Transcender les frontières linguistiques : l'exemple de la chaîne francophone MCM Africa (1995 - 2002)
Indice
1. Les limites de l’adaptation culturelle d’un contenu français
2. Le pari « politique » d’une francophonie audiovisuelle
Abstract
This article analyzes the rise and the fall of the French-speaking music channel MCM Africa.
Created in 1995, this low budget TV channel quickly founded a large audience in western Africa ; and finally in all Africa from Senegal to Nigeria, from Mali to Kenya, and from Cameroon to Madagascar. Dedicated to a diverse public, the channel developed original programs in French (and English), and signed multiple partnerships with major African music events. To reinforce its fragile economic model, MCM Africa was developed in France as « la télé 100% couleurs » in 1999. Divided by cultural, political and economic logics, the channel and its networks were finally sold to the Lagardère media group, and became Trace TV in 2003.
En 1995, le paysage audiovisuel mondial voit l’émergence rapide de nouvelles chaînes de télévision diffusées par satellite. Regroupées dans des « bouquets » satellitaires, elles transcendent les frontières politiques, culturelles et linguistiques. Pionnières, elles sont essentiellement anglo-saxonnes et leur succès grandissant inquiète les gouvernements nationaux. En France, après le succès de Canal Plus et du début du bouquet analogique Canal Satellite en 1992, on prépare le passage au numérique pour multiplier l’offre en français et conquérir un nouveau marché lucratif.
L’Afrique subsaharienne, dominée par des télévisions nationales au budget souvent limité, n’est pas insensible à ces nouvelles télévisions « venues d’ailleurs » : CNN, MTV ou encore 2M (Maroc) remportent un succès croissant auprès des populations urbaines qui se connectent grâce à un système peu coûteux dénommé MMDS1 - appelé aussi « câble sans câble » - à ces chaînes de plus en plus nombreuses qui ne s’expriment pas en français. Malgré les débuts prometteurs de Canal Horizons (adaptation africaine de Canal Plus) et les succès de TV5 ou CFI, Paris s’inquiète de la profusion de ces nouvelles télévisions non francophones.
C’est dans ce contexte que naît le projet d’une déclinaison africaine de la chaîne française MCM. Essentiellement musicale, cette télévision du câble s’impose alors de plus en plus comme la chaîne thématique préférée des Français de 12 à 25 ans. L’adaptation d’un tel concept au continent noir s’avère aussi passionnante que difficile. Les paris à relever sont multiples.
1. Les limites de l’adaptation culturelle d’un contenu français
Le pari est tout d’abord culturel : il est nécessaire de proposer des contenus qui soient culturellement adaptés à un public panafricain, essentiellement concentré en Afrique de l’Ouest ou de l’Est. Le premier travail consiste à évaluer le potentiel de chaque pays, à rencontrer les professionnels locaux tout en répertoriant les images disponibles. Représenter l’Afrique subsaharienne dans toute sa diversité et dans sa complexité francophone devient l’objectif principal. Lorsque le rap sénégalais devient un courant influent dans les pays voisins du Sénégal, l’équipe de la chaîne décide de faire connaître PBS ou Daara J à l’ensemble des spectateurs africains : parce qu’ils chantent en wolof et en français, qu’ils n’hésitent pas à aborder des sujets polémiques, la chaîne n’hésite pas à les soutenir et à devenir leur partenaire lorsqu’ils font le tour des Alliances Françaises sur le continent. Même chose pour le mouvement musical « zouglou » en Côte d’Ivoire, la sortie d’un film sénégalais ou de l’album d’un jeune artiste guinéen, le nouveau vidéo-clip de Petit Pays, de Pierrette Adams ou de Cesaria Evora : l’équipe de production est motivée, la liberté de ton est de rigueur. Les animateurs se nomment Fania, Sempé, Amobé Mévégué, Myriam Seurat, Katia Barillot,… et se veulent le miroir d’une nouvelle génération pour laquelle le mot « diversité » représente une réalité, non seulement en Afrique avec sa multitude d’ethnies dans chaque pays, mais aussi en France où la plupart des émissions sont enregistrées.
L’une des forces principales du projet est de s’appuyer sur une petite équipe jeune et passionnée, majoritairement africaine, antillaise ou française d’origine africaine. D’année en année, l’équipe s’accroît au fur et à mesure du développement et du succès de la chaîne. La créativité remplace souvent le manque de moyens : l’émission quotidienne « Le Club » est un véritable foyer d’expérimentation où la liberté d’expression n’empêche pas le respect de la mosaïque culturelle que constitue un public récepteur hétérogène. Pendant 52 minutes, les sujets sont variés et tentent de suivre l’actualité non seulement musicale mais aussi culturelle des pays africains et de ses diasporas. Ainsi la sortie en 2000 du film « Lumumba » réalisé par Raoul Peck fait l’objet de plusieurs émissions où l’on n’hésite pas à revenir sur l’Histoire de la colonisation. Dans un autre domaine, les campagnes contre la propagation contre le SIDA sont nombreuses sur la chaîne, relayées par ses jeunes animateurs et animatrices qui n’hésitent pas à interpeller les téléspectateurs sur le sujet. S’inspirant du modèle de la télévision sud-africaine, « Le Club » est animé, quotidiennement, par une femme et un homme, qui présentent un contenu à la fois en français et en anglais, avec parfois du créole ou quelques mots issus d’une des nombreuses langues africaines locales.
Dès le début, le choix a été fait de travailler directement dans chaque pays avec de jeunes entrepreneurs locaux qui, non seulement, prenaient le risque de s’investir dans le nouveau métier de « câblo-opérateur », mais servaient également de lien avec le public en envoyant aussi bien la vidéo d’un nouvel artiste que les doléances des spectateurs. C’est grâce à ce vaste réseau - dont la plupart des membres formeront l’association des Opérateurs Privés de Télévision d’Afrique (OPTA)2 créée à Lomé en novembre 1998 - que la chaîne se développe en prenant en compte de l’importance de la réception de ses contenus. Parallèlement à l’utilisation d’un flux de programmes français, francophones ou internationaux, la production originale passe de 1 heure par jour en 1996 à 8 heures en 2000. Des interviews d’artistes africains au meilleur de la musique afro-américaine, en passant par le zouk ou la musique orientale, tous les genres sont mis en valeur sans jugement, ni distinction. L’idée est que le vidéo-clip de Papa Wemba, de Meiway ou de Magic System doit pouvoir être diffusé à égalité entre celui d’un nouvel artiste afro-américain à succès et la dernière vidéo d’un artiste français à la mode. L’évolution du contenu suit l’analyse de l’envoi régulier de questionnaires aux opérateurs locaux africains qui les soumettent, à leur tour, aux clients : la demande croissante de programmes bilingues fait écho à d’autres demandes plus spécifiques concernant la musique indienne ou cubaine.
Le problème de la qualité des vidéo-clips fait néanmoins rapidement débat : le catalogue croissant de la vidéothèque de la chaîne comporte des productions qui ne respectent souvent pas la « norme » des télévisions européennes. Jugées majoritairement comme artisanales à Paris, elles ne nuisent pas à l’audience africaine, déjà habituée à voir ses artistes sur les télévisions nationales. C’est donc le parti-pris du téléspectateur africain qui l’emporte au final. Dans cette phase de démarrage, c’est le succès de l’audience qui est recherché en proposant un programme à la fois africain, francophone et international.
2. Le pari « politique » d’une francophonie audiovisuelle
L’aspect politique du projet est important pour comprendre aussi la dimension économique qui explique, durant les premières années, le soutien financier du Ministère de la Coopération français en lien avec le Bureau audiovisuel du Ministère des Affaires Étrangères. Cet apport financier annuel, qui permet la location d’un canal satellitaire analogique pour une diffusion panafricaine, est limité dans le temps. Il fait partie d’un vaste projet destiné à lancer un « bouquet » numérique de chaînes francophones sur le continent africain. Dénommé « Le Sat », il proposera, dès 1997, huit chaînes thématiques - dont MCM Africa – destinées à toute la famille.
Pour les institutions de la Francophonie, la population fortement jeune des pays africains représente un espoir pour le développement de la langue française qui stagne ou recule dans les autres parties du monde. Le projet, qui se veut francophone et panafricain, privilégie la définition mise en valeur par Léopold Sédar Senghor : la « cible » est avant tout celle des communautés linguistiques qui ont en partage le français comme langue d’expression.
Les premiers débats sur l’identité de la chaîne concernent son nom : la réflexion se porte rapidement sur le choix entre deux alternatives, « MCM Afrique » ou « MCM Africa » qui se tourne aussi vers l’Afrique anglophone. Après longue discussion, le choix se dirigera finalement sur « MCM Africa » : « Africa », qui a aussi une origine latine, doit symboliser un « pont » possible entre les deux aires linguistiques du continent. Dans cette volonté d’ouverture vers l’autre - le télespectateur anglophone ou lusophone -, il s’agit de montrer que la chaîne est certes francophone, mais qu’elle est prête à tendre la main à l’ensemble du continent. C’est finalement le courrier de plus en abondant de téléspectateurs du Kenya, du Nigeria, ou encore de Tanzanie qui déterminera la décision.
La notoriété3 de la chaîne s’accompagne d’un développement des partenariats, aussi bien avec des institutions officielles (exemple de la promotion des Jeux de la Francophonie à Madagascar en 1997) que d’un nouveau festival au Cameroun ou encore de la tournée du jeune artiste ivoirien Tiken Jah Fakoly. Ce sont plusieurs centaines de partenariats qui sont alors signés chaque année, donnant une nouvelle visibilité aux nombreux événements culturels africains organisés chaque semaine. La chaîne devient incontournable pour tout ce qui touche la musique : qu’ils soient francophones, anglophones ou lusophones, téléspectateurs ou producteurs, artistes ou simples « fans », les gens contactent MCM Africa par lettre, courrier, téléphone ou courriel électronique. Une véritable communication s’installe : la chaîne, devenue « leur » chaîne, permet aux Maliens de découvrir la musique des artistes de la Guinée Conakry, aux Camerounais de voir les dernières vidéo des groupes de zouglou des banlieues d’Abidjan, etc. C’est toute une mosaïque musicale qui est mise progressivement en valeur et qui exprime la pluralité des expressions, des langues et des cultures du continent : sur MCM Africa, la Francophonie apparaît dans toute sa diversité musicale.
Alors que l’audience de la chaîne s’étend dans la partie anglophone du continent, sa diffusion se heurte à deux problèmes croissants : la limitation des sources de financement pour répondre aux demandes de plus en plus importantes de doubler ou sous-titrer une partie des programmes, et le piratage croissant qui menace le fragile équilibre financier de la chaîne.
3. La domination du facteur économique
Le projet est, dès le départ, financé par MCM Euromusique - groupe privé basé en France - et l’État qui propose une aide technique à travers le financement d’une capacité satellitaire panafricaine. Le pari est donc aussi économique puisqu’il s’agit de montrer qu’il est possible, en quelques années, de trouver un équilibre financier si les programmes proposés intéressent une forte audience. L’État est prêt à subventionner des projets audiovisuels mais ne veut pas (ou plus) se substituer à la logique financière du privé.
Malgré le problème du piratage généralisé qui touche le continent, le projet mise sur un contrôle partiel du marché qui permettrait à la petite chaîne de trouver une économie adaptée à ses besoins. La perspective de conquérir une partie du marché anglophone, et notamment l’Afrique du Sud, donne de l’espoir. La musique (en français, en wolof, en bambara,…) a cette capacité de transcender les frontières. Et c’est dans cet état d’esprit que la chaîne décide de soutenir le projet d’Ernest Adjovi de lancer depuis Johannesburg les premiers Trophées de la Musique Africaine (ou « Kora Music Awards »). En échange d’une promotion importante, la SABC4, qui retransmet en direct en 1996 la soirée de remise de prix, s’engage à diffuser trois écrans publicitaires présentant MCM Africa à l’ensemble du pays. En pleine époque post-apartheid, les populations d’Afrique du Sud découvrent le « nord » - celui de l’Afrique francophone - et toute une culture panafricaine longtemps occultée. Derrière ce partenariat important se profilent des négociations pour tenter de prendre pied dans un marché sud-africain dominé par les chaînes MTV (groupe Viacom) et Channel O (groupe Multichoice).
Mais les succès de la réception des programmes sur l’ensemble subsaharien du continent ne suffisent pas à trouver l’équilibre financier : le nouveau marché de la télévision payante mûrit progressivement mais trop lentement. Le marché publicitaire et l’évolution du nombre d’abonnés restent limités. Ce constat rapide explique donc la volonté d’explorer d’autres marchés, de lancer d’autres expérimentations : l’une des nouvelles stratégies consiste alors à s’intéresser aux Antilles. La chaîne RFO 2 propose alors de diffuser un ou plusieurs programmes de MCM Africa sur ses réseaux. Peu à peu un lien naturel se tisse entre les deux entités télévisuelles : des images du continent africain apparaissent sur les écrans des DOM-TOM. Ceci entraîne de nombreux partenariats pour le tournage d’émissions, la promotion de festivals, de tournées, d’artistes antillais très appréciés en Afrique. Les échanges sont nombreux : le succès d’un nouveau style dit « afro zouk » se confirme, le groupe Kassav fait des tournées dans les stades africains, etc.
Une autre stratégie, qui peut paraître trop ambitieuse, se dessine fin 1998 : le succès de Canal Plus et de son bouquet digital en France ouvre de nouvelles perspectives pour des projets de chaînes thématiques. L’idée est alors de prendre la production originale de MCM Africa et d’en faire la première chaîne musicale consacrée aux musiques du Sud. Ainsi naît « la télé 100% couleurs » dont l’habillage est retravaillé par l’équipe de Radio Nova (Novaprod) :
Avec le lancement en février 99 sur Canalsatellite, MCM Africa avait créé, à travers son nouvel habillage, un univers humain, métissé, coloré, représentatif de la diversité musicale de la chaîne, et de son authenticité. […] Parce que la programmation de la chaîne est faite des musiques ‘qui ont en commun l’Afrique en partage’, l’identité de MCM Africa n’est plus seulement africaine : elle s’ouvre sur le monde (La lettre5 de MCM Africa - 1999).
Cela permet de toucher le marché des « musiques du monde » et d’ouvrir une fenêtre d’expression à de nombreux artistes africains sur la France et l’Europe. Désormais les concerts de Koffi Olomidé au Palais Omnisports de Paris-Bercy ou d’Alpha Blondy dans la salle du Zénith seront soutenus énergiquement par la « petite » chaîne. Dans ce nouveau marché de la télévision payante, MCM Africa doit s’imposer face à de nombreuses chaînes musicales généralistes dont la compétition fait rage pour conquérir quelques points d’audience. MTV et MCM (France) ont le quasi monopole de ce « micromarché ».
Après quelques tentatives pour développer lachaîne dans le reste de l’Europe (Belgique, Hollande,…), les exigences en matière de contenu et d’investissement se font de plus en plus lourdes. La visibilité des programmes de MCM Africa sur la France intéresse les communautés de la diaspora africaine et les téléspectateurs amateurs d’« autres musiques »; mais elle provoque aussi de nombreuses réactions concernant la qualité des vidéos musicales du Sud. La norme définie en France n’est pas toujours - pour des raisons financières évidentes – la norme des productions tournées en Afrique ou à Paris dans le quartier de Barbès et de Château Rouge. Certains artistes, soutenus à l’époque par quelques grandes compagnies de disques, disposent de moyens importants ; mais ils sont rares. Alors que cette question n’a jamais freiné le développement et la popularité de la chaîne sur le continent africain, l’exposition de « la télé 100% couleurs » en France fait débat.
Apparaissent des limites au projet. Admettre une norme technique différente semble difficile en France. La diversité des présentateurs issus d’Afrique, du Maghreb, des Antilles, etc., semble être acceptée alors que la diversité de qualité des images proposées heurte souvent. L’œil français est habitué ou éduqué à une norme de diffusion française ou internationale. Cette question est suivie d’un autre débat qui reproche à la chaîne de diffuser des artistes afro-américains (et donc anglophones), remettant ainsi en question le caractère « francophone » de MCM Africa qui diffuse souvent des artistes africains qui ne chantent pas en français. Nous en revenons alors au problème de la signification de l’adjectif « francophone » qui possède de multiples définitions, selon que l’on en privilégie l’aspect linguistique, géographique ou institutionnel. Les critères de la chaîne ne sont pas purement linguistiques. L’artiste, quelle que soit son origine ethnique, peut utiliser le français comme langue principale ou secondaire. La place de la langue francaise peut être simplement partielle dans son œuvre et se « métisser » à d’autres langues. S’il chante en bambara ou en lingala, il peut néanmoins faire partie d’une communauté ou d’un pays membre de la Francophonie :
Au sens linguistique, [le terme « Francophonie »] désigne l’usage du français et l’ensemble de ceux qui le parlent. Au sens institutionnel et avec un grand « F » majuscule, il renvoie à une organisation internationale regroupant, en 2005, soixante-trois États (TRÉAN, 2006: 5)6.
Pour illustrer ce débat récurrent sur la place de la langue française dans l’œuvre des artistes diffusés sur la chaîne, nous pouvons évoquer la diffusion des chansons du groupe Daara J : originaires de Dakar, ils chantent à la fois en wolof, en français et parfois utilisent de l’anglais dans leurs compositions. Ils habitent en effet un pays membre de la communauté francophone internationale, mais du point de vue de la créativité, ils transcendent les débats linguistiques et les barrières internationales. Tel est le pouvoir de la musique.
Conclusion
Pris entre des objectifs aussi bien culturels que politiques ou économiques, le projet MCM Africa a permis de montrer le potentiel et les limites d’un média thématique axant son développement sur le marché de l’Afrique subsaharienne. Populaire en Afrique mais non rentable sur un marché restreint, occupant une « niche » télévisuelle en France mais souvent critiquée, la « télé 100% couleurs » a été toutefois un formidable laboratoire expérimental permettant, pour les uns, d’ouvrir de nouveaux horizons vers d’autres imaginaires culturels; pour d’autres, de créer des liens et une « fenêtre » d’échanges sur le continent africain. En transcendant les frontières linguistiques traditionnelles où s’affrontent le français et l’anglais, MCM Africa a aussi souligné la complexité d’une francophonie audiovisuelle internationale tout en révélant sa richesse et sa diversité.
En 2002, le processus de rachat du groupe MCM Euromusique par le groupe Lagardère entraîne la disparition progressive des productions originales de MCM Africa. Les coûts sont réduis au minimum, les réseaux de diffusion mis en valeur pour une revente au groupe Alliance Trace Media. Rebaptisée Trace TV en avril 2003, la chaîne reste musicale mais est dédiée aux musiques et aux cultures urbaines. Son directeur général, Olivier Laouchez, a aussi été le fondateur de la chaîne de télévision Antilles TV : conscient des difficultés d’un média « ethnique », il a opté pour une grille de programmation internationale à 80% « black » (rap, R&B, raï, ragga, zouk, électro,…) sans oublier, comme il le souligne, que « pour lancer Trace, on a racheté MCM Africa qu’on a relancé. On a donc une partie de nos origines qui sont sur le continent »7.
En tant que média de masse, la télévision gère des imaginaires, des visions du monde qui peuvent aider à une meilleure connaissance et acceptation de l’Autre :
Comment, par exemple, s’adresser à des cultures différentes de façon à les intéresser, à engager avec elles un dialogue qui leur donne le sentiment d’être reconnues et l’envie de répondre ? A quelles conditions le Nord acceptera-t-il d’accueillir des informations et des visions du monde venues d’ailleurs […] ? (WOLTON, 2003: 22)8
MCM Africa restera une expérience passionnante mais avortée qui a eu néanmoins le mérite de montrer qu’il était possible de créer des ponts « audiovisuels » entre les pays africains, entre l’Afrique et l’Europe, entre les Antilles et l’Afrique. Elle a aussi mis en valeur les limites d’un « village global »9 illusoire tout en soulignant la nécessité, pour des cultures différentes, de continuer à échanger et à communiquer entre elles.
Olivier Marteau
Note
↑ 1 MMDS est l’abréviation de « Multichannel Multipoint Distribution Service ». Ce système de diffusion de télévision utilise des bandes de fréquence micro-ondes. Il est répandu en Afrique et en Amérique Latine.
↑ 2 DOUGOUTIGUI, « Africable fête ses cinq ans : Ismaïla Sidibé, une success story à la malienne », Le Journal du Mali, Bamako, 8 juillet 2009.
↑ 3 Le Projet de loi de finances pour 2003 du Sénat fait référence à un sondage effectué dans onze villes d’Afrique francophone par la Sofres en 2002 : l’audience cumulée hebdomadaire place MCM Africa en cinquième position après TV5, CFI TV, Canal Horizons et RTL9.
↑ 4 SABC (South Africa Broadcasting Corporation) est le nom de la télévision nationale d’Afrique du Sud.
↑ 5 La lettre de MCM Africa est un document périodique d’information destiné à promouvoir la chaîne à travers sa programmation, ses réseaux de diffusion, ses capacités de publicité et de marketing.
↑ 6 C. TRÉAN, La Francophonie, Paris, Le Cavalier Bleu, 2006, p. 5.
↑ 7 Interview d’Olivier Laouchez réalisé par Omar Tani, Top Visages, 23 mars 2009.
↑ 8 D. WOLTON, L’autre mondialisation, Paris, Flammarion, 2003, p. 22.
↑ 9 L’expression « village global » est la traduction de « Global Village » faisant référence à l’ouvrage de M. MCLUHAN, Understanding Media: The Extensions Of Man, New York, McGraw Hill, 1964.