Publifarum n° 37 - Vie des théâtres et poésie dramatique du Consulat à la Restauration (1799-1823)

La tragédie d’espionnage dans le contexte européen du Directoire et du Consulat

Renaud Bret-Vitoz



Abstract

Francese  | Inglese 

Le succès sous le Consulat de Blanche et Montcassin ou Les Vénitiens, tragédie du citoyen Arnault signe le renouveau du théâtre de conspiration politique grâce à une nouvelle topique, la « tragédie d’espionnage ». L’originalité d’un sujet sur le contre-espionnage – le mot « espion » apparaît pour la première fois dans la langue tragique grâce à la pièce –, le statut ambigu du héros et la familiarité des enjeux, du cadre civil et même de l’adversaire invitent à définir un nouveau type de tragédie de conjuration, dont le modèle classique en France est fondé depuis Cinna sur les préparatifs d’un meurtre politique puis sa réalisation ou sa mise en déroute. Arnault change d’approche en se plaçant après le complot. Il présente son ouvrage comme une suite dramatique des nombreuses pièces sur la conjuration de Venise afin de révéler les effets funestes sur la société de la suspicion généralisée et de la crainte de l’ennemi de l’intérieur. Le désir de rendre compte d’une actualité internationale et diplomatique dont il est devenu un acteur le conduit à innover et à ouvrir la voie à tout un courant, dans différents genres, traitant d’affrontements politiques secrets plus ou moins funestes jusque dans l’intimité familiale.


La tragédie Blanche et Montcassin ou les Vénitiens du citoyen Arnault est représentée pour la première fois le 25 Vendémiaire an 7 (16 octobre 1798) par les comédiens français du Théâtre de la République qui venait de rouvrir après restauration1. Avec le couple Talma dans les rôles-titres, la nouvelle pièce est un événement théâtral majeur de la fin du Directoire consacré par deux parodies au Vaudeville2 et un large écho dans la presse. Reprise par la troupe réunie en septembre 1799, dont une fois en présence de Bonaparte3, elle est jouée par Talma sous le Consulat et l’Empire jusqu’en 1808 et reprise à l’Odéon en 1826-1827 avec une autre distribution4.

L’action se situe peu après la conjuration contre la république de Venise conduite par le duc de Bedmar, ambassadeur d’Espagne. Au lever de rideau, le Sénat réuni sur la scène dans la salle du grand conseil du palais ducal discute et promulgue une loi sanguinaire qui défend à tout sénateur vénitien, sous peine de mort, d’avoir commerce avec les puissances étrangères. Le même jour, Montcassin, aventurier français complice du duc mais ayant trahi au dernier moment, reçoit des mains du Sénat le titre de noble vénitien et la dignité de sénateur. Le Français n’a agi que pour devenir patricien et épouser sans mésalliance Blanche, la fille du sénateur Contarini. Mais ce dernier la destine à Capello. Montcassin, décidé à fuir avec Blanche, pénètre nuitamment dans la maison des Contarini. C’est alors qu’arrive le prêtre pour le mariage dans la chapelle familiale : la seule issue possible communique avec le palais de Bedmar et Montcassin préfère violer la loi plutôt que de déshonorer son amante. Arrêté aussitôt pour espionnage, il passe en jugement immédiat devant le conseil des Trois composé de Contarini, Capello et Lorédan, un juge rigoureux. En rival généreux, Capello cherche à différer l’arrêt fatal tandis que Blanche, venue se dénoncer comme complice, arrive trop tard : en soulevant le rideau de la chambre voisine, Capello découvre Montcassin mort étranglé ; Blanche expire à cette vue. Capello prédit alors la fin du gouvernement vénitien et de sa juridiction criminelle.

Les passages censurés avant la première (un quatrain sur les régimes sanglants, le personnage du prêtre et la scène du mariage) révèlent le contexte politique : la lutte contre l’Église menée par un Directoire à bout de souffle et les efforts de ce dernier pour entretenir la ferveur du culte nouveau. Ils distraient d’autres enjeux contemporains dans une pièce conçue dans « une circonstance singulière […], au milieu des révolutions qui renaissaient les unes des autres avec une effroyable rapidité5 ». L’originalité du sujet –  la discussion d’une loi de politique étrangère anti-espionnage –, le statut ambigu du héros – ancien conspirateur naturalisé briguant une alliance aristocratique – et la familiarité des enjeux, du cadre civil et même de l’adversaire, les inquisiteurs de Venise – que le critique Geoffroy jugeait aussi indignes de la tragédie qu’un héros sans couronne exécuté d’une façon atroce derrière un rideau6 –, tous ces éléments invitent à définir un nouveau type de tragédie de conjuration, dont le modèle classique en France est fondé depuis Cinna sur les préparatifs d’un meurtre politique puis sa réalisation ou sa mise en déroute. Arnault change d’approche en se plaçant après le complot. Les Vénitiens ne sont pas une énième version littéraire de la conjuration de Venise7 mais bien une suite dramatique qui montre les effets funestes sur la société de la suspicion généralisée et la crainte de l’ennemi de l’intérieur. Le succès de la pièce sous le Consulat signe, selon nous, un renouveau du théâtre de conspiration politique grâce à une nouvelle topique, la « tragédie d’espionnage » née dans le contexte fantasmatique après les lois sur les comités de surveillance – rouage essentiel du pouvoir révolutionnaire entre mars 1793 et l’été 1794 (Voir GUILHAUMOU et LAPIED 2000) – et dans le sillage éditorial de L’Espion anglais par Pidansat de Mairobert (1777, 1780, 1786) et de l’Espion chinois par Goudar (1765, 1768, 1774) après L’Espion turc de Marana (1756). Sous-genre prototypique donc, qui a pour avantage d’éviter les écueils spécifiques du sujet, à savoir le double lieu de l’action et la froideur d’« un fait en dehors de la vie commune » plus propre au raisonnement qu’aux « émotions violentes […] individuelles8 » du spectateur.

 1. Tragédie « sur le motif »

L’intrigue jugée familière est d’emblée rehaussée par la dignité du tableau d’ouverture qui évoque Tancrède et par la dramatisation du vote de la loi puis de la procédure complète d’un procès. La préface à la première édition, intitulée « De quelques Institutions politiques de la République de Venise », cite comme sources juridiques les Lois du gouvernement de Venise d’Amelot de La Houssaye et des archives italiennes consultées sur place. L’auteur tente ainsi de dissimuler l’origine douteuse d’un sujet tiré d’un fait divers privé dans le genre des chroniques italiennes9. Le sujet aborde pourtant des questions sociales comme la mésalliance entre noble et roturier ou la légitimité des lois et de la justice dans une société aristocratique10. Arnault rapproche également le cadre familier et particulier de ce trait d’histoire moderne, sans nom ni date, de la mésaventure d’Antonio Foscarini, diplomate vénitien à Londres et Paris, mise en récit et éditée en 1792 par Ippolito Pindemonte puis réimprimée en 179711. La pièce doit aussi beaucoup à la situation personnelle de l’auteur dont la présence physique en Italie en 1797, au moment de l’extension de la Révolution sur la scène diplomatique européenne, est soulignée dans la préface comme un gage de l’authenticité des faits rapportés :

J’ai cherché à instruire autant qu’à intéresser ; à peindre les mœurs autant qu’à exprimer les passions.
C’est à ceux qui connaissent Venise par la lecture ou par les voyages, à témoigner de l’exactitude avec laquelle les convenances locales sont conciliées avec celles de la scène, dans un ouvrage fait en partie à Venise même12.

Antoine-Vincent Arnault en effet, bien qu’appartenant à la génération de poètes dont le succès public suit immédiatement le déclenchement de la Révolution, comme Chénier, Legouvé ou Luce de Lancival, a une carrière théâtrale beaucoup plus longue, qui traverse les régimes jusqu’à la Restauration et qui s’accompagne d’une carrière politique fulgurante : il se lie d’amitié avec le général Leclerc (1772-1802), qui le convie à Milan et Venise en juin 1797, pour le mariage de Pauline Bonaparte et pour rédiger sa pièce sur les lieux mêmes, visités pour l’occasion, comme « la salle du conseil des Dix et celle du conseil des Trois où se rendaient expéditifs les jugements secrets » (TROUSSON 2004: 45). Son beau-frère Regnaud de Saint-Jean d’Angély, intendant général des hôpitaux de l’armée d’Italie, l’introduit auprès de Bonaparte, qui le nomme commissaire afin d’organiser le gouvernement civil des îles ioniennes13. Il rédige les actes III et IV lors d’une quarantaine à Brindisi, visite Naples et Pompéi, remplis selon lui d’espions qui « contrôlaient tout car les Français étaient assez mal vus » (TROUSSON 2004: 107), avant de retrouver Bonaparte au moment de la signature du traité de Campoformio en octobre 1797. Il achève sa tragédie à Lyon, rentre à Paris en décembre pour lecture devant Bonaparte et Beaumarchais, puis la présente à la Comédie-Française début 1798. 

Les allusions autobiographiques dans le paratexte14 confèrent à la pièce une dimension d’immédiateté, de reportage de terrain ou de tableau peint sur le motif, perceptible dès la didascalie de deux pages intitulée « Des costumes à observer » :

Le costume du Doge est une tunique de velours rouge, par-dessus laquelle il porte un ample manteau d’étoffe d’or à manches très-larges et orné d’un ample collet d’hermine ; sa coiffure est un bonnet de forme particulière, connu sous le nom de corne ducale.
Les Inquisiteurs portent simplement une robe noire à larges manches, sur une tunique violette tombant à peu près à mi-jambes. Ils sont décorés de l’étole d’or, large bande d’étoffe d’or fixée sur l’épaule gauche par un bouton, et qui pend librement devant et derrière. […]
Les Sages-Grands : robes noires à larges manches, sur des tuniques violettes ; quelques-uns peuvent porter l’étole d’or, les autres porteront l’étole violette.
Le Grand Chancelier : robe rouge fourrée d’hermine, ainsi que les trois Avogadors ; lui seul portera l’étole d’or.
Les nobles vénitiens : partie en noir et violet, partie en noir.
Les agents subalternes, tels que les greffiers, huissiers et secrétaires, portent la robe noire à manches étroites, par-dessus la tunique noire.
Tous les magistrats, à l’exception du Doge, ont pour coiffure une toque noire15.

Arnault s’était inspiré de Tintoret plus encore que du Titien, dont il avait admirés les œuvres in situ, et joue sur le contraste chromatique, d’une part entre les personnages puissants, nobles ou bourgeois (en violet ou rouge) et les subalternes (en noir), et, d’autre part, sur un même costume comme celui des Inquisiteurs (en violet et noir), transpose visuellement les connaissances historiques collectées sur place16, comme les distinctions sociales sur lesquelles reposent le système oligarchique vénitien, sa hiérarchie complexe et ses ambiguïtés symboliques. Ainsi le costume caractérise les personnages mieux qu’aucun titre, voire comble l’absence de titre pour Montcassin, plébéien étranger à Venise, sorte d’Othello français sans fonction véritable dans la société locale :

Le seul Capello quitte, au second acte, ce costume pour l’habit civil, et ne le reprend qu’au cinquième. Les lois somptuaires ne contraignaient les nobles à porter les habits et les marques de leurs fonctions, que lorsqu’ils étaient en public.
Montcassin porte simplement l’habit civil du commencement du dix-septième siècle. Cet habit doit être plus élégant que somptueux. Montcassin n’est pas armé : les lois ne le permettaient pas17.

 2. Dramaturgie de l’espionnage

Ce pittoresque scénique commande l’intérêt dramatique. Ce dernier oppose l’espionnage étranger au contre-espionnage national, au nom de la sûreté publique, dans un débat contradictoire qui ouvre la pièce :

Lorédan

À quel signe, en effet, pouvez-vous reconnaître
Quel est ou l’indiscret, ou le faible, ou le traître,
Parmi tant d’imprudents exposés au danger,
Qui toujours environne un Ministre étranger ?
La loi nouvelle au moins, en étendant le crime,
Au premier pas l’atteint, ou plutôt le réprime ;
Et quand, pour l’éluder, un traître aurait recours
Aux plus discrets agents, aux plus obscurs détours,
C’est l’avoir su contraindre à donner des indices,
Que savoir le contraindre à chercher des complices ;
Que savoir l’arracher à cette intimité,
Seul garant jusqu’ici de son impunité ! […]

Capello

Ce serait donc en vain que notre politique, 
Fondant sur le soupçon la sûreté publique,
Des derniers citoyens aux premiers sénateurs,
Étendît le pouvoir des trois Inquisiteurs ?
Que présent en tous lieux, en tous lieux invisible,
Ce conseil vigilant, tutélaire, inflexible,
Dans l’intérêt présent, cherchant ses seules lois,
Accuse, instruit, prononce, et punit à la fois ? […]
Eh ! par une rigueur que rien ne doit restreindre,
Est-ce le criminel que vous allez atteindre ?
C’est l’innocent, à qui vous faites tôt ou tard
Un crime de l’erreur et même du hasard18.

Le thème ne se limite pas à une péripétie ou à une éphémère situation d’indiscrétion attachée classiquement aux intrigues de cabinet et à la peinture des mœurs de cour, du type Othon ou Britannicus. Il structure l’intrigue qui repose entièrement sur une donnée matérielle et topographique – le voisinage du palais Contarini et de l’ambassade espagnole –, lieu duplice providentiel et fatal à la fois, insidieux par nature et propice à l’espionnage, ce qui n’a pas échappé à la critique pour qui « le véritable danger des deux amants […] ne commence guère qu’à la fin du quatrième acte, quand Mont-Cassin se sauve par l’hôtel de Bedmar19 ». Les didascalies des deux derniers actes décrivent des lieux gigognes complexes où se distingue un second espace de jeu dans le décor, en échappée :

Acte IV. / Le théâtre représente une chapelle particulière du palais de Contarini. L’autel est à droite des spectateurs, la porte d’entrée à gauche. En face, une porte ouverte laisse apercevoir une salle dont les fenêtres donnent sur le palais de l’ambassadeur d’Espagne. La scène est éclairée par une lampe.
Acte V. / Le théâtre représente le lieu de l’assemblée du conseil des Trois. […] La chambre est peu profonde, et sombre sans être obscure. Une voile noir ferme le fond du théâtre.

La tension dramatique est inscrite dans l’espace scénique. Contarini profite de la communication entre les deux espaces pour parvenir à ses fins. Quant à la mort du héros à l’acte V, elle est hâtée grâce à la proximité de la chambre d’exécutions et du conseil des Trois séparés simplement par un voile. Parallèlement, le texte joue sur l’illocutoire en redoublant l’intérêt de la situation dramatique créée par la scénographie :

Capello

Tout n’est-il pas prévu ? Ces murs, grâce à vos soins,
Ne sont-ils pas peuplés d’invisibles témoins
Qui, se mêlant aux jeux de la foule insensés,
Comme dans les discours lisent dans la pensée :
Ils surveillent surtout ce lieu d’iniquité,
Ce palais où Bedmar, avec impunité,
Fort du titre sacré dont sa tête est couverte,
Au milieu de Venise en conspirait la perte.

Contarini

Autour de ce palais, redoutable, abhorré,
Et du mien seulement par un mur séparé,
Oui, j’ai multiplié l’œil de la surveillance.
La sûreté publique est dans la méfiance.
Jour et nuit sur Bedmar que nos yeux soient ouverts.
Déjà l’ombre obscurcit nos palais et nos mers.
Le coupable se montre à cette heure propice
Qui doit avec le crime éveiller la justice ;
Sortons donc de ces lieux pour n’y plus revenir […]20.

La duplicité du lieu rend visible l’ambiguïté morale de personnages circulant entre deux camps et d’une intrigue qui oscille elle-même entre deux trames parallèles, l’ascension sociale de Montcassin par son union avec Blanche21 et une opération secrète de destitution et de mort. Justifiée et utilisée ainsi, cette partition scénique dramatisée résout le problème majeur des tragédies de conjuration depuis Cinna, à savoir une action changeant invraisemblablement de place au gré des préparatifs ou de l’exécution du complot22. Arnault fait de cet obstacle originel la spécificité du genre, avec même un gain spectaculaire peut-être plus déterminant que l’interrelation des personnagesannonçant le décor « personnage muet » que la Préface de Cromwell a mis au centre de la dramaturgie romantique. 

L’identification du ou des espions dans la pièce est difficile au premier abord, selon l’adage bien connu qu’un espion qui ressemble à un espion est un mauvais espion. Au cours de l’interrogatoire, Montcassin, accusé d’intelligence par son imprudence, est plutôt la victime d’un « climat funeste23 » de suspicion entretenu par un Contarini méfiant dont les yeux fatigués se méprennent sur sa conduite :

Le plus vil corrupteur répugne à supporter
L’opprobre de ce nom qu’il aime à mériter.
Par des déguisements trop semblables aux vôtres,
Il cherche à se tromper comme à tromper les autres.
Insuffisante adresse ! inutiles détours !
Un indice imprévu dément ses vains discours,
Et j’ai su démêler dans votre long silence,
De votre ambition la secrète espérance24.

Parallèlement, un second rôle à l’action décisive mais occulte, espion lui aussi, n’a pas échappé aux contemporains. L’Esprit des journaux français et étrangers qualifie en effet Pisani, simple « greffier du conseil des Trois » et homme de main de Contarini, de « témoin accidentel de la cérémonie » et de « familier de l’Inquisition d’état, à qui ses fonctions donnent le droit de pénétrer partout25 ». Le doute sur son compte se renforce avec son entrée en scène tardive en tapinois au moment de la fuite de Montcassin :

Contarini (à demi-voix).

Modérez-vous, on vient.

VII. Contarini, Capello, Blanche, prêtre, PISANI, suite

Capello

Quel est le téméraire ?

Contarini (à demi-voix).

De nos justes arrêts, c’est le dépositaire.
Partout il peut entrer.

Pisani (bas à Contarini).

Un triste événement
Au tribunal des trois vous appelle à l’instant26.

L’unité du caractère de Pisani est soulignée par le rythme discontinu des alexandrins tandis que le jeu dramatique rend audible le changement soudain du personnage, fébrile d’abord puis s’exprimant d’une voix étouffée. Ce changement traduit ainsi le déplacement de la juridiction officielle et publique du conseil des Dix à l’officine secrète du conseil des Trois qui disposait d’une police secrète et de confidents. À cet instant précis de la pièce, l’intérêt est avivé par un soupçon d’actions à la marge, Pisani se voyant lui-même « trop bien instruit / […] D’un secret qu’après tout [il] ne doi[t] qu’au hasard » (V, 1). L’intrigue devient énigmatique, onirique même, la scène se déroulant pendant l’évanouissement de Blanche dans un fauteuil, ce qui prépare le malentendu du dénouement. Pisani révèle ensuite le nom des juges à Montcassin et s’attendrit avec une fausse candeur sur sa grandeur et sa chute le même jour. Il lui montre « le voile du fond du théâtre » pour l’exécution des condamnés. Il révèle aussi le mariage secret de Blanche avec Capello. Pendant le procès, chaque scène est rythmée par son action à l’arrière-plan, plus ou moins voilée, toujours explicitée par une didascalie comme une chaîne souterraine et secrète de gestes furtifs mais nécessaires : « Pisani fait signe à Donato qui est resté à la porte, de faire entrer Montcassin. » (V, 3) ; « PISANI (assis et écrivant l’interrogatoire). » « Pisani conduit [Montcassin] derrière le voile du fond. » (V, 4) ; « CONTARINI (examine Capello, et sitôt que ce dernier a signé il dit bas à Pisani) : La loi l’ordonne, allez, que l’arrêt s’accomplisse. (Pisani sort, et passe derrière le rideau, après avoir reçu la sentence des mains de Lorédan.) » (V, 5). Narcisse furtif aux mains sales circulant entre des sphères opposées pour mieux surprendre et transmettre des informations aux uns et aux autres, Pisani est bien cet agent double et caché qu’une lecture attentive ne saurait confondre avec un rôle secondaire ; il est le type même du protagoniste de la tragédie d’espionnage tout en se rapprochant de la topique du traître du mélodrame.

 3. Un hapax décisif 

La presse de l’époque souligne l’originalité d’une tragédie située dans le cadre international des ministères et des ambassades27. Dans le même temps, Arnault insiste sur l’étendue du pouvoir exclusif des Inquisiteurs d’état : « L’imprudence de [l]a démarche [de l’accusé] échappait difficilement à la vigilance des espions du conseil28. » L’emploi littéraire au sens propre de ce terme technique de l’art militaire est rare au XVIIIe siècle29 – le Dictionnaire de l’Académie n’en valide l’usage courant qu’en 183530 –, pourtant il est aussi présent dans une réplique de Contarini agitant une menace étrangère de l’intérieur :

Ah ! si l’État permet qu’on vienne impunément
Épier le secret de son gouvernement,
Aux espions titrés qu’il fasse au moins connaître
Qu’en vain dans le sénat ils chercheraient un traître31.

Inconvenant dans le style noble, le terme nécessite une note de l’éditeur en 1818, désireux de justifier cette impropriété stylistique par un rappel historique et la caution du Brutus de Voltaire :

Les républicains, dès longtemps, ont été portés à voir avec méfiance les ambassadeurs des monarques. Brutus dit :
« L’ambassadeur d’un Roi m’est toujours redoutable ;
« Ce n’est qu’un espion sous un titre honorable. »
Les Vénitiens et les Romains n’avaient pas absolument tort : les ambassadeurs n’ont pas toujours pris les voies les plus droites pour arriver à leur but ; mais, comme on sait, le but ennoblit tout, et tout est justifié par le succès32.

Cependant la citation est fautive, le mot espion n’apparaissant dans aucune édition ni aucun manuscrit de Brutus, et l’édition de 1824 est contrainte de rectifier le vers de Voltaire : « Ce n’est qu’un ennemi sous un titre honorable / Qui vient, rempli d’orgueil ou de dextérité, / Insulter ou trahir avec impunité33. » L’hapax des Vénitiens qui désigne explicitement les ambassadeurs comme des « espions » sans recourir à la périphrase de rigueur dans le style tragique est un indice littéraire de l’extension d’une pratique policière ancienne et de l’évolution historique du regard public porté sur elle. Les historiens de la Révolution, de la diplomatie et des Intelligence studies voient en effet un changement de dimension et d’enjeu dans le renseignement en France suite à la Révolution :

Comme le pouvoir absolu et incontesté de l’ancien gouvernement n’avait rien à craindre pour sa propre sûreté, la police secrète n’était pas tant une police politique qu’une police des mœurs. […] La fermentation des esprits sous Louis XVI semble avoir donné au régime des observateurs une base plus politique. […] ce qui rendait odieux le système des observateurs sous l’ancien régime, c’était surtout la mission honteuse d’observer tel ou tel individu, et pour des causes frivoles ou immorales ; tandis que la mission qu’Agier [lieutenant général criminel] aurait voulu donner aux observateurs dans les temps de troubles et de révolutions, celle d’observer en général l’état des choses et l’esprit public, ses manifestations et ses excès, pour pouvoir prévenir les complots factieux et funestes à la patrie ou à la nation entière, aurait pu être, au contraire, sous certaines conditions, une mission patriotique. (SCHMIDT 1867: 126 et 130)

Zweig voit pour sa part une extension sans précédent du renseignement : « Car l’information, c’est tout, à la guerre comme pendant la paix, dans la politique comme dans la finance. Ce n’est plus la Terreur, mais uniquement la connaissance des choses qui, en 1799, gouverne la France […] » (ZWEIG 2000: 116). Et Olivier Blanc fait du caractère international de l’espionnage français une conséquence directe des guerres révolutionnaires : « les gouvernements ont une soif d’information. Et celle-ci revêt en temps de guerre une importance accrue, à partir du moment où les voies diplomatiques habituelles ont été abandonnées » (BLANC 1995: 10). Ainsi le passage en France, sous Thermidor, des mouchards de la vie privée à une police secrète au sens moderne, entièrement politique, se renforce à la fin du Directoire avec le réseau international tissé au gré des guerres de conquête au point de parler d’une « passion de la surveillance au service de la sauvegarde de la liberté » (JAUME 1989: 209).

Une enquête lexicale dans les rapports sur l’esprit public vient confirmer que le terme espion fait d’abord partie du vocabulaire de la presse de droite contre-révolutionnaire pour désigner les Jacobins vus comme des continuateurs de Robespierre (Voir AULARD 1902 t.I et II). Il s’étend ensuite à quelques occurrences dans la presse modérée de droite et de gauche avant de passer dans la langue courante des on-dit de l’esprit public, n’étant plus un marqueur idéologique. Dans un dernier temps (21 juillet 1798 - 10 novembre 1799), qui coïncide avec la création des Vénitiens, il réapparaît dans un contexte international pour désigner les suspects étrangers, surtout les ambassadeurs, en plus du sens analogique et familier. Ainsi Arnault emploie dans sa pièce une expression lexicalisée à l’époque dans le débat politique et dans les rapports au ministère de l’Intérieur comme ici, le 19 frimaire an IV/10 décembre 1795, à propos de l’expulsion de l’ambassadeur de Toscane pour fait d’espionnage : « le Directoire a agi avec la fermeté digne d’un peuple libre en chassant un honorable espion, un agitateur titré, à qui son caractère semblait promettre l’impunité » (cité par AULARD 1902 t.II : 493).

Dès Lucrèce (1791) et Quintus Cincinnatus ou la Conspiration de Spurius Melius (1794), Arnault s’illustre avec succès dans le genre de la tragédie de conjuration qui embrasse toujours suffisamment large pour faire passer tout complot pour une attaque contre la liberté. Mais le désir de rendre compte d’une actualité internationale et diplomatique dont il est devenu un acteur le conduit à innover. L’actualité brûlante prend alors le pas sur les apprêts du grand tableau historique et exotique. L’intrigue se sert habilement d’un contexte européen de guerres tandis que le point de vue est déplacé des conspirateurs actifs vers les victimes indirectes du complot et vers les acteurs occultes. Le type moderne de l’espion titré – et non plus gagé – émerge alors dans le théâtre tragique, concomitamment à la société nouvelle, avec Les Vénitiens, pièce-prototype à l’origine de tout un courant dans différents genres traitant d’affrontements politiques secrets plus ou moins funestes jusque dans l’intimité familiale, de Pinto (1801) de Lemercier à Marino Faliero (1829) et Don Juan d’Autriche (1835) de Delavigne, en passant par Le Proscrit ou les Guelfes et les Gibelins du même Arnault (1827) ou Un épisode de 1812 ou L’Espionne russe de Mélesville et Carmouche (1829). En faisant dépendre l’intrigue tragique de conditions matérielles et des mouvements intérieurs de la vie diplomatique en marge ou en fond de scène, la pièce reflète alors le sentiment familier de suspicion et la peur constante de l’espionnage extérieur et intérieur qui caractérisent l’esprit public contemporain. Elle participe d’une dramaturgie en pleine transition entre formes anciennes et cadres nouveaux, typique de ces entre-deux de l’Histoire (voir VASAK 2022), portée par le climat euphorisant des conquêtes militaires et par une politique française étendue au-delà des frontières au moment du passage décisif du Directoire au Consulat.


Bibliographie

Sources

ARNAULT Antoine-Vincent, Blanche et Montcassin ou les Vénitiens, Paris, chez Demonville, Imprimeur libraire, rue Christine, n°12, An Septième.

ARNAULT Antoine-Vincent, Œuvres complètes, La Haye, Imprimerie Belgique, 1818, t. 2.

ARNAULT Antoine-Vincent, Œuvres, Paris, A. Bossange 1824-1827, t. 2.

ARNAULT Antoine-Vincent, Souvenirs d’un sexagénaire, édition critique de R. Trousson, Paris, H. Champion, 2003.

CORNEILLE Pierre, « Examen de Cinna », Cinna, éd. G. Forestier, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2005, p. 38-40.

DELAVIGNE Casimir, Œuvres complètes, seule édition avouée par l’auteur, Parie, Delloye et Lecou, 1836, t. 2.

LE BLOND Guillaume, article « Espion », Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, sous la dir. de Diderot, et D’Alembert, Paris, Briassion, David l’Aîné, Le Breton, Durand, vol. V (1755), p. 971b (signé Q).

Monographies

AULARD Alphonse, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire exécutif, recueil de documents pour l'histoire de l'esprit public à Paris, Paris, L. Cerf, 1902, 5 vol.

BLANC Olivier, Les Espions de la Révolution et de l'Empire, Paris, Perrin, « Hors collection », 1995.

FAZIO Mara, François-Joseph Talma, le théâtre et l’histoire de la Révolution à la Restauration, Paris, CNRS éditions, 2011.

JAUME Lucien, Le Discours jacobin et la démocratie, Paris, Fayard, 1989.

SCHMIDT Adolphe, Tableaux de la révolution française publiés sur les papiers inédits du département et de la police secrète de Paris, Leipzig, Veit & Comp., 1867.

TROUSSON Raymond, Antoine-Vincent Arnault (1766-1834). Un homme de lettres entre classicisme et romantisme, Paris, H. Champion, 2004.

VASAK Anouchka, 1797. Pour une histoire météore, Pais, Anamosa, 2022.

ZWEIG Stefan, Fouché [1929], trad. Alzir Hella, Paris, Grasset, 1930, rééd. Le Livre de Poche, 2000.

Articles dans des revues

GUILHAUMOU Jacques et LAPIED Martine, « Paysans et politique sous la Révolution française à partir des dossiers des comités de surveillance des Bouches-du-Rhône », Rives nord-méditerranéennes, 5 | 2000, p. 27-44.

MARTIN Virginie, « La Révolution française ou ‘l'ère du soupçon’. Diplomatie et dénonciation », Hypothèses 2009/1 (12), p. 131-140.

TASSARA Carla, « Dal Terrore a Napoleone : Blanche et Montcassin di A.-V. Arnault », Francofonia, 27, 1994, p. 107-116.

Articles en ligne

Le Corsaire, L’Esprit des journaux français et étrangers, Le Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts : https://theatre1789-1815.e-monsite.com/ 


Note

↑ 1 Fermé depuis le 20 février 1798 faute de recettes suffisantes, le théâtre de la République au Palais Royal est restauré par l’entrepreneur Sageret et rouvre le 5 septembre. Depuis janvier, Sageret dirigerait trois salles : le Théâtre de la République, le Théâtre Feydeau et l’ancienne salle du Théâtre Français devenu Théâtre de la Nation puis Égalité enfin Odéon en 1797 où se réunissent les acteurs du Théâtre Louvois rejoints en février par les acteurs de Feydeau. (Voir FAZIO 2011: 95).

↑ 2 Franche et Monmutin ou les Médecins, parodie en quatre morceaux par les Cs Piis, Barré, Radet et Desfontaines, créée au Théâtre du Vaudeville, le 5 novembre 1798 et jouée 11 fois ; Arlequin, doge de Venise de Barré et Radet, créé au Vaudeville le 23 janvier 1799 sans succès. (Voir TROUSSON 2004: 15).

↑ 3 Le 25 octobre 1799. « Nous ne pouvons taire que, hier soir, au théâtre de la République, [Bonaparte] fut reconnu, quelque précaution qu’il eût prise pour se cacher ; qu’il fut applaudi de façon à ne pas lui laisser ignorer l’admiration qu’il inspire ; et que d’abord que Capello, dans les Vénitiens, eût juré la destruction du gouvernement de Venise, l’orchestre fit entendre le Chant du Départ, au milieu des applaudissements d’un enthousiasme universel. » La Clef du cabinet du 5 brumaire an VIII, rapport du bureau central du 4 Brumaire.

↑ 4 Les registres de la Comédie-Française à partir de la réunion de la troupe indiquent quinze reprises : 23 juillet 1799 (5 thermidor an VII), avec la distribution suivante : Vanhove (Contarini) ; Lacave (Priuli) ; Talma (Montcassin) ; Desprez (Lorédan) ; Berville (Pisani) ; Florence (Donato) ; Duval (le prêtre) ; Baptiste aîné (Capello) ; Mme Suin (Constance) ; Blanche (Mme Vanhove) ; 25 juillet 1799 (7 thermidor an VII) ; 3 septembre 1799 (17 fructidor an VII) ; 25 octobre 1799 (3 brumaire an VIII) ; 31 décembre 1799 (10 nivôse an VIII) ; 31 janvier 1800 (11 pluviôse an VIII) ; 29 mars 1800 (8 germinal an VIII) ; 3 mars 1801 (12 ventôse an IX) ; 7 mai 1802 (17 floréal an X) ; 1er juin 1802 (12 prairial an X) ; 4 août 1802 (16 thermidor an X) ; 3 décembre 1807 ; 23 décembre 1807 ; 4 janvier 1808 ; 3 février 1808. Je remercie Virginie Yvernault et Émilie Gauthier pour la collecte de ces données dans les registres en cours de numérisation : https://www.cfregisters.org

↑ 5 Arnault, « Avertissement en tête des Vénitiens », Œuvres complètes, La Haye, Imprimerie Belgique, 1818, t. 2, p. 125. La première fut retardée de cinq jours par le censeur Corderant à cause d’un passage – quatre vers faisant allusion à la fragilité des régimes injustes et sanglants et rappelant les séquelles encore vives de la Terreur (« Et malheur au pouvoir qui croit par l’injustice / De sa grandeur sanglante assurer l’édifice ; / Il croulera bientôt avec son faible appui, / Et le sang innocent retombera sur lui. » acte I, scène 1). Il jugea impossible la présence sur scène d’un « prêtre romain appelé pour faire un mariage dans une chapelle catholique décorée d’un autel avec tous les ornements d’usage […] sans réveiller l’esprit de fanatisme et d’opposition contre les institutions nouvelles pour la célébration des mariages ». Le censeur note en marge : « Point de prêtres, point de prêtres ! Ils sont encore parmi nous, ils nous tourmentent ; point de prêtres ! » (Voir AULARD 1902 t.V : 141 et TROUSSON 2004: 123).

↑ 6 Voir Geoffroy cité par Le Corsaire du 7 octobre 1826, p. 2.

↑ 7 Voir, entre autres, Dom Carlos (1672) et la Conjuration des Espagnols contre la République de Venise de Saint-Réal (1674), et les tragédies Venice preserved d’Otway (1682), Andronic de Campistron (1685), Manlius de La Fosse (1698), Venise sauvée de La Place (1746) – première tragédie française à situer son action à Venise –, Rome sauvée de Voltaire (1749).

↑ 8 Casimir Delavigne, « Examen critique de Marino Faliero », Œuvres complètes, seule édition avouée par l’auteur, Parie, Delloye et Lecou, 1836, t. 2, p. 274.

↑ 9 Il s’agit d’un trait historique trouvé par un ami (Maret) dans le périodique Les Soirées littéraires (t. III, p. 186-187)recueil d’anecdotes historiques publié entre autres par l’abbé Coupé et paru de 1795 à 1801. (Voir Trousson 2004: 119-121).

↑ 10 Dans ses Souvenirs d’un sexagénaire écrits trente-cinq ans plus tard, Arnault met plutôt en avant l’intrigue familière et bourgeoise (Voir FAZIO 2011: 96).

↑ 11 Voir TASSARA 1994.

↑ 12 Arnault, Préface des Vénitiens, Paris, chez Demonville, Imprimeur libraire, rue Christine, n°12, An Septième, p. xii. Une épître dédiée à « Buonaparte, membre de l’Institut », datée du 24 Brumaire an 7 (p. v-vi), enracine davantage encore la pièce dans le contexte des conquêtes militaires et de l’expansion de la France durant les campagnes d’Italie. L’épître est retirée des éditions suivantes. La seconde préface de 1818, pour ses Œuvres complètes, souligne qu’« une partie de la tragédie des Vénitiens a été composée à Venise même ; ainsi cette peinture de mœurs a-t-elle au moins le mérite de la vérité ». Arnault, « Avertissement », op. cit., p. 125.

↑ 13 Il est par la suite Membre de l’Institut, chef de division au Ministère de l’Intérieur, académicien, ministre de l’Instruction publique, enfin professeur à Polytechnique.

↑ 14 Le public a pu voir dans le conseil des Trois « un de ces tribunaux redoutables qui frappent dans l’ombre & en silence » (L’Esprit des journaux français et étrangers, t. II, novembre 1798/brumaire an VII, p. 226-235) faisant écho à la Terreur, voire à la réorganisation du Directoire après 1795 dont le Bureau central du ministère est composé de trois membres. Plus tard, la pièce a pu entrer en résonance avec le Directoire cisalpin qui entraîna la révolte du conseil des Séniors et des Juniors, suivi de la menace par la France d’un gouvernement militaire après le rétablissement de l’ordre par le général Brune le 8 juin 1798, en particulier dans les répliques de Constance, la confidente de Blanche, qui louent les victoires militaires de Montcassin en Italie, acte II, scène 1.

↑ 15 Arnault, Les Vénitiens, première édition citée, p. xiv-xv.

↑ 16 On trouve dans la même note des indications sur la répartition spatiale des personnages secondaires et des figurants pendant la scène d’exposition dans le décor spécifique de « la salle du grand-conseil, dans le palais de Saint-Marc » : Les principaux magistrats doivent être placés sur une estrade près du Doge, dont le trône est élevé sous un dais. / Le reste du conseil est indifféremment réparti sur des gradins. / Le chancelier doit avoir une place distinguée et un bureau particulier. / Les secrétaires sont auprès du doge ; les huissiers se tenaient debout. » Ibid.

↑ 17 Ibid. Voir aussi Arnault, « Avertissement », op. cit., p. 126-128.

↑ 18 Les Vénitiens, acte I, scène 1. L’espionnage présent des deux côtés est rappelé lors du procès à huis clos du cinquième acte par le juge Lorédan, acte V, scène 5. L’espionnage et le contre-espionnage sont indissociables dès les débuts de la Révolution. Voir les paroles du chant patriotique « Veillons au salut de l’Empire », écrites par Adrien Simon Boy (1768-1795), chirurgien en chef de l’armée du Rhin, sur une musique de Nicolas Dalayrac en 1792 : « Veillons au maintien de nos lois / Si le despotisme conspire, / Conspirons la perte des rois ». Œuvre lyrique créée à Paris, à l’Opéra du Théâtre de la Porte Saint-Martin, le 30 septembre 1792, représentée à l'Opéra jusqu'en 1799, et reprise sur scène en 1848.

↑ 19 Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 4e année, 1798, t. III, p. 550-555.

↑ 20 Les Vénitiens, acte IV, scène 5. Voir aussi la scène précédente.

↑ 21 Le choix d’un héros national à l’origine incertaine préfigure le héros romantique à la Ruy Blas ou Antony. Par son ascension sociale, Montcassin fait aussi allusion à la bonne fortune du général Bonaparte, dessinant les contours d’une tragédie bonapartiste étendue jusqu’au Paria de Delavigne (1821) : « Je l’obtiens donc ce rang que j’osai désirer ! […] / C’est que mes sentiments, bien plus que mes exploits, / Peut-être à tant d’honneur m’ont donné quelques droits. / Né pour l’indépendance, aux rives de la Seine, / Sujet d’un roi, mon âme était républicaine. / Aux bienfaits mendiés, aux serviles grandeurs, / Préférant de Venise et les lois et les mœurs […]. » Les Vénitiens, acte I, scène 1.

↑ 22 Dans Cinna, l’action se déplace à deux moments (entre les actes I et II, et entre les scènes 3 et 4 de l’acte IV). Corneille ne rétablit la liaison des scènes et de l’illusion qu’au prix d’une licence poétique : « Tout s’y peut passer, non seulement dans Rome ou dans un quartier de Rome, mais dans le seul palais d’Auguste, pourvu que vous y vouliez donner un Appartement à Émilie, qui soit éloigné du sien. » Corneille, « Examen de Cinna », éd. G. Forestier, Paris, Gallimard, « Folio classique », 2005, p. 39.

↑ 23 Les Vénitiens, acte III, scène 3.

↑ 24 Ibid., acte III, scène 2. L’idée qu’il faut débarrasser les lieux de la présence d’un étranger importun est bien présente dans le texte mais Montcassin est plus un indiscret qu’un espion.

↑ 25 L’Esprit des journaux français…, op. cit., p. 226-235.

↑ 26 Les Vénitiens, acte IV, scènes 6 et 7.

↑ 27 La presse prétend qu’Arnault a transformé un usage ancien en loi rigide et expéditive dont le conseil reconnaît l’erreur après coup, afin de renforcer la portée politique de la pièce. Voir le Magasin encyclopédique, op. cit. et TASSARA 1994. Arnault se justifie dans « De quelques Institutions politiques de la République de Venise », Les Vénitiens, éd. citée, p. vii.

↑ 28 Les Vénitiens, p. viii. Le mot est absent des autres œuvres d’Arnault, à l’exception d’un texte rapporté à sa comédie des Gens à deux visages (Œuvres complètes, op. cit., t. 3, p. 210).

↑ 29 « ESPION, s. m. (Art milit.)​​ est une personne que l’on paye pour examiner les actions, les mouvemens, &c. d’une autre, & surtout pour découvrir ce qui se passe dans les armées. Quand on trouve un espion dans un camp, on le pend aussitôt. Wicquefort dit qu’un ambassadeur est quelquefois un espion distingué qui est sous la protection du droit des gens. Voyez Ambassadeur. Chambers. » Encyclopédie, vol. V (1755), p. 971b, signé Q (Leblond). Voir aussi la définition stable de 1694 à 1798 du Dictionnaire de l’Académie, « Qui épie, qui se mêle parmi les ennemis pour épier, qui fait le métier d’épier. Nous avons de bons espions dans le camp des ennemis, dans la ville. On pend les espions quand on les découvre » (5e édition, 1798).

↑ 30 À partir de la 6e édition de 1835, on note une extension de la définition hors du domaine militaire, dans le sens du mouchard et aussi l’ajout d’un premier emploi au féminin.

↑ 31 Les Vénitiens, acte I, scène 1.

↑ 32 « Note 12 : Aux espions titrés… », Œuvres complètes, op. cit., p. 237.

↑ 33 Arnault, Œuvres, Paris, A. Bossange 1824-1827, 8 vol., t. 2, Note 12, p. 115-116.


 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN électronique 1824-7482