Publifarum n° 26 - Du labyrinthe à la toile / Dal labirinto alla rete

Des canards aux romans : la mise en fiction du « fait divers » dans la littérature française des XVIe-XVIIe siècles

Frank GREINER



Abstract

Francese  | Inglese 

Au XVIe et au XVIIe siècle, au moment où se développe une littérature sensible à l’actualité, de nombreux auteurs trouvent leur inspiration dans les faits divers ( principalement des histoires prodigieuses et des récits de crime). Mais ceux-ci, évidemment, ne sont pas évoqués de la même manière dans les canards, les histoires tragiques ou les romans. Quelles visions du fait divers produisent ces différents genres de textes ? Quelles formes caractéristiques lui font-il prendre ? Sur quels registres le dépeignent-ils ? De quelles valeurs l’investissent-ils ? Afin de mieux définir les frontières et mesurer les écarts séparant les diverses adaptations et transformations littéraires du fait divers cette étude porte essentiellement sur des textes se rapportant aux mêmes événements, avec l’idée que le même fait rapporté par un « canardier », un auteur d’histoires tragiques ou un romancier se présente inévitablement sous différents visages.


Dans son bel essai Storia di Storie consacré aux histoires tragiques Sergio Poli ne manque pas de rencontrer la question de la spécificité de leur traitement de l’actualité. Il insiste ainsi à juste titre – c’est là une des idées fortes de son livre – sur le jeu des différences interdisant de les confondre dans le même ensemble flou. Impossible en effet de placer sur le même plan, si l’on veut bien considérer leurs qualités littéraires, les récits d’un Belleforest, d’un Camus ou d’un Rosset et de simples comptes rendus journalistiques valant surtout par leur sécheresse. Ces quelques réflexions prolongeant les siennes reviendront sur le même constat, mais par un nouveau biais et en suivant des directions légèrement distinctes : elles prendront en effet appui sur les faits divers nourrissant l’inspiration de nombreux écrivains à partir de la fin du XVIe siècle et nous conduiront à nous interroger plus largement sur la question des partages génériques : comment le canard, l’histoire tragique, mais aussi le roman s’approprient-ils le fait divers ? Quelle vision de celui-ci imposent-ils ? De quelles valeurs l’investissent-ils ? Afin de mieux mesurer les écarts et les frontières séparant les diverses adaptations et transformations du fait divers, notre enquête portera essentiellement sur des textes se rapportant au même noyau événementiel, avec l’idée que le même fait rapporté par un « canardier », un auteur d’histoires tragiques ou un romancier prendra inévitablement des couleurs différentes. Évidemment, eu égard à son orientation typologique, mais aussi à son cadre restreint, notre étude ne pourra pas entrer dans toutes les nuances d’un travail historique précisément élaboré. Elle suivra néanmoins une ligne chronologique conduisant des canards, ces ancêtres des faits divers journalistiques, vers l’histoire tragique et le roman où s’opère, comme on le verra, non seulement leur transformation littéraire, mais aussi leur mise en crise.

Qu’est-ce qu’un « fait divers » ? 

Le terme « fait divers » est loin de s’imposer comme une évidence quand on travaille sur les XVIe et XVIIe siècles. Il apparaît en fait tardivement dans l’histoire de la presse : très précisément, selon Gilles Feyel, au quatrième trimestre de l’année 1833, dans les colonnes du Constitutionnel.1 Comme l’indique le Dictionnaire historique de la langue française qui date la création de l’expression de 1838 : « Fait divers a été formé au XIXe siècle pour désigner une nouvelle ponctuelle concernant des faits non caractérisés par leur appartenance à un genre ; son dérivé fait-diversier, désigne un journaliste chargé des faits divers : on relève la variante fait diversiste n. m. (1916). Il faudrait remarquer aussi avec Daniel Salles2 que « le mot « fait divers » […] désigne à la fois l’événement lui-même, l’information qui le relate et la rubrique du journal qui le traite. » Selon le même auteur les « faits divers » sont des « inclassables de l’information […]. Négativement, c’est tout ce qui n’a pas trouvé place dans les rubriques habituelles. D’ailleurs, dans l’argot journalistique, couvrir les faits divers c’est « faire les chiens écrasés », c'est-à-dire traiter les faits les moins importants de l’actualité. »3  Cependant il n’est pas impossible, malgré leur caractère apparemment inclassable, de leur trouver des liens de ressemblance permettant de les regrouper dans un même ensemble, voire de les relier à une thématique largement définie, de les associer à un style, de leur découvrir une logique et une structure spécifiques.

Les faits divers sont d’abord des événements extraordinaires, c’est-à-dire qui remettent en question de manière ponctuelle, le fonctionnement du monde, tel qu’il est défini par les normes et les représentations en usage dans une société. À cet égard il participe du prodige, quand il vient perturber les lois du monde naturel. Il peut relater ainsi la naissance de sextuplés, d’un mouton à cinq pattes ou une pluie de grenouilles ; il relève aussi de l’inattendu, quand il forme un accroc dans le tissu de nos représentations : il évoque alors le tigre se jetant sur le dompteur pour le dévorer ou le naufrage du Titanic pourtant réputé insubmersible. Il se définit aussi comme une transgression des règles sociales ou morales et prend alors par exemple le visage de l’assassinat, de l’escroquerie, de l’inceste ou de l’adultère. Ce qui paraît extraordinaire et sort des normes est souvent évoqué sur le mode de l’excès et de la surprise. C’est là une autre caractéristique du fait divers : il obéit généralement aux régimes stylistiques de l’hyperbole et du paradoxe. On parle d’ailleurs à son propos de « presse à sensation », parce qu’il vise à provoquer le choc sensible par l’utilisation de divers procédés comme l’amplification ou l’exagération ou à malmener nos habitudes mentales. Tout y est poussé à son comble ou (et) fonctionne à rebours des logiques réglant notre quotidien.

Dans un article important pour la réflexion critique sur le « fait divers », Barthes a autrefois apporté des éléments d’analyse sensibles à sa structure.4 Il note d’abord qu’à la différence d’une information générale (par exemple une information politique supposant une chronologie longue, car la politique est une catégorie « trans-temporelle ») « le fait divers est une information totale, ou plus exactement immanente », il observe aussi qu’il forme une « une structure fermée » pouvant s’isoler de son contexte et enfin qu’il « comporte au moins deux termes » unis par une « relation de causalité » (un délit et son mobile, un accident et sa circonstance, etc.) ou une « relation de coïncidence. » Certaines de ces relations jouent sur la répétition : une même bijouterie a été cambriolée trois fois, d’autres obéissent à une figure de rhétorique fondamentale : l’antithèse : Des voleurs lâchent un chien policier sur le veilleur de nuit. La causalité est retournée et obéit à la logique du comble exprimant une situation de malchance. Dans tous ces cas, conclut Roland Barthes, le fait divers renvoie à « une certaine idée du Destin », mais celui-ci se manifestant par l’ironie du sort, le coup de chance ou la malchance ne forme jamais une explication. La fatalité dans les faits divers modernes tels qu’il les décrit apparaît une référence vaguement superstitieuse à une forme de déterminisme surprenant autant qu’incompréhensible.

Archéologie du fait divers

Reste que ces analyses s’appliquent toutes à des faits divers appartenant à une ère historique conduisant du début du XIXe siècle à nos jours. Qu’en était-il avant 1833, quand l’expression n’était pas encore née ? Le mérite revient à Maurice Lever d’avoir montré que si, avant cette date, le terme n’avait pas encore été inventé, la chose n’en existait pas moins. Il situe la publication des premiers faits divers « à l’aube de la galaxie Gutenberg » et dans le sillage des premiers développements d’une littérature journalistique prenant la forme encore fruste de feuilles grand format imprimées seulement au recto et publiées de manière ponctuelle à « l’occasion d’un fait d’actualité » politique, militaire ou religieux.5 Les faits divers proprement dit apparaissent un peu après ces occasionnels, à partir de 1529.6 Ils trouvent leur place dans ce qu’on nomme alors des canards. La dénomination « issue d’une expression d’origine inconnue bailler un canard à moitié ‘tromper’ (1584) » a, par extension, fini par désigner un ‘journal de peu de valeur’. Vers le milieu du XVIIIe siècle il pouvait signifier aussi ‘une fausse nouvelle lancée dans la presse’. »7

Les canards – leur nom le suggère – relatent des événements donnés pour véridiques, mais si extraordinaires que l’on pourrait les croire inventés par leurs auteurs. Leur texte est généralement court : en moyenne douze pages et parfois une seule dont la partie supérieure peut être occupée par une gravure. Leur présentation négligée – on y trouve de nombreuses coquilles, des erreurs de pagination et des illustrations grossièrement gravées sur bois et souvent réutilisées d’un texte à l’autre – montre qu’ils étaient fabriqués rapidement, avec des moyens modestes et pour viser sans doute un public populaire.8 Ce qui n’empêchait nullement certains savants et lettrés comme Ambroise Paré ou Pierre de L’Estoile à prendre « un réel plaisir à leur lecture. »9 Les années 1630 verront leur déclin, puis leur disparition coïncidant avec la naissance d’une presse périodique alors principalement représentée par La Gazette de Théophraste Renaudot.

Si le fait divers est devenu un centre d’intérêt important au XVIe et au XVIIe siècles, ce n’est évidemment pas en raison du seul développement de la presse ou de l’imprimerie. Mais parce qu’il reflète une sensibilité nouvelle, une attention inédite portée à des faits singuliers situés en marge des événements politiques, militaires, religieux rythmant la grande histoire collective. Le fait divers renvoie à une expérience de la réalité qui déborde sa version officielle et reflète les tentations et les peurs de l’individu face à un quotidien qui lui échappe. On peut émettre à cet égard l’hypothèse que l’engouement suscité par le fait divers accompagne ce processus de privatisation des mœurs dont parle Philippe Ariès pour dépeindre et expliquer la genèse de l’individu moderne en occident,10 mais l’accompagne sur un mode malheureux et angoissé. Alors qu’à partir de la Renaissance la solitude, l’amitié, l’amour, l’alphabétisation et la relation à l’écriture et à la lecture, voire l’évolution de l’architecture conduisent l’homme occidental vers la conquête de nouveaux espaces de liberté et d’intimité, la promotion du fait divers lui offre une vision anxiogène de la réalité en forme de mise en garde, comme pour l’inviter à ne pas aller trop loin sur chemin de l’autonomie morale.

Au regard de son contexte historique on comprend aisément les enjeux de cette mise en garde : en une époque où la France, déchirée par les guerres de Religion, voit aussi la montée en puissance d’un pouvoir d’État centralisé, le développement d’une Justice de mieux en mieux organisée et l’affirmation d’une contre-Réforme catholique militante, les récits de crime, comme les histoires prodigieuses servent l’ambition d’un contrôle accru des consciences. Leurs auteurs – particulièrement en ce qui concerne les canards – conservent l’anonymat, mais il est facile de deviner leurs visages sous les masques. M. Lever les devine à travers une étude de l’intertexte savant qu’ils sollicitent volontiers : Pline, Cicéron ou d’autres auteurs de l’Antiquité, mais aussi de nombreux Pères et Docteurs de l’Église, en particulier saint Augustin, saint Thomas d’Aquin, et des démonologues comme Jean Bodin, Pierre Le Loyer, Del Rio, Jakob Sprenger et Heinrich Kramer. Il note aussi leur hostilité à la Réforme protestante et conclut sur le mode l’hypothèse : « Et si, derrière leur incognito, se dissimulaient tout simplement des clercs, jésuites ou curés de campagne – presque seuls à savoir lire, écrire, narrer, dans les villages de cette époque – peut-être même des évêques, plus savants qu’eux et disposant de vastes bibliothèques ? Beaucoup d’indices, en tout cas, le laissent penser ».11 Ainsi l’un des canards reproduit dans son anthologie, L’histoire sanguinaire, cruelle et emerveillable, d’une femme de Cahors semble bien confirmer cette intuition, puisqu’il s’achève par une approbation de l’Église : « Vu et visité par MM les docteurs de la Sorbonne. »12

Cette orientation idéologique retentit sur la structure et le contenu du fait divers d’Ancien Régime si bien qu’il est nécessaire pour comprendre sa spécificité de bien le distinguer de sa transformation moderne. Le fait divers dans sa version archaïque apparaît comme une forme particulière de l’exemplum. Celui-ci consiste, comme on le sait, « en un récit bref, destiné à l’édification, qui prétend relater un petit événement vécu par son auteur ou qui a été rapporté à ce dernier, et dont l’auditoire est invité à tirer la leçon. »13 La même intention édifiante est manifeste dans les canards qui commencent et se concluent invariablement par des observations morales. Les scénarios inspirés de la chronique judiciaire suivent toujours la même trame faisant se succéder les épisodes de la transgression et de la punition, celui-ci étant associé à l’aveu des coupables et à l’expression de leur repentir. Leur récit est ancré dans l’actualité du lecteur et a valeur de témoignage véridique comme celui de l’exemplum. Il mobilise toujours les mêmes thèmes dont Jean-Pierre Seguin a dressé la liste pour classer les 517 canards de son catalogue14 : crimes, vols, calamités naturelles, animaux malfaisants, surnaturel et merveilleux, monstres. Cette matière thématique est restée aujourd’hui à peu près la même, mais son interprétation a radicalement changé. Dans notre monde laïcisé le fait divers vise à provoquer seulement l’étonnement du lecteur face à un événement singulier, inattendu, bizarre derrière lequel se devine la présence diffuse du Destin. Il en va autrement dans l’univers de la Renaissance ou de l’âge baroque où les canards relaient une propagande religieuse incitant le bon chrétien à lutter contre la chair, le monde, le diable et les hérésies et à deviner partout la logique agissante d’une Justice providentielle toujours prompte à appuyer celle des hommes.

Le fait divers et les lecteurs de fictions

Maurice Lever concentre son enquête sur les premiers témoignages d’une littérature journalistique à vocation principalement populaire, mais il faudrait s’empresser d’ajouter, pour enrichir et nuancer son approche, que leur contenu trouve aussi de nombreux relais dans une littérature destinée parfois à un public cultivé. Certains événements repris aux Annales judiciaires peuvent faire ainsi l’objet de relations dont la présentation matérielle et l’écriture paraissent d’emblée de bien meilleure qualité que celle des canards. Ainsi ce texte de Gustave Le Sueur, familier d’un des présidents du Parlement de Toulouse, chargé de juger de la célèbre affaire Martin Guerre : Histoire admirable d’un faux et supposé mary, advenue en Languedoc, l’an mil cinq cens soixante (Paris, Vincent Sertenas, 1560) dont il donna d’ailleurs une traduction latine l’année suivante,15 signe manifeste qu’il voulait s’adresser également à des lecteurs instruits. Les miscellanées à la mode au tournant du XVIe et du XVIIe siècles, par exemple les trois tomes des Jours caniculaires de l’italien Simone Maiolo16 ou Les Diverses Leçons de Louis Guyon comportent également de nombreux faits d’actualité ou supposés tels puisant dans le riche vivier des faits divers. Citons également les chroniques journalières de Pierre de L’Estoile, les épitomes judiciaires d’Alexandre-Sylvain Van Den Bussche ou de Gayot de Pitaval. Certains livres religieux, comme Les Vengeances divines de Daniel Drouin17 ou les comptes rendus d’exorcismes contemporains des grands procès de sorcellerie vont également chercher leurs exemples édifiants sur le même terrain. Dans ce vaste massif journalistique et littéraire se trouvent encore de nombreux textes hésitant entre le réel et l’affabulation et parfois donnés à leur public comme de pures fictions : les histoires tragiques et les romans. Deux genres, qui seuls retiendront notre attention, parce que leurs emplois du fait divers est allé parfois dans le sens de la promotion de valeurs nouvelles en désaccord avec la vision du monde portée par les canards et les textes d’inspiration religieuse, morale ou judiciaire reflétant les mêmes options idéologiques.

Cette rupture ne s’est pas toujours faite de manière lucide et volontaire, d’autant que ses premiers motifs ne sont pas exactement littéraires. Les ferments des transformations opérées sur le fait divers par l’histoire tragique et le roman se trouvent dans leur public. Celui-ci est certainement distinct du lectorat des canards, d’abord pour des raisons économiques, car le prix d’un livre de trois ou quatre cents pages n’est évidemment pas le même que celui d’un opuscule comprenant quelques feuillets grossièrement imprimés. Les dédicaces nous renseignent plus précisément sur ce lectorat qui, dans une France où l’analphabétisme domine de manière écrasante, coïncide indiscutablement avec une élite sociale. Pierre Boaistuau, qui introduit en France ce genre, offre ses Histoires tragiques à Monseigneur Matthieu de Mauny, abbé des Noyers ; François de Belleforest, le continuateur de sa collection d’histoires fait l’hommage des trois premiers volumes de ses œuvres à « Charles Maximilian Duc d’Orléans », « à Madamoiselle Ysabeau de Fusée, femme de Monsieur Bourdin, Conseiller du Roy et Procureur general en sa Cour de Parlement » et au « noble et excellent Seigneur Claude d’Aubray ». Quelques décennies plus tard François de Rosset dédiera ses Histoires mémorables et tragiques à Louis de Goth, marquis de Rouillac. Les faiseurs de roman de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle s’adressent aussi majoritairement à des nobles avec cette petite nuance que leurs dédicataires sont plus souvent des femmes. Ainsi Verville offre les trois premières parties des Avantures de Floride à Charlotte Adam, épouse de Jean de la Vallière, et dame de compagnie de la reine Catherine de Médicis, et les deux dernières à Mademoiselle de Marigni Brochard et à son mari Pierre Brochard, Conseiller du roi Henri IV. Ses dédicaces sont d’ailleurs doublées par plusieurs préfaces adressées « aux Dames ». Charles Sorel souligne l’importance du public féminin et de la noblesse d’épée dans les observations sur le roman qu’il place dans son traité De La Connoissance des bons livres :

Il faut considérer quelles personnes ce sont qui prisent le plus les Romans ; on verra que ce sont les Femmes et Les Filles, et les Hommes de la Cour et du Monde, soit qu’ils soient gens d’épée, ou que leur oisiveté les fasse plaire aux vanitez du Siecle.18

Ce public choisi a des attentes et des exigences bien distinctes de ceux des lecteurs populaires de canards. Le fait est patent pour ce qui est de la littérature romanesque exaltant les idéaux de la noblesse à travers ses aventures d’armes et d’amour.

On ne s’étonnera pas, de ce point de vue, de voir les romanciers donner de nouvelles couleurs aux faits divers dont ils s’inspirent parfois dans leurs œuvres. Ainsi Verville, trouvant bonne part de la matière des troisième et quatrième parties de ses Avantures de Floride dans une affaire d’assassinat commis par une jeune femme à Marmande au début des années 1590, ne manque pas de remanier considérablement les faits. On trouve une première relation de l’événement dans un récit polémique écrit par un ami de la victime, le Discours de la perfidie d’amour. L’auteur, Joseph de La Mothe, y décrit la mort injuste du sieur de L’Espinasse, « gendarme de la compagnie du sieur de Castelnau », tombé sous les coups d’une certaine Mademoiselle du Luc prétendant vouloir venger son honneur sali par les médisances de cet amant indélicat. De La Mothe minimisant la faute de L’Espinasse justifie son comportement par la jalousie et une colère légitime. La Demoiselle, guidée par sa cupidité et son humeur volage, l’aurait en effet trahi pour convoler en justes noces avec un autre gendarme, le capitaine de La Peyre. Verville donnant sa propre version, toute romanesque, de l’affaire Du Luc, ne reprend pas à son compte les récriminations misogynes déversées dans le Discours contre une jeune femme « enragée et forcenée ».19 Si dans sa préface « Aux Dames », il présente son roman comme une œuvre éminemment morale dont le propos est « d’apporter toute occasion de plaisir vertueux », de « vaincre l’oisiveté, cause de tous leurs dommages » et apprendre « honnestement […] à aymer ».20 Ses leçons postulent même une certaine liberté critique, car récrivant l’histoire de la demoiselle Du Luc, devenue sous sa plume l’Infante déterminée, Verville a sans doute conscience de s’adresser à des lectrices que leur statut social, leur culture et leur sensibilité éloignent des lignes simples de la morale traditionnelle. Ainsi, il choisit d’entrer dans les raisons de l’accusée agissant par vengeance pour punir un amant indélicat qui avait sali sa réputation. Contre la Justice officielle, il se fait son avocat. Cet éclairage « féministe » d’une affaire de meurtre s’explique bien sûr par ses propres convictions, mais aussi par le fait qu’il écrit un roman et que celui-ci s’adresse aussi à des femmes de la haute société n’attendant pas de lui qu’il leur serve un sermon de plus sur la nécessaire douceur du sexe faible et sur sa détestable violence.

La situation des auteurs d’histoires tragiques face à leur public est certainement plus complexe que celles des romanciers. Ils pratiquent en effet un genre mobilisant explicitement les mêmes valeurs que les canards. Leur posture est souvent celle du moraliste ou du prêtre sermonneur. Mais leurs publics qui, de Boaistuau à François de Rosset, semble aller en se mondanisant, les conduit souvent au-delà de leur rôle de propagandiste. C’est ainsi, mais de manière plus discrète que chez Verville, la conscience de s’adresser à un public nobiliaire qui permet de distinguer François de Rosset d’un canardier, même s’il revendique apparemment les mêmes valeurs en dénonçant à tout bout de champ l’influence des passions aveuglantes, du diable, des libertins et des hérétiques sur la faible humanité. Sa vision – socialement orientée – de l’affaire Ravalet l’amène par exemple à se démarquer du point de vue rigoriste de l’auteur anonyme de l’opuscule paru peu de temps après leur exécution : Le Supplice d’un frère et d’une sœur décapités en Grève pour adultère et inceste.21 Naturellement il n’est pas question pour lui de réhabiliter les deux jeunes gens montrant à leurs contemporains que « les chrétiens sont entachés de vices si exécrables que ceux qui n’ont pas la connaissance de l’Évangile n’oseraient commettre. »22 Mais il ne les condamne pas sans exalter aussi leur amour mutuel, leur beauté, leur jeunesse ainsi que leur courage devant la mort au moment de leur exécution. Dès lors Julien et Marguerite de Ravalet – dont on notera au passage qu’ils sont les enfants d’un riche seigneur normand, Jean de Ravalet, sieur de Tourlaville – n’illustrent pas seulement une mise en garde contre le danger des affections, ils deviennent sous sa plume les deux emblèmes tragiques de cette morale héroïque que la noblesse française cultivait pour elle-même, parfois en pleine contradiction – les histoires de Rosset le démontrent amplement – avec les injonctions de l’Église chrétienne.

Genres et registres

L’introduction du fait divers dans les histoires tragiques et les romans va de pair, bien sûr, avec des pratiques d’écriture différentes de celles que l’on a découvertes dans les canards. Il s’agira à présent, sans prétendre à l’exhaustivité de passer en revue leurs diverses caractéristiques pour discerner dans quelle mesure la poétique de ces deux genres a pu influer sur la vision du fait divers et conduire celui-ci vers de nouvelles interprétations. Un point important à cet égard est l’utilisation des registres, souvent associés de manière étroite à l’emploi de tel ou tel genre. Les registres, il faut le préciser, car le mot recouvre plusieurs significations et peut prêter à malentendu, désignent de notre point de vue « les catégories de représentation et de perception du monde que la littérature exprime, et qui correspondent à des attitudes en face de l’existence, à des émotions fondamentales. »23 Le registre inscrit dans les textes une vision du monde étroitement associée à « un éthos, une puissance émotionnelle ».24 Dans les canards, qui fonctionnent comme des mises en garde et des condamnations d’actes répréhensibles ou comme des récits de miracles ou de prodiges, les registres jouent sur une gamme d’émotions relativement simples : d’une part l’horreur combinée avec la réprobation ; de l’autre, l’étonnement, l’admiration, la piété devant les manifestations de la puissance divine. Cette palette émotionnelle va en s’enrichissant considérablement dans les histoires tragiques, d’abord du fait de la complaisance avec laquelle leurs auteurs peuvent s’attarder sur la peinture de détails crus. Dans un article ancien Albert-Marie Schmidt relevait autrefois le fait en notant dans une belle formule que ces histoires d’un genre nouveau « introduis[aient] dans la littérature française du XVIe siècle une esthétique ambiguë de la lascivité féroce. »25 De fait François de Belleforest, Jacques Yver, Benigne Poissenot ou Vérité Habanc, ses premiers auteurs en France, tout en se drapant dans leur vertu ne cessent de mêler à leur récit les charmes troubles de « spectacles d’horreur »,26 parfois teintés d’une pointe de sadisme, ou pimentés d’un érotisme salace au point de faire crier contre eux les dévots, comme le père Coton. Leurs héritiers au début du XVIIe siècle, par exemple Laffemas, Nervèze, Intras de Bazas et surtout François de Rosset conduisent un peu plus loin cette ambiguïté en faisant pactiser plus nettement l’histoire tragique avec deux registres typiquement romanesques : le sentimental et l’héroïque. Le fait divers reconsidéré à travers ces nouveaux filtres prend inévitablement un nouvel aspect pouvant conduire à brouiller le message moral dont il est donné comme une illustration.

« De la constante et désespérée résolution d’un gentilhomme et d’une damoiselle »,27 la huitième de ses Histoires mémorables et tragiques que Rosset tire d’un fait divers publié dans le Mercure français,28 permet de prendre la mesure de ces distorsions. La trame de l’histoire de François de Rosset est des plus simples, elle n’en vaut pas moins par sa duplicité. Son déroulement conduit manifestement ses personnages de la transgression d’un interdit au moment de leur punition : Valéran, un gentilhomme de Picardie, blessé dans son honneur par Aronce et rebelle à toute réconciliation, le tue par traîtrise d’un coup de pistolet ; puis, refusant de se rendre à la justice royale, se réfugie dans un château fort en compagnie de sa fidèle compagne, Amarille. Après plusieurs avertissements et la vaine intervention de la mère de la jeune femme, La Morlière, le lieutenant du grand prévôt, fait donner l’assaut. Les deux amants opposent à cette attaque une âpre résistance, puis se résignent au suicide d’un commun accord. L’auteur condamne, certes, leurs excès, mais cette même démesure qui les conduit à entrer en conflit avec la morale ou la loi contribue aussi à leur grandeur héroïque. Ainsi Valéran assassine Aronce et se révolte contre la justice royale ; mais son irascibilité forme comme l’aiguillon de son « courage généreux » ; Amarille montre à son compagnon un dévouement extraordinaire qui amène Rosset à la comparer avec plusieurs héroïnes antiques de la fidélité conjugale : Ipsycrate,29 Cléopâtre, fille d’Eole et Arria, respectivement épouses de Mithridate, Céyx et Paetus.30 L’exaltation amoureuse et héroïque de l’aventure criminelle estompe quelque peu la ligne morale de l’histoire de Rosset : elle suscite la sympathie et l’empathie du lecteur et l’entraîne à reconsidérer, ou du moins à nuancer, le jugement porté sur eux par la Justice du roi : les deux amants maudits ne sont plus des coupables, mais les victimes de leur passion et les martyrs d’un sort injuste ; non plus des criminels, mais les héros d’une histoire sentimentale à issue malheureuse.

Les différents genres de fictions narratives, libres des contraintes pesant sur l’histoire tragique, peuvent aller beaucoup plus loin dans le sens de la transformation du fait divers et de l’altération de son message moral. On sait en effet qu’elles sacrifient, dans leurs variantes romanesques, à un véritable culte de l’amour et qu’elles célèbrent les vertus du héros, parfois jusque dans la transgression des interdits. Dans leur veine souriante – celle des histoires comiques qui seules nous intéresseront ici – elles nous conduisent sur le chemin d’une rupture radicale parce qu’elles nous proposent du fait divers des visions opposées à celles des auteurs d’histoires tragiques. L’épouvantable s’y mue en effet en un divertissement appelant le rire ou le sourire démystifiant. Ainsi dans Le Gascon extravagant attribué à Onésime Somain de Claireville le lecteur peut découvrir des échos de l’affaire des possédées de Loudun, mais nullement fidèles à l’esprit des opuscules édifiants et terribles circulant à l’époque sur les pauvres sœur Ursulines en proie aux assauts de multiples démons. Claireville, lui-même originaire de Loudun et sans doute témoin des événements, récrit sur un mode fantaisiste, une scène de possession où une jeune femme du nom de Segna (anagramme d’Agnès, l’une des sœurs officiellement reconnues comme « possédées ») est interrogée par un vieil exorciste sur sa vision de l’Enfer. L’affaire pourrait être grave, mais la soi-disant possédée interrompt brusquement le dialogue engagé avec un démon invisible en entonnant brusquement une chansonnette : « O Godinette je vous aime tant ». Précisons au passage que  la Gaudinette désigne en moyen français une jeune fille au tempérament folâtre. Cette « digression facetieuse », comme la nomme Claireville, ne manque pas de produire son effet. Elle provoque le rire du Gascon et du narrateur jusque là témoins muets de la scène et jette le discrédit sur les croyances dont elle devait être comme la preuve flagrante, même si l’Ermite, jouant le rôle de l’exorciste,se fâche de leur « peu de retenue. »31

On trouve une semblable transformation d’un fait grave tenu pour édifiant en une anecdote ridicule dans les premières pages de l’Histoire comique des États et Empires du Soleil faisant évidemment allusion, mais sur le mode satirique, au procès de Vanini. L’exécution, à Toulouse en 1619, du théologien et philosophe italien accusé d’athéisme avait fait grand bruit et plusieurs auteurs avaient contribué à faire naître sa légende maudite longtemps avant la parution du livre de Cyrano de Bergerac : un article paru dans Le Mercure françois, puis une plaquette anonyme d’une dizaine de pages, enfin la cinquième des Histoires tragiques de Rosset dans son édition de 1619 : De l’exécrable docteur Vanini, autrement appelé Luciolo, de ses horribles impiétés et blasphèmes abominables, et de sa fin enragée. Cyrano, pour la tourner en dérision, s’inspire de cette littérature de propagande au début de son roman où il place explicitement son héros Dyrcona dans la situation de Vanini. Comme celui-ci, Dyrcona est l’auteur d’un texte qui, par ses vues nouvelles, ne tarde pas à susciter une réaction de suspicion puis de rejet, il bénéficie de la protection d’un grand Seigneur, le Comte de Colignac, où l’on peut voir une allusion au Comte de Cramail, le mécène de Vanini, les faits sont situés ici et là dans la région de Toulouse, ville championne de l’ultra catholicisme dans les premières décennies du XVIIe siècle. Mais la persécution qui s’abat sur le héros de l’histoire comique ne montre pas, on l’imagine, un visage aussi sinistre que dans l’histoire réelle de son modèle historique. Quand « neuf ou dix barbes à longue robe »32 débarquent chez Colignac pour accuser son protégé de sorcellerie et l’inviter à le remettre à la Justice, celui-ci ne peut s’empêcher de s’esclaffer en les voyant si bien convaincus de leurs « contes ridicules »33 et superstitieux :

Un éclat de rire le prit, qui n’offensa pas peu messieurs ses parents ; de sorte qu’il ne fut pas en son pouvoir de répondre à aucun point de leur harangue, que par des ha a a a, ou des ho o o o ; si bien que nos messieurs très scandalisés s’en allèrent, je dirais avec leur courte honte, si elle n’avait duré jusqu’à Toulouse.34

Les rires du Gascon et de Dyrcona participent-ils encore du fait divers ? On pourra le contester si l’on associe étroitement celui-ci au canard ou au discours exemplaire et moralisant lui servant généralement de supports au début des temps modernes. Mais l’on peut aussi définir ces mêmes faits à partir de leur contenu événementiel. Dès lors rien n’interdit de voir en eux les reflets d’une actualité infiniment variable selon les regards et les modes de représentation.

L’amplification du fait divers

Comment techniquement s’effectue la mise en récit du fait divers ? Comment l’histoire événementielle se transforme-t-elle en histoire scénarisée ? Et quels effets de sens sont induits par la narrativisation propres aux histoires tragiques et aux romans ? Il y a, certes, presque autant de manières d’écrire ou de récrire l’actualité et de l’affabuler qu’il y a d’auteurs ; mais il n’est pas impossible de discerner sous la multitude des cas particuliers quelques lignes de force. On peut distinguer ainsi dans notre corpus trois formes d’élaboration narrative du fait divers qui d’ailleurs peuvent collaborer les unes avec les autres au sein de la même œuvre : l’amplification, l’insertion, l’assimilation.

La première de ces procédures, la plus courante, consiste à donner du volume à des histoires relativement brèves. Il suffit de comparer les canards et leurs versions remaniées dans quelques histoires tragiques pour prendre une juste mesure de ces transformations. Prenons par exemple l’Histoire prodigieuse d’un gentilhomme auquel le diable s’est apparu35 pour la rapprocher d’une des histoires tragiques de Rosset, l’une des plus célèbres d’entre elles, la dixième dans la deuxième édition de son recueil (1619).36 L’histoire du démon qui apparut à Thibaud de la Jacquière, « Lieutenant du chevalier du Guet » de la ville de Lyon, est deux fois plus étendue que dans son texte source.37 L’amplification conduit d’abord à l’augmentation des propos édifiants servant de cadre à l’histoire. Rosset non seulement leur accorde davantage, mais il leur joint quelques réflexions sur les démons et leur influence néfaste ; elle procède aussi de l’élaboration d’un style copieux riche en mots et en tournures : ainsi là où l’auteur anonyme de l’Histoire prodigieuse a esquissé quelques répliques entre le protagoniste et la demoiselle rencontrée nuitamment, Rosset a placé un vrai dialogue démarquant ceux des manuels de civilité amoureuse de son temps. Son Lieutenant offre, en langage fleuri, l’hospitalité à la belle inconnue qui, après quelques réticences, accepte de le suivre chez lui. Enfin et surtout les ajouts s’appuient sur un effort d’invention : dans sa version originale l’aventure fantastique de Thibaud de la Jacquière avait presque la sécheresse d’un sommaire alors que sa récriture déroule un véritable scénario jouant sur le suspense et une progressive montée de la tension dramatique pour mieux amener les temps de la crise et du dénouement en forme de scènes chocs. Thibaud parvient à séduire la mystérieuse demoiselle, mais Rosset imagine après cela que celle-ci prend son déduit avec deux de ses compagnons, peut-être avec le dessein de jouer sur l’érotisme de son récit, mais aussi pour préparer le moment d’un retournement spectaculaire. Parvenus au comble de l’extase, ravis, les trois hommes détaillent les charmes de leur conquête, parangon de beauté et de féminité, quand celle-ci brusquement déclare vouloir se montrer à eux, dans sa vérité nue : « Je veux me découvrir à vous, et vous faire paraître qui je suis. » Ce disant, elle leur fait voir « la plus horrible, la plus vilaine, et la plus infecte charogne du monde. » « Coup de tonnerre. »38 La maison se transforme en une bicoque remplie d’ordures. Seul un des trois hommes survit quelques jours à ce malheur épouvantable, le temps de raconter « le succès de cette étrange aventure » où se remarquent « les justes jugements de Dieu. »39

De semblables remaniements se retrouvent dans de nombreux romans et histoires tragiques qui, à la même époque, s’inspirent des annales judiciaires et des canards. Leurs auteurs, en travaillant à une meilleure scénarisation du fait divers ont certainement contribué alors à lui donner une aura nouvelle aux yeux des lecteurs, mais l’opération, aux yeux des moralistes, n’était pas sans comporter quelques risques. Un fait divers habilement conté n’est-ce pas déjà un récit paré des attraits du roman noir ? C’est en ayant conscience de cette dérive, de la dénonciation moralisante vers le récit complaisant, que Jean-Pierre Camus rompit, à la fin des années 1620, avec tous les procédés d’amplification dominant jusque là ses premières œuvres pour prôner une esthétique de la brièveté, seule capable, selon lui, de garantir ses histoires contre l’immoralité et les mensonges du roman. Au début de ses Événemens singuliers (1628) il s’explique devant le lecteur sur cette nouvelle option :

Quant à la conduite [de ces histoires], je te dois advertir que je m’y étudie autant que je puis à la brièveté, retranchant à cette occasion tous les agencements avec lesquels j’étends mes autres histoires, où lâchant mon esprit comme en pleine mer, je mets les voiles aux vents et vogue largement où m’emporte le cours de ma plume. Ici, je taille ma vigne et en ébourgeonne les pampres, et même je me coupe les ailes pour ne faire point d’essor. Je me serre auprès du fait et / donne peu de liberté à ma pensée de s’épandre en des digressions si elles ne sont nécessaires, et comme nées dans le sujet.40

 

L’histoire camusienne, définie négativement par opposition au roman et réduite à son squelette, opère une forme de retour à l’esthétique du canard.

Le fait divers comme récit ou motif inséré

Une autre technique de la mise en récit du fait divers consiste à l’insérer intégralement ou en partie dans le cours d’une œuvre de fiction. Dans le premier cas, à notre connaissance relativement rare, le fait divers fait l’objet d’une narration interrompant le développement de l’intrigue principale. Par exemple dans son Histoire des Amours tragiques de ce temps qui hésite entre la forme du recueil de nouvelles, celle de l’histoire tragique et celle du roman, Isaac de Laffemas imagine que plusieurs personnages prennent, chacun à leur tour, le rôle de conteur pour satisfaire à la règle du salon parisien qu’ils fréquentent. Ils rapportent ainsi de loin en loin sept histoires dont l’une au moins relève de la chronique judiciaire, bien connue de l’auteur, alors avocat au Parlement de Paris. Il s’agit d’une affaire déjà évoquée plus haut : celle de Julien et de Marguerite Ravalet devenus ici Polidor et Éléonore dont les amours incestueuses sont transposées à Venise. L’onomastique et la situation dans un pays étranger vont dans le sens d’une déréalisation et d’une transformation romanesque de leur aventure malheureuse. Le point de vue adopté par Floris, qui conte leur « histoire lamentable », est lui-même plus romanesque que moral. Elle présente en effet ses deux personnages comme les victimes de la fatalité amoureuse :

Amour, de qui l’Empire n’a point de bornes, pour faire voir sa puissance aussi forte, aux pays les mieux policés, qu’au lieux les plus dérèglés, fit goûter à une noble famille de Venise la force de son poison, rendant pour quelque temps les enfants qui en étaient sortis admirés et recherchés des plus apparents41 de la république, et leur réservant le plus grand malheur qui arriva jamais à ceux qui l’ont suivi.42

Quand Philémon, le mari d’Éléonore, fait saisir par la Justice les deux amants en fuite, leur exécution n’est pas précédée, comme dans les canards, par le temps de l’expiation reconnue et avouée. Celle-ci est mentionnée simplement par le mot « confession ». L’attention de la conteuse se focalise sur le châtiment s’abattant sur deux jeunes gens « tous deux conduits au supplice, et au milieu d’une presse de peuple qui déplorait leur désastre ». Son intention explicite est d’insister sur le pathétique de son récit pour renforcer son pouvoir de séduction sur un public sensible. Celui-ci ne manque pas d’ailleurs de réagir comme elle l’espérait :

Ils demeurèrent autant ravis de la douceur des paroles, qu’attristés de l’aigreur du sujet, et les Dames ne se purent empêcher de montrer par leurs larmes la pitié qu’elles avaient du malheur de ces amants, jusques à ce qu’on leur eut apporté des confitures pour les réjouir…

La rapide description des impressions produites par le récit de Floris manifeste discrètement l’une des fonctions spécifiques de l’insertion de l’histoire dans un récit cadre. Celle-ci conduit régulièrement, sur le modèle de nombreuses nouvelles italiennes, à attirer l’attention du lecteur sur le processus de la narration et de sa réception. Ce qui compte n’est pas seulement l’histoire racontée mais les effets qu’elle engendre et la manière dont elle est comprise par un auditoire fictif, celui-ci servant éventuellement de modèle au lecteur réel. À cet égard le fait divers déplacé dans un roman ou une histoire tragique ne peut plus être exactement apprécié de la même manière qu’un canard, car il est placé le plus souvent sous les yeux de personnages mobilisant des valeurs distinctes de celles de l’homme de loi ou du moraliste.

On rencontre plus fréquemment dans les fictions narratives des XVIe et XVIIe siècles l’insertion de simples motifs, de personnages, de circonstances faisant allusion à une actualité connue du lecteur. On trouve un exemple remarquable de cette pratique littéraire dans les Mémoires de la vie de Henriette-Sylvie de Molière où Madame de Villedieu fait paraître un personnage à la réputation sulfureuse, Catherine Deshayes, dite Lavoisin, l’une des protagonistes de la célèbre affaire des poisons, qui fut brûlée en place de Grève le 22 février 1680. Éditées de 1671 à 1674, les six parties en trois volumes qui composent le roman sont antérieures à cette exécution, mais elles font écho à deux moments importants de la grande affaire qui agita la fin du siècle.

Dans la troisième partie  « la Dame Voisin » est au centre d’une petite intrigue amoureuse visant par une fausse prophétie à persuader l’héroïne d’épouser l’un de ses soupirants. L’anecdote confirme le témoignage de La Fontaine dans sa fable Les Devineresses et reflète le succès de Lavoisin, consultée au début des années 1670 par « toutes les belles infortunées de la Cour, et mêmes [par] plusieurs Amans. »43 Le 16 janvier 1674, date de l’achevé d’imprimé joint au troisième volume des Mémoires, l’affaire des poisons bat son plein. La marquise de Brinvilliers, soupçonnée d’avoir empoisonné son père et deux de ses frères, s’étant enfuie en Angleterre, a été condamnée par contumace en 1673. Une enquête de grande ampleur fait d’ailleurs apparaître que la marquise n’est pas un cas isolé et que les empoisonneurs forment un véritable réseau menaçant jusqu’à la personne du roi. Or, tandis que la crainte du poison s’exacerbe en une névrose collective suscitant de nombreuses poursuites judiciaires, l’héroïne de Madame de Villedieu, arrivée à la cinquième partie de ses aventures, se trouve abordée à Paris par un écuyer de la Marquise de Séville, lui portant de la part de sa maîtresse défunte une cassette pleine de pierres précieuses. La mort de la Marquise fait l’objet d’une remarque hâtive, mais qui, replacée dans son contexte historique, prend tout son relief :

Il y avoit encore de l’avanture mêlée dans cette mort : on pretendoit qu’elle avoit pris je ne sçai quel breuvage, dont un homme prenoit aussi, et qui devoit leur donner un amour éternel l’un pour l’autre. Soit que la drogue eût été mal préparée, ou que l’heure de la Marquise fût venuë, elle étoit morte assez subitement, et on vouloit que le breuvage y eût beaucoup contribué.44

Le mélange de l’allusion à des faits réels et de la fiction a d’abord évidemment pour fonction de renforcer la vraisemblance des pseudo-mémoires produits par Madame de Villedieu, d’autant qu’ils fonctionnent aussi comme un roman à clés. Mais il faut observer encore, pour être complet, que le fait divers déplacé dans l’histoire d’une vie imaginaire se déleste de sa gravité pour se transformer en clin d’œil adressé au lecteur. Un signe de connivence qui se conjugue avec le plaisir de la reconnaissance à travers la perception d’un décalage. Ainsi, « la dame Voisin » devient sous la plume de Madame de Villedieu la protagoniste d’une intrigue galante ; l’affaire des poisons, telle qu’elle l’évoque, explique de loin la mort mystérieuse d’une marquise de Séville rêvant d’un amour éternel. Le roman introduit le fait divers dans un régime de représentation inverse de celui du canard ou de l’histoire tragique. Il tend moins à renforcer l’illusion référentielle qu’à jouer sur la promiscuité de la réalité et de la fiction, sur la capacité de la fiction à convoquer le réel, sur son pouvoir de le transformer.

L’assimilation romanesque du fait divers

C’est ce pouvoir de transformation que les procédures d’assimilation du fait divers par la fiction romanesque permettent de bien comprendre. Le terme d’assimilation est pris ici, par analogie à ses significations biologiques ou géologiques, au sens d’incorporation. Le fait divers assimilé n’est pas simplement inséré dans le roman comme un corps étranger à celui-ci et ne relève pas davantage de l’allusion ponctuelle. Il en fait partie intégrante. Ce travail d’assimilation peut se mesurer principalement à partir de quatre critères :

Les troisième et quatrième parties des Avantures de Floride déjà évoquées un peu plus haut offrent un exemple remarquable d’assimilation du fait divers. Verville y conte les tribulations de la bergère Mauricette, qui repousse les avances de son noble ravisseur, Émerand, et qui, au comble de l’exaspération, finit par le poignarder quand celui-ci fait courir le bruit qu’elle a naguère cédé à ses avances. Pour les lecteurs contemporains de Verville le personnage de Mauricette devait inévitablement évoquer le cas bien réel de Mademoiselle du Luc. Celle-ci, nous le savons, pour les mêmes motifs et dans les mêmes circonstances avait vengé son honneur en tuant un gendarme de la garnison de Marmande. Mais Verville ne se contente pas de recueillir et de transposer l’événement dans son roman. Il lui imagine une suite et un dénouement bien différents de ceux que connaissaient ses contemporains. La demoiselle du Luc avait d’abord été condamnée à mort pour son meurtre, mais elle avait fait appel devant le Parlement de Bordeaux. Celui-ci avait d’abord commué sa peine en réclusion dans un couvent avant de renoncer à cet arrêt. Mauricette, rebaptisée l’Infante déterminée après son coup d’éclat, connaît un tout autre destin. Elle est également confrontée à la Justice, il est vrai, et elle se retire un temps en un lieu pouvant évoquer de loin un couvent, chez « les Sages Azemites », « Dames honnestes » vivant « ensemble avec tant de vérité et perfection, que jamais la lumière que leur saincteté allume ne s’esteindra ».45 Elle y prend le nouveau nom d’Isabelle, apprend à « s’adoucir »,46 mais sans renoncer pour autant aux plaisirs d’une vie mondaine. Comme « l’amour fréquent[e] en ceste sainte trouppe »,47  elle est bientôt courtisée par Armédon, un riche gentilhomme dont elle devient bientôt l’épouse. Mais elle est confrontée à nouveau à de nombreuses tribulations qui l’éloignent de son mari et lui attirent l’hostilité de Clovis. Ce prince, ulcéré d’avoir été éconduit par une simple bergère, la fait enlever, puis enfermer dans une tombe. Mais un des amis de la victime a surpris la scène. Il alerte le procureur du roi et justice est bientôt faite. Clovis, honteux, demande pardon à la jeune femme avant de décéder peu après des suites d’une violente « fièvre chaude ».

Les transformations que le romancier impose au fait divers lui permettent explicitement de récrire l’affaire de la demoiselle du Luc pour la conduire au-delà de la logique punitive et morale d’un canard ou d’une histoire tragique. Sylvianne Bokdam à qui on doit un bel article sur le personnage imaginé par Verville note que dans ses aventures « l’événement prodigieux [le meurtre] est le point de départ, non d’un itinéraire d’expiation et de purification, mais de réintégration et de réadaptation »48 servant la promotion de l’honneur féminin. Il est manifeste, de ce point de vue, que les démêlés totalement inventés de l’Infante déterminée et du prince Clovis rejouent sur un mode légitime et glorieux sa confrontation violente avec Émerand. Clovis, à la différence de celui-ci, se retrouve au banc des accusés où il reconnaît publiquement son erreur et fait amende honorable. On cerne là au plus près l’une des fonctions du roman dans son exploitation du fait divers. Comme l’histoire tragique il peut tirer habilement parti de son potentiel dramatique et spectaculaire, mais à la différence de celle-ci, il avance parfois sur un nouveau terrain idéologique et propose de vraies alternatives aux injonctions normatives et aux messages moraux habituellement accolés aux récits de crime et aux histoires prodigieuses. Ainsi, dans quelques cas, les plus intéressants, romancer ne revient pas exactement à trahir ou à mentir, mais à engager l’histoire dans des voies inédites. Le fait est d’autant plus intéressant qu’il manifeste le rôle actif de la littérature dans l’évolution de la société et des mentalités ; car celle-ci, les écrivains les plus inventifs nous le rappellent, est aussi le produit des changements de points de vue et des choix herméneutiques agissant sur notre représentation de la réalité.

De la propagande à l’utopie

Pour mieux juger de ces interprétations nouvelles, il convient enfin de faire le point sur leur contenu idéologique. Par souci de clarté, on distinguera ici entre trois cas de figure qui, du moins, ont le mérite de nous permettre de mieux comprendre quelles différences profondes peuvent séparer les différentes versions du fait divers.

Le canard, on l’a vu, propose la plus archaïque et la plus sommaire d’entre elles. Les récits de crime et les prodiges servent pour ses auteurs à illustrer les valeurs et les contraintes d’une société encore dominée par une vision du monde théocentriste où la Justice des hommes reçoit toujours l’appui efficace de la Providence pour châtier les coupables et où, dans le cas des histoires prodigieuses, les catastrophes naturelles et la monstruosité sont les reflets d’un désordre moral. Sa nette orientation édifiante et moralisante permet de comprendre le canard comme une forme de littérature de propagande, assez proche dans son fonctionnement de l’exemplum associant la monstration à la démonstration et dégageant de l’histoire un sens univoque et des règles d’action.

L’histoire tragique qui, le plus souvent, offre du fait divers une forme augmentée et, pour ainsi dire, en voie de transformation romanesque, obéit à un régime sémantique bien plus complexe. De nombreux travaux ont souligné sa profonde ambiguïté. Ainsi Sergio Poli dans son essai Storia di storie y observait entre autres faits l’autonomisation du récit s’émancipant de son cadre moral et gagnant en ampleur ou encore l’étroite fusion de l’horreur tragique et du langage galant. Nous avons nous-mêmes souligné à quel point nombre de ces histoires se rapprochaient de la logique du roman sentimental. Thierry Pech dans un article ancien insistait pour sa part sur l’importance du pathos et de la compassion dans leur représentation de l’altérité criminelle.49 Ces différentes approches convergent vers la mise en évidence d’un « contre-discours » qui, comme l’affirme Anne de Vaucher Gravili, se développe sous « le discours de persuasion »50 comme pour miner sa validité. Dans l’exemple que nous avons donné plus haut d’une histoire de Rosset, « De la constante et désespérée résolution d’un gentilhomme et d’une damoiselle » nous avons vu ainsi que le discours d’autorité condamnant Valéran et son amante Amarille était comme brouillé par l’héroïsation de leur acte de rébellion contre l’autorité royale.

Dans leur traitement du fait divers certains romans vont plus loin que le discours exemplaire ou le discours ambivalent représentés respectivement par les canards et les histoires tragiques. Ce sont les œuvres de quelques rares écrivains que leurs destinées ont conduits à un moment ou à un autre à remettre leurs convictions en question et à se distancier du consensus idéologique. Nous avons cité trois d’entre eux dans le cadre restreint de cette étude : Verville, auteur des Avantures de Floride, est un ancien protestant passé au catholicisme, mais aussi un écrivain passionné de philosophie et de sciences que ses recherches intellectuelles ont peut-être conduit vers le scepticisme et le libertinage érudit. Claireville a suivi un parcours similaire conduisant du calvinisme vers l’Église romaine et peut-être encore vers le libertinage. Cyrano de Bergerac, évoquant discrètement l’affaire Vanini dans Les États et Empires du Soleil, est connu pour sa philosophie matérialiste. Ces trois auteurs, nous l’avons entrevu au cours de nos analyses, investissent le fait divers de valeurs nouvelles nettement revendiquées. On ne saurait dire à cet égard qu’ils pratiquent simplement un « contre-discours », mieux vaudrait parler d’un discours offensif exprimé de manière explicite : chez Verville la violence de la belle du Luc s’explique par son humiliation et doit conduire le lecteur à réfléchir sur la condition féminine et sur les relations entre les deux sexes ; chez Claireville, la possession supposée de Segna est l’objet d’une démystification rationnelle : la démoniaque reconsidérée d’un point de vue médical se transforme chez lui en une malade mentale exigeant d’être soignée et non maltraitée ; Cyrano de Bergerac voit dans la persécution de Vanini l’occasion d’instruire un procès contre l’intolérance et la superstition de son temps. Ces prises de position polémiques remplissent essentiellement une fonction critique dans nos trois exemples : elles invitent le lecteur à revenir sur ses préjugés et à en contester le bien fondé. Mais elles jouent aussi, si on les envisage dans leur dimension positive, un rôle véritablement séminal, celui de l’utopie, telle que la conçoit Paul Ricœur dans un de ses derniers essais51 : l’utopie propre à une fiction attentive au réel, à la différence de la pure affabulation se perdant dans un imaginaire chimérique, vise à ébranler l’ordre du monde tel qu’il est établi dans les fables officielles pour proposer aux sociétés de nouveaux horizons d’attente. À cet égard le fait divers mis en crise et récrit sur le mode utopique – ainsi Verville dans son roman réinvente le destin de la belle du Luc – ouvre la voie de la modernité.

Pour conclure ces quelques aperçus il est urgent de les nuancer, pour atténuer l’impression que le devenir des sociétés dépend de la seule originalité de quelques romanciers aussi critiques qu’inventifs. Sans nier l’importance des initiatives individuelles et de la créativité dans l’évolution des imaginaires sociaux, il est nécessaire de relativiser leur rôle et de se défier de la tentation romantique de confier le destin de l’humanité aux Lumières de quelques génies faisant surgir le futur de leurs seuls dons visionnaires. Les choses évidemment se présentent autrement, dans les liens d’interaction unissant les écrivains au monde social. Ainsi l’effritement de l’idéologie nourrissant les canards fut sans doute en grande partie lié au recyclage du fait divers dans de nouveaux genres de fictions : les histoires tragiques, les romans, s’adressant surtout à un public mondain possédant une sensibilité, des codes, un système de valeurs distincts de ceux des lecteurs visés par le clerc servant une « pastorale de la peur » par la production d’une littérature moralisante. C’est dire que l’auteur de fiction qui récrit le fait divers travaille aussi en ayant présent à l’esprit un public qui n’attend pas de lui – en tout cas pas seulement – qu’il lui fasse la leçon. Le féminisme particulier de Verville, l’exaltation des qualités héroïques de certains criminels chez Rosset, le sentimentalisme dans lequel baignent de nombreuses histoires tragiques de la fin du XVIe et du début du XVIIe siècle coïncident en gros avec les attentes de la noblesse ou d’un lectorat se modelant sur ses habitudes culturelles. Mais le roman porte aussi des valeurs plus diffuses dans la société française de son époque, des valeurs qui ne sont pas le bien privilégié d’une aristocratie dominante : ainsi le nouveau regard que Verville, Claireville ou Cyrano posent sur le fait divers est indissociable du puissant courant de sécularisation et de laïcisation de la culture morale et judiciaire qui traverse tout le début des temps modernes et conduit à détacher la Justice des hommes de celle de Dieu, à penser le monde des hommes avec des repères mentaux distincts de ceux du théologien. La rationalité et le rationalisme ont leur partie à jouer dans cette évolution. Viendra le temps, après les diableries de Loudun dénoncées par Claireville, où l’ordonnance de Colbert transformera la sorcellerie en délit d’escroquerie (1682). Enfin impossible de comprendre l’éclairage critique porté sur le fait divers par certains romanciers sans tenir compte de la montée en puissance d’une nouvelle sensibilité individualiste que Philippe Ariès dépeignait autrefois à travers un certain nombre d’indices (la valorisation de l’amitié, de la solitude ou de l’intimité…) comme un processus de « privatisation des mœurs ». La lecture, particulièrement la lecture des romans appelant parfois la sécession rêveuse de l’individu à l’écart du groupe social nous entraîne aussi de ce côté-là.


Note

↑ 1 Gilles Feyel, La Presse en France des origines à 1944, Paris, Ellipses, 1999. Cité par Marie-Ève Thérenty, La littérature au quotidien, Paris, éd. du Seuil, 2007, p. 273.

↑ 2 De la gazette à la presse : exposition virtuelle de la BnF

↑ 3 Ibid.

↑ 4 « Structure du fait divers » in Essais critiques, Paris, Seuil, coll. « Points/Essais » [1964] 1981, p. 194-204.

↑ 5 Canards sanglants, Paris, Fayard, 1993, p. 9.

↑ 6 Voir Jean-Pierre Seguin, L’Information en France avant le périodique, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964, p. 7, n. 2.

↑ 7 Dictionnaire historique de la langue française. Paris, Dictionnaires le Robert, 1998.

↑ 8 « Ils ne valaient guère plus d’un ou deux sols », M. Lever, op. cit., p. 16.

↑ 9 Ibid., p. 16.

↑ 10 Voir particulièrement l’introduction au tome 3 de l’Histoire de la vie privée. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Seuil, 1986.

↑ 11 Op. cit., p. 15.

↑ 12 Op. cit., p. 86.

↑ 13 Définition donnée par D. Boutet, in Lexique des termes littéraires, sous la dir. de M. Jarrety, Le Livre de Poche, 2001, p. 175.

↑ 14 Voir L’information en France avant le périodique, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964.

↑ 15 Admiranda historia de Pseudo Martino Tholosae Damnato Idib. Septemb. Anno Domini MDLX. Lyon, Jean I de Tournes, 1561.

↑ 16 Les Jours caniculaires, trad. A. de L’Orme, puis par Fr. de Rosset, Paris, Robert Fouët, 1609-1612.

↑ 17 Les Vengeances divines, Paris, Jamet Mettayer, 1595.

↑ 18 De la Connoissance des bons livres, éd. Lucia Moretti Cenerini, Rome, Bulozoni, 1974, p. 133.

↑ 19 Discours de la perfidie d’amour, Lyon, Pierre le Phenix, 1594, p.  160.

↑ 20 Frontispice in Seconde Partie des Avantures de Floride, Rouen, Raphaël du Petit Val, 1601, f. 5.

↑ 21 Le Supplice d’un frère et d’une sœur décapités en Grève pour adultère et inceste, Paris, Philippe du Pré, 1604.

↑ 22 Histoires tragiques, éd. A. de Vaucher Gravili, p. 207.

↑ 23 A. Viala, Dictionnaire du littéraire, Paris, PuF, 2002.

↑ 24 Marielle Macé, Le genre littéraire, Paris, GF-Flammarion, « Corpus », 2004, p. 243.

↑ 25 Études sur le XVIe siècle, Paris, Albin Michel, 1967, p. 259.

↑ 26 Titre d’un recueil d’histoires tragiques de Jean-Pierre Camus.

↑ 27 Histoires mémorables et tragiques, éd. A. de Vaucher Gravili, Paris, Librairie générale française, 1994, p. 222-233.

↑ 28 Détail donné par A. de Vaucher Gravili dans son édition des Histoires tragiques de Rosset, p. 222.

↑ 29 Ibid., p. 225.

↑ 30 Ibid., p. 232.

↑ 31 Le Gascon Extravagant, p. 221-222.

↑ 32 Les États et Empires de la Lune et du Soleil, éd. M. Alcover, Paris, Champion, 2004, p. 168.

↑ 33 Ibid.

↑ 34 Ibid., p. 170

↑ 35 Histoire prodigieuse d’un gentilhomme auquel le Diable s’est apparu, & avec lequel il a conversé, soubs le corps d’une femme morte. advenue à Paris le premier de Janvier 1613. Paris, François du Carroy, 1613.

↑ 36 Op. cit., éd. A. de Vaucher Gravili, p. 250 sq.

↑ 37 L’Histoire prodigieuse comprend environ 7500 signes, sa version remaniée par Rosset, environ 15 000.

↑ 38 Op. cit., p. 259.

↑ 39 Ibid., p. 260.

↑ 40 Jean Pierre Camus, Trente nouvelles, éd. R. Favret, Paris, Vrin, 1977, p. 55-56.

↑ 41 De haut rang.

↑ 42 Op. cit., p. 123.

↑ 43 Mémoires de la vie de Henriette Sylvie de Molière, éd. Cl. Barbin, 1702, Tours, Éditions de l’Université François Rabelais, 1977, p. 167.

↑ 44 Ibid., p. 269.

↑ 45 Quatriesme Partie des Avantures de Floride, qui est l’Infante déterminée, Rouen, Raphaël du Petit Val, 1601, p. 3.

↑ 46 Ibid., p. 17.

↑ 47 Ibid., p. 18.

↑ 48 « Du fait divers au personnage romanesque : L’histoire de Mademoiselle du Luc et l’Infante déterminée des Avantures de Floride de Béroalde de Verville », dans Devis d’Amitié Mélanges en l’honneur de Nicole Cazauran, Paris, Champion, 2002, p. 325.

↑ 49 « ’’Enfants de la mort’’. L’altérité criminelle dans les histoires tragiques du premier XVIIe siècle », in L’autre au XVIIe siècle : Actes du 4e colloque du Centre international de rencontres sur le XVIIe siècle. Éd. Ralph Heyndels, Barbara R. Woshinsky. Biblio 17 – 111. Günter Narr Verlag, Tübingen, 1995, p. 95-106.

↑ 50 Anne de Vaucher Gravili, Loi et transgression. Les histoires tragiques au XVIIe siècle. Lecce, Milella, 1982.

↑ 51 L’idéologie et l’utopie, Paris, Éditions du Seuil, 1997.

 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN 1824-7482