Le roman au prisme du western : « Ghost Town » de Robert Coover.
Indice
1. La subversion du personnel romanesque et filmique
2. Images cinématographiques et effets de brouillage
Abstract
Francese | Inglese« Ghost Town » de Robert Coover (1998) se situe au carrefour de la littérature et du cinéma de genre. Dans ce western littéraire, la pratique intersémiotique donne lieu à une double subversion : les conventions du western sont tournées en dérision, et les lois du genre romanesque sont transgressées, dans un même geste iconoclaste. Les personnages de « Ghost Town » sont mis à mal par un détournement des stéréotypes westerniens, le télescopage des images filmiques et romanesques brouille les repères spatio-temporels, les scènes d’anthologie du western sont l’objet d’un traitement ironique et parodique. Tout en soulignant la perte du sens dans un monde dévasté, le recyclage des codes a une dimension ludique : le jeu intersémiotique permet au roman contemporain de se renouveler.
Le roman contemporain est traversé par le cinéma, immense réservoir d’images et de matrices fictionnelles. Comme le souligne Gérard Genette, « Chacun sait que la naissance du cinéma a modifié le statut de la littérature : en lui volant certaines de ses fonctions, mais aussi en lui prêtant certains de ses propres moyens » (GENETTE 1966 : 169). L’objet de cette étude est d’envisager la relation plus particulière entre roman et film de genre, avec Ghost Town de Robert Coover, paru en 1968.
L’œuvre de Coover en effet interroge la place de la littérature dans un univers social dominé par les arts du spectacle, et notamment par le cinéma, qui y tient une place centrale. Selon Jean-François Chassay, Coover « […] questionne les fondements mêmes de la fiction littéraire […] en la confrontant aux formes du discours cinématographique » (CHASSAY 1996 : 9). Ainsi le recueil A Night at the Movies, or You Must Remember This (1987) met-il en scène une séance de cinéma à l'ancienne, en passant les genres cinématographiques en revue, cartoon, scary movie, western, comédie romantique, et en proposant au lecteur – que le dispositif narratif transforme en spectateur de cinéma – des versions subverties des classiques hollywoodiens. Cette entreprise de recyclage ironique se poursuit dans un travail qui vise les genres cinématographiques populaires du western, avec Ghost Town, puis du film noir, avec Noir (2008).
Ghost Town est donc la deuxième incursion de Robert Coover dans le genre du western, après « Shootout at Gentry’s Junction », remake grinçant et carnavalisé du film Le Train sifflera trois fois (1952) inséré dans le programme cinématographique de A Night at the Movies. Western littéraire, Ghost Town retrace les aventures d’un cowboy épuisé qui marche dans le désert américain, en quête d’une ville fantôme qui se dérobe mystérieusement sous ses pas. Le roman s’empare des « mythologies » du western, pour reprendre les termes de Raymond Bellour : « […] décors, personnages, animaux, objets, actes et thématiques singulières qui organisent le décor quotidien et rituel du western » (BELLOUR 1993 : 89). Les personnages renvoient à des rôles déjà connus du lecteur (shérif, banquier, femme fatale), les lieux sont stéréotypés (saloon, banque, prison, désert), l’action romanesque enfin consiste en une collection de scènes topiques (hold-up, duel, évasion). Mais Coover revisite ces conventions génériques : le cow-boy est ballotté entre plusieurs rôles qu’il joue sans conviction, ses rencontres fortuites avec des personnages carnavalisés donnent lieu à de truculents micro-récits. Le recyclage parodique des codes du western va de pair avec la transgression des lois romanesques : la dimension métafictionnelle de l’œuvre, soulignée par la présence constante, en sous-main, de références cinématographiques, déréalise l’univers romanesque et met à mal l’illusion référentielle1.
Il s’agira d’envisager la réappropriation romanesque des codes du western : pour reprendre le titre de l’ouvrage de Federica Ivaldi, que se passe-t-il « quando la letteratura imita il cinema » (IVALDI 2011) ? La notion genetienne d’effet rebound mise en avant par l’auteur nous semble éclairante : comme l’écrit Gérard Genette, « à la différence du cinéaste, le romancier n'est pas obligé de mettre sa caméra quelque part : il n'a pas de caméra ». Mais, comme s’il se ravisait, il ajoute en note : « il est vrai qu'il peut aujourd'hui, "effet rebound" d'un médium sur l'autre, feindre d'en avoir une » (GENETTE 1983 : 49). Cet « effet rebond » ou « ricochet », consubstantiel à l’esthétique de Coover, est aussi caractéristique de l’histoire du western, faite d’allers et retours entre littérature et cinéma. Le western a d’abord des origines littéraires : il naît dans les années 1820 aux États-Unis, avec les livres pionniers de James Fenimore Cooper, avant d’être mythifié par l’industrie hollywoodienne. Or, ce sont ces versions cinématographiques qui marquent le plus notre imaginaire, comme le remarque la critique et romancière Christine Montalbetti :
Les westerns cinématographiques se fondent souvent sur un premier récit, roman ou nouvelle. Mais ce qui est véritablement resté du western, dans nos imaginaires, ce ne sont pas ces récits [...] mais la version de ces fables dans leur support cinématographique. C’est en ce sens que le western est, ou est devenu, dans la perception que nous en avons, un genre purement cinématographique. (MONTALBETTI 2007 : 84)2
Coover suppose un lecteur averti, doté d’une culture cinématographique minimale, qui connaît et reconnaît les conventions du genre du western quand elles sont pour ainsi dire mises en roman. Force est de constater que le regard du lecteur contemporain est pré-occupé par le cinéma, voire saturé d’images filmiques. Angela Carter met d’ailleurs en évidence l’influence capitale des films hollywoodiens sur notre imaginaire, : comme elle l’écrit à propos du recueil de Coover A Night at the Movies : « A critique of the Hollywood movie is a critique of the imagination of the twentieth century in the West » (CARTER 1997 : 382).3
Dans Ghost Town, la relation intersémiotique entre roman et western aboutit à une double subversion des codes romanesques et westerniens. L’intersémioticité peut être définie comme « une interaction entre systèmes de signes », à la lumière des travaux d’Ablali et de Ducard (ABLALI, DUCARD 2009 : 215). Nous nous attacherons à cerner les modalités d’une telle « interaction » chez Coover, qui, comme le note Jean-François Chassay, « […] ne se contente pas de calquer, comme plusieurs le font, le langage de l’image, profitant de sa séduction ; […] il tente plutôt d’envisager les virtualités qu’offrent aujourd’hui les formes du monde proposées par l’image médiatique et la technologie, pour l’écriture » (CHASSAY 1996 : 9). Chez Coover, l’intégration du code cinématographique renouvelle en profondeur le genre romanesque. Le western, mythologie hollywoodienne par excellence, est l’objet d’un traitement iconoclaste qui subvertit, par ricochet, les ingrédients romanesques : les personnages sont mis à mal par le jeu avec stéréotypes westerniens, le cadre spatio-temporel est déréalisé, l’action enfin consiste en une suite arbitraire de scènes d’anthologie de western, parodiées et carnavalisées.
1. La subversion du personnel romanesque et filmique
L’écriture romanesque est travaillée par un jeu intersémiotique omniprésent. En effet, la reconnaissance du genre du western est assurée par la récurrence de personnages, de décors et de situations narratives stéréotypés qui configurent l’univers romanesque. Nous définirons le stéréotype dans la lignée des travaux de Ruth Amossy, comme
[…] un schème collectif figé, un modèle culturel ou une représentation simplifiée propre à un groupe. […] Quand ils apparaissent dans le discours, c’est au destinataire de les reconstruire en les rapportant aux modèles culturels dont il est imprégné. Les stéréotypes sont en effet des « picture in our heads » (Lippmann), des images toutes faites qui circulent dans une société donnée et médiatisent notre rapport au réel. (AMOSSY 1991 : 24)
La définition du stéréotype comme une image mentale (« picture in our heads ») pourrait précisément désigner ces clichés issus d’images filmiques, qui investissent la mémoire et l’imaginaire du lecteur, et prédéfinissent son rapport au réel, au texte. Ainsi la galerie des personnages de Ghost Town donne-t-elle une impression de déjà-vu, à commencer par le personnage principal du cow-boy solitaire :
On a coal-black horse now rides a lone figure all outfitted in black with silver spurs and six-shooters and a gold ring in one hear. It is he. A man on a mission. […] From under the broad brim of his slouch hat he warily watches, feeling watched, the windows and rooftops, the corners of things. Expecting trouble. (116)
Toutefois, ce portrait topique sera démenti par d’autres représentations d’un cow-boy exténué, vêtu de haillons : « […] shredded vest and old gray shirt, chaps and denim, and the foul blighted rags that were once a suit of underwear, seeing in the glass beneath the shadowing hat the scrawny ulcerated thing he is, scabbed and scarred, in general a most unwholesome sight » (19). Son état se dégrade à mesure que la narration progresse : son corps est malmené au gré des péripéties : « His shoulders sag and he realizes now how tired he is, a tiredness got not only from his physical exertions but also from all the hard thinking he’s been doing » (146). Sous la plume de Coover, le cow-boy fait figure d’anti-héros, dans la lignée des personnages de Beckett – qui a une influence capitale sur l’œuvre de Coover – et aux antipodes du héros conventionnel de western, figé dans une jeunesse éternelle, qui échappe au temps et à la mort, « […] jeune dieu à cheval, vivant de l’air du temps, se jouant des obstacles, [qui] accomplit avec légèreté et grâce une mission de haute justice », selon François Lacassin (LACASSIN 1962 : 7). L’étalon noir du cow-boy subit la même dégradation : il se métamorphose en une vieille rosse : « an old swayback mule », « decrepit old thing » (19). Dans Ghost Town, Coover prend les conventions du western à rebours : le portrait précédemment cité (« a man on a mission ») est un leurre : la quête du cow-boy est vaine, et son emploi de cow-boy est subverti quand un rôle de shérif lui est imposé : « […] he sees he doesn’t have much choice. There’s a badge pinned on his fringed shirt: a bentipped star pierced by a bullet hole and black with blood » (33). Cow-boy et shérif correspondant à deux types de héros westerniens symboliquement opposés, comme le montre Bernard Dort :
[…] le héros proprement dit (qui est parfois un cow-boy, parfois un aventurier, souvent les deux) et le marshall (baptisé en franglais le « sheriff »). La plupart du temps ils s’opposent et se combattent. C’est qu’ils incarnent des ordres différents : l’un, l’ordre ancien de la piste et de l’anabase des troupeaux ; l’autre, l’ordre nouveau des fermiers et des clôtures. (DORT 1993 : 65)
La confusion des rôles cinématographiques est iconoclaste : comme le souligne Brian Evenson à propos du personnage du cow-boy, « It is as if something has gone wrong, as if he had stepped into the wrong role or the wrong series of roles in a movie. He has become the law, the authority, when he feels that he is more naturally outside the law » (EVENSON 2003 : 241). Le brouillage des deux figures féminines du roman s’inscrit dans cette subversion des rôles topiques : le cow-boy est en effet tiraillé entre deux femmes, Belle, l’entraîneuse de saloon, rousse sensuelle à la longue chevelure, femme dangereuse, toujours armée, dont le prénom fait signe vers le cinéma4 – songeons à Belle Watling dans Autant en emporte le vent – , et la chaste institutrice, toujours vêtue de noir, coiffée d’un strict chignon, qui châtie sévèrement ceux qui commettent des fautes de langue. À première vue, l’action romanesque repose sur un traditionnel triangle amoureux : A aime B qui aime C, qui ne l’aime pas – Belle cherche à séduire le cow-boy, qui est amoureux de l’institutrice, qui reste indifférente. Cette situation topique est un piège dans lequel tombe le cow-boy, le coup de théâtre final lui révèle que Belle et l’institutrice ne sont qu’un seul et même personnage : « […] he has beheld the strands of orange curls peeking out beneath the unsettled bun » (137). Boucles orange, chignon défait : les attributs des deux personnages féminins se mélangent, les métonymies suggèrent le brouillage des identités. À peine esquissé, le happy end – le héros libère sa belle et l’épouse – est refusé au cow-boy, comme au lecteur.
Dans un monde en perte de sens, la subversion des stéréotypes prive le personnage principal de son destin, et l’action romanesque, de toute motivation. Dès l’incipit, l’univers romanesque apparaît comme un territoire dévasté : le cow-boy erre dans un monde vide, représenté métaphoriquement par un désert : « This is a land of sand, dry rocks, and dead things. Buzzard country. And he is migrating through it. Because: it is where he is now, and out here there’s nothing to stop for, no turning back either, nothing back there to turn to » (3). Cette évocation d’un pays désolé, dans la veine de Beckett, insiste sur la vacuité : le rien (« nothing ») gouverne l’action. L’intrigue est une suite arbitraire de micro-récits qui reposent sur les différents rôles westerniens joués par le cow-boy le temps d’un chapitre, selon les caprices de l’auteur-réalisateur : il sera tour à tour shérif, hors-la-loi, éleveur de moutons, car les vingt dollars empochés au cours d’une partie de Keno lui permettent de s’offrir un ranch – le jeu de hasard met en abyme l’arbitraire du roman. Par ailleurs, le cow-boy est dépourvu des attributs traditionnels du personnage de roman : il n’a ni épaisseur psychologique, ni cohérence, ni mémoire, ce qui en fait une figure paradoxale, au carrefour de l’anti-héros et de l’acteur. Tout se passe comme si Coover prenait l’exact contre-pied des « normes quasi inviolables » du réalisme psychologique évoquées par Milan Kundera dans L’Art du Roman : « 2. Il faut faire connaître le passé d’un personnage, car c’est là que se trouvent toutes les motivations de son comportement présent » (KUNDERA 1986 : 51). Le cow-boy cooverien semble frappé d’amnésie, et la narration propose plusieurs explications à son errance dans un désert hostile :
How did he come to such a place? Perhaps he lost his way, or was sent by the army, or was chased by lawmen, or went in purposeful search of some secret treasure of his own self-knowledge, or perhaps he was captured and dragged to the alien land, stripped, bound, spread-eagled on the desert floor to be tortured and killed, only to be rescued at the last moment by the great chief’s only daughter. (21)
Le principe de la vraisemblance romanesque est transgressé : d’après Gérard Genette en effet, « […] le possible de chaque instant est soumis à un certain nombre de restrictions combinatoires » (GENETTE 1969 : 93). Ici, le récit n’est soumis à aucune restriction et tout semble possible : pour reprendre la terminologie genettienne, nous sommes aux prises avec un « récit arbitraire » ou « non motivé » (GENETTE 1969 : 98).5 Le récit est conduit sur le mode spéculatif : l’anaphore de « perhaps » introduit une multitude de scénarios possibles, où chaque proposition fait écho à un film : le dernier scénario évoque par exemple les figures d’Indiennes qui traversent des westerns tels La Fille du désert de Raoul Walsh (1949), Au-delà du Missouri (1951) de William A. Wellman, ou encore La Captive aux Yeux Clairs (1952) de Howard Hawks. Le foisonnement des possibles filmiques renouvelle le motif des possibles narratifs, caractéristique de l’anti-roman selon Diderot, Sterne, Fielding, Cervantès, dont Coover revendique l’influence.6 Cette tradition littéraire se voit revisitée, à la lumière du cinéma.
2. Images cinématographiques et effets de brouillage
Dans Ghost Town, le jeu avec les images cinématographiques entraîne une instabilité de la référence : la fausse ressemblance du roman avec ses modèles filmiques vient brouiller les pistes du récit. Pour commencer, les personnages secondaires sont des figures instables : leurs caractéristiques physiques, leurs vêtements et accessoires semblent distribués au hasard et circulent d’un personnage à l’autre, interdisant toute identification. Nous pouvons observer ces variations sur le personnage du mestizo, qui croise la route du cow-boy à plusieurs reprises. Il apparaît pour la première fois dans la scène du feu de camp : « a one-eyed mestizo in a rag blanket » (7). Mais le personnage se métamorphose au fil du récit : on trouve plus loin « a one-eared mestizo with a crushed bowler and an eyepatch » (58). Le mestizo perd une oreille, et se voit pourvu d’accessoires qui circulent entre les personnages : bandeau à l’œil, chapeau melon, moustache en guidon de vélo. Qui plus est, le pianiste du saloon s’avère être également « an earless pipe-smoking mestizo in white pajamas » (75), ce qui vient brouiller la reconnaissance des personnages. À mesure que la narration progresse, le portrait du personnage secondaire s’emballe et se dérègle, avec cette dernière version du mestizo proposée par Coover : « the one-eared mestizo, now wearing a bear claw in his nose and an erect feather in a headband, hovers nearby with his pants gaped open his overhanging belly » (125). La description se construit, ou plutôt, se déconstruit dans un jeu de variations, de répétitions et de différences qui découragent la représentation. L’article indéfini « a » est d’ailleurs le plus souvent employé, là où l’on attendrait l’article défini « the ». Tout se passe comme si les seconds rôles du roman étaient joués par de mauvais acteurs qui auraient échangé leurs accessoires. L’instabilité de la référence et de la représentation a des incidences sur l’expérience de lecture : comme le remarque Stéphane Vanderhaeghe :
Toujours les mêmes, ces personnages sont pourtant toujours différents, n’ayant d’existence qu’au moment de la lecture ; le lecteur est contraint de les singulariser sans jamais pouvoir les identifier, et la multiplicité des lectures n’y change rien. Face à un texte comme celui-ci, le lecteur ne peut vraisemblablement prétendre au rôle de critique si on le définit comme une prise de recul, de distance ou de hauteur par rapport au texte. (VANDERHAEGHE 2006 : 89)
Coover semble nous inviter à redéfinir le rôle du lecteur : la prise de recul nécessaire à l’interprétation de l’œuvre, à la construction du sens sont refusées car l’instabilité référentielle instaure une « forme d’immédiateté à la lecture » (VANDERHAEGHE 2006 : 88) : « chaque relecture constitue ainsi littéralement une première lecture ; le lecteur n’atteint jamais le grade de critique » (VANDERHAEGHE 2006 : 89). Le brouillage de la représentation et l’instabilité de la référence s’inscrivent dans une réflexion plus large sur notre relation à l’image – mentale et cinématographique – au cours de l’expérience de lecture.
Le jeu intersémiotique a en effet des incidences sur le cadre spatio-temporel du récit : tout se passe comme si Coover refusait l’illusion romanesque au lecteur. Aussi évoque-t-il à mainte reprise le caractère artificiel du décor romanesque, à commencer par la ville-fantôme éponyme, surgie du désert : « […] empty and silent, made of the desert itself with a few ramshackle false-fronted frame structures lined up to conjure a street out of the desolation » (6). Le cow-boy finit par atteindre la ville, et le mirage se dissipe : « It is high noon, and the main street of the vaporous town which has been so long eluding him now rolls up under his mustang’s plodding hoofs as though in abrupt repair of some mechanical disorder » (11). Contre toute attente, Coover propose une explication réaliste au lecteur : l’illusion optique dont le cow-boy est victime résulte d’un problème mécanique dans la machinerie du décor. L’espace du roman est présenté comme un décor de western escamotable pour les besoins du tournage : le glissement métaleptique de l’univers romanesque à celui d’un plateau de cinéma vient jeter le trouble sur la narration. Ainsi, lors d’une scène de fusillade :
Then the buildings shift about like wagers on a faro table, the bank moving over to where the saloon was, the saloon replacing the church now sliding into the center next to the stables, the claims office and the jailhouse changing places either side of the general store, and so on, until the entire town layout has been reset. (114)
Tout se passe comme si le lecteur assistait au tournage du film du roman et à ses changements de décor, ici improbables – on connaît l’attrait de Coover pour le réalisme magique. Cette ville dont le plan est redessiné évoque également une maquette de ville de Far-west. D’autre part, la description des lieux et des objets romanesques intègre un réseau métaphorique associé au septième art (projection, toile, écran), qui déréalise la narration. Une allusion au procédé technique de projection de la lanterne magique renouvelle le topos westernien du soleil écrasant :
[…] out here it seems always to be either dark and starcast or else the sun is directly overhead, beating down on him as though fingering him for some forgotten crime, just one condition or its contrary like the two pictures on a magic lantern slide, flickering back and forth, as he opens and closes and opens his eyes (5).
L’allusion est à la fois littéraire – l’incipit de Du côté de chez Swann – et filmique : elle renvoie le lecteur aux toutes premières projections, et aux spectacles de fantasmagories de Robertson. Ailleurs, un écran se loge dans le décor du western : « […] the chuckwagon [is] a vague glimmerous shape against the black sky like a screen hiding something » (59). Le dérèglement de la temporalité romanesque fait également signe vers le cinéma. Comme l’écrit Jean-François Chassay, « […] l’univers délirant de Coover repose souvent sur une étonnante contraction de l’espace-temps. Il ne faut pas s’étonner, dans ce contexte, qu’il se soit senti fasciné par le cinéma » (CHASSAY 1996 : 96). Dans Ghost Town, en effet, les événements se succèdent, les situations narratives se télescopent, laissant le lecteur face à un surgissement d’images. L’absence de transition entre deux chapitres projette le cow-boy d’un lieu à un autre, d’un temps à un autre : à la fin d’un chapitre, il est seul dans la nuit noire, en plein désert, le début du chapitre suivant le trouve au milieu de la grand-rue à midi :
[…] and all is instantly dark and the moon is gone and the white horse, too, and he is alone once more in the vast empty night.
[chapitre suivant] His deputy, who is a goateed fat man with a flattened nose, finds him there in the middle of the dusty street, still rigid and locked in his boots, at high noon. (45)
La brutale juxtaposition des images peut faire songer au montage cinématographique, et l’expression « all is instantly dark » suggère la technique du fondu au noir. Jean-François Chassay a d’ailleurs mis en évidence cette intrication des deux codes :
En proposant un télescopage de deux modes de médiation, Coover forme un véritable ruban de Möebius où il ne s'avère plus vraiment possible de départager la place du littéraire et du cinématographique. Les rituels et les mythes du cinéma sont alors déplacés par l'écriture de fiction en prose. (CHASSAY 1995 : 49)
De fait, l’allusion cinématographique va de pair avec la mise en lumière de la réflexivité de l’œuvre, ce qui semble être un trait constant de romans qui intègrent une pratique intersémiotique, comme l’explique Jean Cléder à propos de l’esthétique de Robert Coover : « […] la dimension métafictionnelle des textes m’intéresse beaucoup. La domiciliation de procédés (ou autres éléments) cinématographiques dans l’écriture (que j’ai appelée cinémato-graphie) trouble l’hypothétique pureté de la littérature » (CLÉDER 2013). Chez Coover, la référence cinématographique contribue à exhiber la littérarité du texte. La description de la ville-fantôme suggère par exemple un mouvement ascendant de caméra, dans un dédoublement de la vision interne du cow-boy, et un plan en plongée, tout en soulignant l’effet de texte :
He watches himself as though from high above as he strides down this scorched street of derelict banks and saloons, hardware, dry goods, and grocery stores, stables and brothels, laid out on the desert floor like two parallel lines drawn on a slate for the practice of handwriting, his passage the looped, crossed, and dotted text inscribed between, signifying nothing (12).
L’inscription du texte dans le paysage met en abyme l’écriture romanesque : ce jeu spéculaire qui prolonge la référence au cinéma l’inscrit dans un réseau intersémiotique complexe. La réflexion sur l’image travaille l’écriture en profondeur, mettant en péril l’illusion romanesque : les conventions du roman sont subverties, comme le souligne le traitement de l’action romanesque.
3. Le recyclage parodique des mythologies du western
Ghost Town peut être considéré comme une collection de scènes d’anthologie du western : attaque d’un train par des bandits, scène d’évasion, hold-up... Mais Coover propose des versions parodiées ou carnavalisées de ces scènes de genre, qui soulignent le caractère désormais galvaudé des mythologies westerniennes. Le discrédit jeté sur le western rejaillit sur le roman, dans un double geste iconoclaste : Coover se plaît en effet à malmener les ingrédients romanesques par excellence que sont l’amour et l’aventure, selon Northrop Frye, cette dernière étant « l’essence de la fiction » qui constitue « dans le romanesque […] l’élément essentiel du sujet » (FRYE 1969 : 227). Le traitement de la scène de hold-up est à cet égard significatif. La scène convoque des films célèbres, du Brigand Bien Aimé de Henry King et d’Irving Cummings (1939) à L’Ange des Maudits de Fritz Lang (1955), en passant par Johnny Guitar (1954). Coover reprend à son compte les éléments topiques du hold-up : le foulard qui dissimule le visage des bandits, ou la phrase rituelle « it’s a holdup » : « […] the barroom chanteuse with the orange curls and ruby-studded cheek comes in with four or five men masked in neckerchiefs and walks up to his grille at the counter. […] Actually, darlin, it’s a holdup » (38). Mais l’analogie avec les modèles filmiques tourne court, car la banque a déjà été dévalisée, comme l’explique le cow-boy : « Well, he sighs, I should oughter arrest yu, but they aint nuthin wuth stealin. The gold nuggets is already gone » (39). Le soupir du cow-boy (« he sighs ») met en abyme la lassitude du lecteur face à un genre galvaudé et à une action sans surprise. La dégradation des mythologies westerniennes se lit également dans le jeu sur le langage, avec le jeu de mots du banquier qui ricane – notons que l’inventivité verbale, qui caractérise le style de Coover, échappe à l’usure générale : « Watch out fer them gold nuggets in thet vault over thar, sheriff. […] he goes over to check the vault: no nuggets, nothing in there but rat turds and a few sick flies » (37). Par ricochet, l’épuisement des ressources de la banque désigne l’usure des traditionnels ressorts narratifs du western. La scène d’évasion est également sabordée : emprisonné, le cow-boy n’a aucune difficulté à sortir de sa cellule : « The bars, he’s discovered, are just old wooden fenceposts tarred black ; he could have punched them out » (91). Impossible, dès lors, d’adhérer à l’action, désignée comme un leurre. Ce discrédit jeté sur l’entreprise romanesque est caractéristique du roman contemporain : comme l’écrit Léo Bersani, « […] même quand des écrivains contemporains se permettent des épisodes-clé, des passages clairement privilégiés, ils semblent nous mettre au défi de les considérer comme des énoncés définitifs ou sérieux » (BERSANI 1982 : 48).
Le caractère excessif de l’écriture cooverienne participe de cette subversion. Dans la lignée de « Shootout at Gentry’s Junction » – où le scandaleux bandido mexicain, répondant au nom improbable de Don Pedo, tue le shérif après avoir semé la terreur dans la ville, violé les femmes, perverti les enfants, foulé aux pieds les valeurs morales – Ghost Town offre la vision d’un monde débauché, où Bien et Mal se confondent, contrairement à la morale manichéenne du western cinématographique. Chez Coover, les personnages chargés de faire respecter la loi et de protéger les faibles et les innocents ne remplissent pas leur fonction : l’adjoint au shérif abat froidement un petit garçon qui chaparde (37) ; les lieux de la moralité sont pervertis : à la fin du roman, l’église est transformée en tripot (121). Plus largement, l’univers cooverien est sexualisé à outrance, et le règne de la débauche déréalise l’action. On se souviendra par exemple de la scène du saloon, où les habitants de la ville fantôme obligent le malheureux cow-boy à ingurgiter des testicules de cheval, mets censé stimuler son appétit sexuel pour l’institutrice qu’il est ensuite contraint de violer, sous les yeux de l’assemblée. La description détaille l’objet : « […] on the clay platter lie a pair of large uncooked testicles, still bloody and pulsing like a hairy heart » (29). Tout se passe comme si cette exhibition bouffonne matérialisait l’un des signes représentatifs de l’univers westernien : la virilité, omniprésente dans ce monde par essence masculin, qui se voit ici tournée en dérision. Dans Ghost Town, le cow-boy se trouve d’ailleurs dénudé à mainte reprise : dans la dernière partie du roman, il est contraint de porter la vieille culotte bouffante de Belle, qui expose sa virilité aux yeux de tous : « gaping pink bloomers like an illustration » (75).7 L’entreprise de carnavalisation place au premier plan « le bas matériel et corporel », pour reprendre les termes de Mikhaïl Bakhtine (BAKHTINE 1970), et jette le discrédit sur les scènes d’action. La scène d’anthologie de la libération de l’institutrice par le cow-boy est l’objet d’un traitement parodique : l’héroïne est bâillonnée et attachée à des rails de chemin de fer, et le cow-boy, figure contemporaine du preux chevalier, libère la belle pour conquérir son amour.8 La mise en scène carnavalesque du corps en effet, entre caricature et pornographie, dégrade la scène : « He staggers to his feet, his manhood wagging cheerfully in the blazing sun, not much he can do about that, and tenderly lifts her up, just as a train comes roaring up out of the far horizon and goes thundering past » (87). Comme l’écrit Françoise Sammarcelli, « […] les versions de Coover apparaissent « scandaleuses » : les films cultes et les acteurs vedettes sont désacralisés, les actions héroïques sont retournées en fiasco carnavalesque, les scénarios rassurants sont livrés à une réécriture parodique » (SAMMARCELLI 2002 : 353).
Le western devient un carnaval bouffon, pour le plaisir d’une lecture ludique qui n’exclut pas pour autant la possibilité d’un sens – même s’il s’agit plutôt de dire l’absence générale de sens dans un univers spectacularisé, à l’image de la société contemporaine. C’est le message qu’adresse un vieux chercheur d’or au cow-boy, reprenant le topos du theatrum mundi (on relèvera l’allusion au monologue de Macbeth) : « […] but lissen, thet’s jest whut it is, see, a stage, I finally figgered it out, a fuckin stage fer tootin yer horn on–crikey, it even looks like one–and the wuss thing is, we all know that afore we even set off » (55). Les personnages romanesques sont des acteurs condamnés à jouer leur rôle en sachant que tout est vain. Le personnage-type du cow-boy est le porte-parole d’une réflexion universelle sur l’humaine condition. Christine Montalbetti a pu souligner les affinités du western avec ce questionnement ontologique : « C’est la force du western, de nous fournir ainsi une figure récurrente qui est aussi un miroir d’une part de nous-mêmes. Un personnage de fiction très constitué et qui peut servir à nommer certaines de nos pulsions » (HUGLO 2014). C’est ce qu’elle appelle le « complexe du cow-boy », celui de l’errance, à la fois spatiale et métaphysique. La difficulté à être s’énonce au sein même du rire carnavalesque, à la fois subversif et libérateur.
In fine, si la présence des codes westerniens souligne le fait que tout est dit et que le roman contemporain ne peut s’inscrire que dans le déjà-vu, la reprise de ces mêmes codes lui permet de se réinventer, dans une réflexivité ludique. Le personnage voit son statut revisité par le jeu avec les stéréotypes et par la confusion des rôles romanesques et cinématographiques ;les scénarios offrent de nouveaux possibles narratifs, tout en renouvelant, dans une veine carnavalesque, les topoï romanesques. L’inventivité verbale enfin, lisible dans l’idiolecte des personnages, témoigne de la forte vitalité et de l’« esprit d’effervescence » de l’écriture de Robert Coover, pour reprendre les termes de Jean-François Chassay (CHASSAY 1996 : 118), qui, en recyclant le genre du western et ses codes, revitalise le roman contemporain.
Bibliographie
ABLALI, D., DUCARD, D., (éds.), Vocabulaire des études sémiotiques et sémiologiques, Paris, Honoré Champion, 2009.
AMOSSY, R. ;« Du cliché et du stéréotype. Bilan provisoire ou anatomie d’un parcours », in G. MATHIS (éd.), Le cliché, coll. « Interlangues Littératures », Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 1998, p. 21-28.
ARMANET, F., « Mes mythologies », Bibliobs, 19 juin 2008, URL : https://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20080618.BIB1544/mes-mythologies.html, cons. le 17 décembre 2017.
BAKHTINE, M., L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen âge et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1970.
BELLOUR, R., (éd.), Le western, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1993 [1966].
BERSANI, L., « Le réalisme et la peur du désir », in BARTHES, R., BERSANI, L., HAMON, P., RIFFATERRE, M., WATT, I., Littérature et réalité, Paris, Seuil, 1982, p. 47-80.
BESSARD-BANQUY, O., Le roman ludique : Jean Echenoz, Jean-Philippe Toussaint, Eric Chevillard, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, coll. « Perspectives », 2003.
CARTER, A.,« Robert Coover: A Night at the Movies », in UGLOW, J., (éd.), Shaking a leg, London, Chatto & Windus, 1997, p. 382-384.
CHASSAY, J.-F., « La machine en mouvement : A Night at the Movies de Robert Coover », Études littéraires, vol. 28, n° 2, 1995, p. 45-55.
CHASSAY, J.-F., Robert Coover, Paris, Belin, coll. « Voix américaines », 1996.
COOVER, R., A night at the movies, New York, Linden Press/Simon & Schuster, 1987.
COOVER, R., Ghost Town, New York, Henry Holt and Company, 1998.
COOVER, R., Noir, New York, Overlook Press, London, Gerald Duckworth Publishers, 2010 [2008].
DORT, B., « La nostalgie de l’épopée », in R. BELLOUR (éd)., Le western, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1993 [1966], p. 55-70.
EVENSON, B., Understanding Robert Coover, Columbia, University of South Carolina Press, 2003.
FRYE, N., Anatomie de la critique, Paris, Gallimard, 1969 [1957].
GENETTE, G., Figures I, Paris, Seuil, coll. « Tel Quel », 1966.
GENETTE, G., Figures II, Paris, Seuil, coll. « Points », 1969.
GENETTE, G., Nouveau discours du récit, Paris, Seuil, 1983.
HUGLO, M.-P., « Entretien avec Christine Montalbetti », Textimage, n°6, « Cinesthétique (le cinéma de la littérature) », n° 6, 2014, URL : http://revue-textimage.com/10_cinesthetique/montalbetti1.html, cons. le 05 janvier 2018.
IVALDI, F., Effeto rebound. Quando la letteratura imita il cinema, Pisa, Felici Editore, 2011.
KUNDERA, M., L’Art du roman, Paris, Gallimard, 1986.
LACASSIN, F., « Le héros », Cinéma, n°68, juillet-août 1962, p. 2-21.
MONTALBETTI, C., « Du western au roman : essai de transposition d’un genre, ou rencontre ? », in MAJORANO, M., (éd.), La caméra des mots. Dans le spectacle du roman, Bari, B.A. Graphis, coll. « Margini Critici », 2007.
SALGAS, J.-P., « Les deux amours de Robert Coover : Cervantes et Beckett », La Quinzaine Littéraire, n° 421, 16 juillet 1984, p. 19-20.
SAMMARCELLI, F., « Écriture et cinéma : A Night at the Movies de Robert Coover », Tropismes, Donner à voir, n° 10, 2002, p. 349-367.
VANDERHAEGHE, S., « Entre fiction et philosophie : quelle place pour le lecteur de Robert Coover ? », Revue française d’études américaines, n°109, mars 2006, p. 83-99.
WAGNER, F., « Entretien avec Jean Cléder à propos de son ouvrage Entre littérature et cinéma. Les affinités électives (échanges, conversions, hybridations) », Vox Poetica, 25 mars 213, URL : http://www.vox-poetica.org/entretiens/intCleder.html, cons. le 15 janvier 2018.
Note
↑ 1 Cette esthétique du second degré, qui a pu être qualifiée de « postmoderne » rappelle que Robert Coover affirme se sentir proche d’auteurs tels William Gaddis, William Gass, John Barth, Thomas Pynchon, ou encore John Hawkes, sans pour autant reconnaître son appartenance à une école. L’on se reportera à ce propos à l’entretien accordé à François Armanet (ARMANET 2008).
↑ 2 Christine Montalbetti est également l’auteur d’une œuvre au carrefour des genres romanesque et cinématographique : Western, paru en 2005.
↑ 3 Soulignons qu’Angela Carter a pu interroger les conventions du western, avec son récit hybride « John Ford’s Tis Pity She’s a Whore » (1993), dans lequel elle imagine que le réalisateur de western John Ford adapte l’intrigue de la pièce du dramaturge anglais du XVIIe siècle répondant aussi au nom de John Ford, Tis Pity She’s a Whore. L’œuvre est un collage déroutant de fragments de scénario d’un film, qui côtoient des extraits du drame élizabéthain.
↑ 4 Le personnage féminin de « Shootout at Gentry’s Junction » se nomme également Belle : la reprise délibérée du même prénom insiste sur le caractère stéréotypé du personnage.
↑ 5 Genette oppose le récit « non motivé », du type « la marquise demanda sa voiture et se mit au lit », au récit « vraisemblable ou à motivation implicite » et au récit « motivé » (GENETTE 1969 : 98-99).
↑ 6 Certains épisodes fabuleux de Ghost Town, telle la métamorphose du cheval en statue de pierre à la source, ou l’évasion spectaculaire du cow-boy grâce au concours d’un cheval géant, évoquent d’ailleurs les canulars de Don Quichotte : statue qui parle ou cheval volant. Coover vouait d’ailleurs une grande admiration à Cervantes, qu’il considère comme l’un de ses maîtres. Voir à ce propos l’entretien accordé par Robert Coover à Jean-Pierre Salgas (SALGAS 1984).
↑ 7 On retrouve une scène bouffonne du même type dans Noir, où le détective porte à plusieurs reprises des dessous féminins.
↑ 8 Le lien entre western et roman de chevalerie a été mis en lumière par Bernard Dort : selon lui, le western « nous fournirait un équivalent moderne des romans de chevalerie, voire des chansons de geste. Son héros, "le fulgurant cow-boy du XXe siècle", serait la réplique exacte du "preux chevalier du XIIIe siècle" (I). Et ses aventures ne constitueraient pas autre chose qu’une "quête". Ainsi, en dernière analyse, ce serait la présence du "sacré" qui expliquerait le plaisir que nous prenons aux westerns » (DORT 1993 : 55).