexivité des signes linguistiques »: « à chacun de leurs usages, les signes se présentent en même temps qu’ils réfèrent »; l’auteur souligne qu’il peut s’agir d’une « présentation non autonymique » qui passe habituellement inaperçue, mais cela n’empêche pas que « leur réflexivité naturelle parasite en permanence l’usage référentiel du langage et que ce mode de signifier parallèle peut être activé à tout moment» (Riegel, 1987: 51). J’ai souligné le fait que les exemples n’étaient pas des EDC au sens strict, même s’ils présentent quelques aspects formels proches. Cependant, la solution retenue est de considérer que nous avons aussi affaire ici à des « présentation non autonymique »
2.2.1.2- Réflexivité des DIFA
Ces énoncés sont non seulement descriptifs d’objets, mais aussi réflexifs et, à minima, métadiscursifs, sinon métalinguistiques :
- pour l’exemple 1, l’énoncé propose une définition du verbe « apprendre »: ce n’est pas mécanique;
- pour l’exemple 2, l’énoncé suggère une définition du nom « émulation »: ce n’est pas la compétition,
- pour l’énoncé 3, l’énoncé définit l’adjectif « réductionniste »: c’est ce qui est bas/pauvre (puisque le « complexe » l’exclut et que le complexe, c’est ce qui est haut/riche),
- pour l’énoncé 4, l’énoncé définit le nom « application »: c’est ce qui est bas (puisque l’« application » s’oppose à la « conceptualisation » et que la conceptualisation c’est ce qui est haut).
On peut considérer qu’ils constituent aussi des définitions « sur le mode courant » que Rey-Debove (1997: 19) attribue « au discours de l’usager d’une langue, discours souvent confus où l’énonciation fait preuve à la fois d’une conscience métalinguistique moindre [que le discours scientifique-didactique…] et d’une liberté plus grande » (ibid.: 22). De ce fait, on pourrait considérer les énoncés analysés comme une sorte de métalangage (– i. e. « un langage dont le signifié est un langage, un autre ou le même » (Rey-Debove ibid.), et, partant, des définitions de signe.
2.2.2- Des énoncés métalinguistiques « indirects »?
Poursuivant le parallèle entre les EDC et les DIFA, on considérera que, si l’interprétation directe des 4 énoncés est une interprétation référentielle, ou descriptive, d’objets (apprentissage, épistémologie), elle admet aussi une interprétation définitoire indirecte, qui provient d’un « conditionnement pragmatique »: celui-ci active l’interprétation définitoire des énoncé, parce que ce conditionnement est aussi un « scénario définitoire » (Riegel, 1990: 108). Ainsi, comme dans le cas des énoncés définitoires ordinaire que sont les EDC, le cadre pragmatique qui contraint la formulation des définitions indirectes par focalisation anaphorique (DIFA) est une procédure de demande de définition. Dans les exemples 1 et 2, cette procédure est explicite puisqu’il s’agit d’enquêtes où s’expriment des questions, dans les exemples 3 et 4, elle est implicite puisqu’il s’agit d’un glossaire dans un ouvrage visant la formation d’enseignant. Dans les deux cas de figure, les questions (explicite ou implicite) sont:
Q1/2: « Apprendre », c’est quoi? (exemples 1 et 2)
Q3/4: L’épistémologie complexe qu’est-ce que c’est? (exemples 3 et 4)
Ces questions autorisent, de la part du répondeur-définisseur, la double inférence interprétative ci-dessous (Riegel, 1990: 108) :
(a) Il y a une sorte d’action (objet) appelée « apprentissage »: exemple 1 ET 2.
Il y a une épistémologie « complexe »: exemple 3 et 4
(b) Je (= questionneur de 1/2/3/4) ne sait pas ce que c’est que cette sorte d’objets (= « mon apprentissage »/ « épistémologie complexe »)
Les réponses:
Ce que j’appelle « apprendre » ce n’est pas « apprendre par cœur »
Ce que j’appelle « émulation », ce n’est pas de la « compétition »
Ce qu’on appelle le complexe, ce n’est pas le réductionniste
Ce qu’on appelle « conceptualisation », ce n’est pas l’application
ont pour interprétation définitoire dérivées:
Ne pas apprendre par cœur signifie apprendre // apprendre et ne pas apprendre par cœur signifient la même chose (pour moi)
« Emulation » et « compétition » ne signifientpas la même chose // « émulation » et « compétition » ça ne signifie pas la même chose // « émulation » ne signifie pas « lutte »
le réductionniste signifie tout le contraire du complexe // le réductionniste signifie ce que refuse le complexe
l’application signifie tout le contraire/ce que refuse la conceptualisation.
qui expriment des relations de signification.
2.2.3- Les DIFA : des outils pour un « siège » de la parole
Ayant montré que nos exemples constituaient des définitions –provisoirement (d’autres tests sont à développer) -, reste à montrer que ces définitions expriment des signifiés s’affrontant à la signification lexicale des mots impliqués. Rappelant les interprétations effectuées, on les rapprochera du lexique de ces mots.
Enoncé 1: ce n’est pas mécaniquement que j’apprends.
Enoncé 2: c’est sans lutte qu’il y aémulation
Enoncé 3: le complexe, ce n’est pas ce qui est bas;le complexe, c’est ce qui est élevé. D’où le « réductionniste » c’est ce qui est bas/pauvre.
Enoncé 4: la conceptualisation, ce n’est pas l’abaissement, c’est l’élévation; l’application, ce n’est pas une élévation, c’est un abaissement.
Ne pouvant, dans l’espace de cet article, traiter de la polyphonie des négations utilisées et de l’effet de présupposition qui leur est attaché (Ducrot 1984: 233), je ne retiendrai ici que la description grammaticale classique de la négation comme le rejet d’une assertion présupposée (Riegel et al., 1997: 410). Les assertions rejetées mais présupposées par les négation seraient alors :
- un interlocuteur réel ou supposé (la collectivité des partisans d’un enseignement traditionnel, par exemple) pourrait affirmer qu’apprendre comporte un aspect mécanique; cet aspect n’apparaît pas au lexique tout en étant une des multiples caractérisations potentielles du procès lié au verbe;
- un interlocuteur réel ou supposé (une collectivité linguistique quelconque) pourrait affirmer que l’émulation signifie lutte; cet aspect n’apparaît pas au lexique de « émulation » mais au lexique de « compétition »; certes les deux noms sont synonymes, mais si le lexiques les distingue, c’est notamment par ce trait; si le trait lutte finissait par s’intégrer aux définissants du nom « émulation », en résulterait la suppression de cette différentiation linguistique entre les deux mots;
- un interlocuteur réel ou supposé (la collectivité des partisans de l’épistémologie « complexe », par exemple) pourrait affirmer que le « complexe » et le « réductionniste » font partie de mêmes échelles de valeur (haut/bas; riche/pauvre). Or, ces échelles communes existent bien au lexique des deux adjectifs, mais chacun peut se situer sémantiquement également aux deux pôles (Pescheux 2007c). En signifiant le complexe, ce n’est pas ce qui est bas, l’énoncé 3 sélectionne et renforce la polarité positive de « complexe » et négative de « réductionniste ». Si les traits négatifs (bas/pauvre) finissait par dominer les définissants de « réductionniste », cet adjectif se trouverait progressivement axiologisé négativement;
- un interlocuteur réel ou supposé (id. exemple 3) pourrait affirmer que application et conceptualisation font partie d’une même échelle de valeur haut/bas. Or, cette échelle commune existe bien au lexique des deux noms mais chacun peut se situer sémantiquement également aux deux pôles. En signifiant la conceptualisation, ce n’est pas l’abaissement, c’est l’élévation, l’énoncé 4 sélectionne et renforce la polarité positive de « conceptualisation » et négative de « application ». Si le trait négatif (bas) finissait par s’intégrer aux définissant du nom « application », celui-ci se trouverait progressivement axiologisé négativement, ce qui n’est pas le cas actuellement.
Pour conclure cette étude exploratoire de phénomènes discursifs, on peut rappeler que notre programme (Galatanu, 2007b) est à la fois de contribuer à concevoir un modèle argumentatif qui puisse expliquer les constructions de sens et aussi de décrire les mécanismes discursifs qui provoquent le cinétisme de la signification lexicale, c’est-à-dire ce qui manifeste la modifiabilité de la structure lexicale. Dans les exemples présentés on a décrit les moyens par lesquels certains énoncés, les définitions indirectes par focalisation anaphorique (DIFA), apparentés aux énoncés définitoires copulatifs (EDC) portaient atteinte aux significations de certains de leurs mots par les signifiés qu’ils en proposaient. A l’évidence, un corpus plus fournis de tels énoncés devra à l’avenir permettre de confirmer l’aspect définitoire de ces énoncés et aussi de discerner des sous catégories de définitions indirectes possibles dans le continuum des définitions (Rebeyrolles, 2000: 90).
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Note
↑ 1 N.B. : Deux aspects ne seront pas traités, malgré leur importance: la polyphonie présente dans chacun de ces exemples par les négations grammaticales classiques (1, 2) et exceptives (3), et (4) ; les axiologisations négatives de l’un des termes, suggérées par le terme associé : (« apprendre »/« apprendre par cœur », « émulation »/« compétition » ; « réductionnisme »/ « complexe »; « application »/« conceptualisation ».