Publifarum n° 37 - Vie des théâtres et poésie dramatique du Consulat à la Restauration (1799-1823)

Coup d’œil sur les spectacles de 1799. Le point de vue de la presse

Sophie Marchand



Abstract

Francese  | Inglese 

Cet article examine la manière dont plusieurs journaux, généralistes ou spécialisés (Le Mercure de France, le Journal de Paris, la Décade philosophique, le Courrier des spectacles et le Journal des théâtres), rendent compte de l’actualité théâtrale de l’année 1799. Cette revue de presse révèle la manière dont la presse reflète et diffuse auprès de l’opinion publique les contours et les caractéristiques d’une pensée du théâtre – ou plutôt du théâtral – en un moment bien particulier, celui de cette fin du Directoire qui, par bien des aspects, se distingue de ce qui l’a précédé comme de ce qui va la suivre.


Étudier le théâtre à partir de la presse en se lançant dans sa lecture continue, c’est voir se déployer un autre point de vue sur cet art. Plonger dans un théâtre vécu au jour le jour et ancré dans la vie sociale et politique, celle de Paris du moins. Sur les journaux dépouillés pour la seule année 1799, trois sont des parutions généralistes – le Mercure de France, qui paraît tous les 10 jours, puis tous les 5 jours, le Journal de Paris, qui est un quotidien, La Décade philosophique – et deux autres des publications spécialisées quotidiennes : le Courrier des spectacles dirigé par Le Pan, et le Journal des Théâtres, de littérature et des arts, dirigé par Ducray-Duminil. Cette revue de presse, quoique partielle et résolument synthétique, révèle la manière dont la presse reflète et diffuse auprès de l’opinion publique les contours et les caractéristiques d’une pensée du théâtre - ou plutôt du théâtral - en un moment bien particulier, celui de cette fin du Directoire qui, par bien des aspects, se distingue de ce qui l’a précédé comme de ce qui va la suivre.

Cette exploration déjoue les attentes des lecteurs familiers des périodes antérieures, s’attendant à trouver dans ces pages d’une part un public éruptif, prompt aux applications politiques, un répertoire en prise avec l’actualité, Voltaire partout et à toutes les sauces, d’autre part, des journaux obsédés par la réunion de la Comédie-Française, seul événement marquant de cette année 1799 aux yeux d’une histoire du théâtre fondée sur une hiérarchisation tenace des institutions et un point de vue déterminé par le répertoire. Le paysage que l’on voit se déployer est, en réalité, tout autre et amène à réinterroger tant ce qui fait événement dans le présent de l’histoire que la manière dont l’histoire du théâtre se constitue selon des biais dont il convient de rendre compte.

La vie théâtrale de 1799, telle qu’elle est révélée par la presse, manifeste un très net recul de la fièvre civique qui caractérisait les spectacles de la Révolution. Les chants patriotiques sont exceptionnellement mentionnés1, la place accordée dans les comptes rendus de représentations à des événements extérieurs à la fiction apparaît très réduite. Le champ de la séance théâtrale s’en trouve considérablement rétréci, de même que le contenu des chroniques qui revient à leur forme nucléaire (résumé de l’intrigue, mention lapidaire du jeu des comédiens, évocation rapide et monotone d’une réception ritualisée). Certains éléments font imaginer une forme de censure discrète ou de contrainte. Ainsi, lors d’une représentation d’Adolphe et Clara des vers sont envoyés aux auteurs, que « les règlements de police n’ont pas permis de lire aux spectateurs2 ». Les journalistes ne s’étalent pas sur les interventions étatiques, qui, en l’état paraissent, lorsqu’elles sont évoquées, mystérieuses et arbitraires. Montano et Stéphanie, comédie mêlée d’ariettes fait partie des quelques pièces « suspendue[s] par ordre »3, ce que la seule Décade explique, en invoquant « des improbations assez ridicules, témoignées à l’aspect d’un autel catholique [qui] avaient fait craindre sans doute qu’on ne fît de cette situation un prétexte de trouble4 ». Mais de telles mentions restent rares et ces précautions semblent à la Décade bien pusillanimes5. Demeure surtout l’impression d’une certaine frilosité des commentateurs comme des administrateurs, et d’un désintérêt plus global pour les questions idéologiques. L’heure n’est plus à la fièvre politique. Voltaire en fait les frais : son Adélaïde du Guesclin, jugée par le journaliste, potentiellement « dangereuse » par « les circonstances malheureuses qui livrent le public à l’esprit de parti », subit des coupures, orchestrées par Mahérault, « commissaire nommé par le Directoire pour la surveillance des théâtres », dont Le Pan loue l’habileté et le bon goût. La pièce est ainsi généralement applaudie6. Et lorsqu’on remet Tarare, on constate que ce que Beaumarchais a mis dans sa pièce contre les abus de la monarchie absolue n’est plus d’actualité et que « le drame privé de l’intérêt que lui donnait l’époque de sa naissance » est réduit à « son mérite intrinsèque », qu’on juge peu de chose7. La Décade philosophique célèbre, en revanche, en M.-J. Chénier un auteur « qui ne fait point […] fléchir son opinion et son talent sous la couleur mobile du jour » et dont les « solides beautés » ont su s’épurer « au creuset du temps8 ». Quand une pièce est jugée de circonstances, elle renvoie généralement à des modes, comme Gilles aéronaute, où l’on « trouve nombre de traits faisant allusion aux voyages aériens9 ».

Il faut attendre l’automne pour voir apparaitre des applications, encore rares, à l’actualité politique. Ainsi, le 22 brumaire, on applaudit un vers de la comédie des Femmes politiques : « la séance d’hier fut très intéressante10 ». C’est à l’automne encore qu’on trouve une résurgence des pratiques qui caractérisaient la politique culturelle révolutionnaire : Mahérault décrète que la comédie des Précepteurs de Fabre d’Églantine sera imprimée aux frais de la République, et envoyée à toutes les administrations centrales, avec invitation de la faire jouer le jour de la Fête de la jeunesse11. Mais il semble bien passé le temps de l’utopie civique du théâtre. Le 8 octobre, le Journal de Paris publie la réaction d’un lecteur agacé par la proposition faite lors d’une séance du Portique républicain, « d’établir des troupes de comédiens ambulants comme moyen de détruire le fanatisme dans les campagnes ». Sceptique, le lecteur réclame qu’on lui explique « les moyens de payer ces comédiens12 ». La mode est désormais au pragmatisme commercial.

Deux moments voient, malgré tout, ressurgir des formes pas si anciennes d’interconnexion entre vie des spectacles et actualité politique. Le premier est l’assassinat des « ministres pacificateurs » français à Rastatt. Entre le 11 mai et le 16 juin, les scènes parisiennes retentissent de l’indignation patriotique : on ajoute des vers à une pièce sur Voltaire13, un couplet à la Revue de l’an VI au Théâtre des Troubadours14, que les journaux s’empressent de citer, tout comme ils se font l’écho du projet de Camaille de Saint-Aubin de donner à la Gaîté une pièce mettant en scène « la loyauté française mise en opposition avec la perfidie autrichienne15 » et de sa première représentation16. Le Théâtre des Jeunes Artistes17, l’Ambigu comique, le Théâtre de la République et des Arts emboitent le pas à leurs concurrents, avec des succès variables, selon que ces pièces « dont l’intrigue se trouve partout18 » agrémentent ou non leur mérite patriotique du feu qu’apportent la pantomime, les grands moyens spectaculaires et les chants. Curieusement, alors que le Directoire exécutif ordonne que « l’artiste qui a remporté le premier prix de peinture dans le dernier concours [prenne] pour sujet du tableau qu’il doit livrer au gouvernement l’assassinat des ministres19 », nulle prescription de ce type ne touche le théâtre, que la politique culturelle semble reléguer au rang d’un art secondaire. 

La floraison de pièces de circonstances consacrées à la journée du 19 Brumaire et consacrant la figure de Bonaparte, qui constitue le deuxième moment de résurgence d’un théâtre explicitement politique, a été bien analysée par Paola Perazzolo20. Elle est précédée, dès octobre, de petites pièces ou de vers célébrant le retour du héros21. À partir du 15 novembre, les « bagatelle[s] faite[s] et apprise[s] en un jour »22 transposant l’événement se multiplient23. La réception journalistique les assimile à des « bluettes » et se cristallise sur les couplets24. Même si ces pièces donnent parfois lieu à des cérémonies qui rappellent les grandes heures du début de la Révolution (comme le couronnement sur scène par l’auteur de La Girouette de Saint-Cloud du brigadier, héros du fait historique), ce retour du refoulé politique témoigne, en réalité, d’un changement de nature. Outre qu’il est rapidement mis un terme à la représentation des pièces exaltant Bonaparte25, les commentaires de la presse de 1799 se distinguent en ce qu’ils font part égale à ce qui relève des enjeux politiques d’un théâtre d’actualité et à sa mise en œuvre spectaculaire et musicale26, évolution dont témoigne également l’insertion artificielle de vers en l’honneur de Bonaparte au sein d’un vaudeville représentant un saut en parachute27. L’histoire n'éclipse jamais totalement le spectacle et de nombreux couplets frappent par leur dimension métathéâtrale28. Théâtre et réalité ne fusionnent plus dans la célébration cérémonielle de l’événement. Cette salve de petites pièces sanctionnant un moment conçu comme achevant la révolution29 referme, dans le même mouvement, une certaine manière pour le théâtre d’être politique30.

Que trouve-ton, dans la presse de 1799, en lieu et place de ce théâtre familier et attendu ? 

Deux événements monopolisent l’attention des journalistes. Le premier est le succès que remporte l’adaptation de Misanthropie et Repentir de Kotzebue. Il n’est, jusqu’en octobre, guère de livraison qui n’évoque le drame allemand. La presse, dans un premier temps souligne le succès exceptionnel de la pièce, qui attire les foules à l’Odéon31. Après l’incendie de ce théâtre, elle continuera à remplir les caisses de ses sociétaires devenus comédiens ambulants32, avant de faire recette dans les départements33. C’est cette pièce que les acteurs jouent de préférence lors des représentations au bénéfice de leurs camarades dans le besoin : l’événement littéraire est aussi une affaire commerciale. Les discours sur Misanthropie et Repentir excèdent très tôt les bornes de la fiction dramatique. Dès janvier, les rédacteurs insèrent des lettres témoignant de la réception inédite du drame, qui, d’anecdote en anecdote, se voit crédité d’autant de fiançailles rompues que de réconciliations conjugales et de divorces, et devient le support d’une véritable casuistique34. Faut-il, comme l’héroïne, avouer qu’on a trompé son mari ? Faut-il, quand on est une femme, pleurer ou non au spectacle de la pièce ? Le débat, prétexte à une puissante misogynie, fait rage, les livraisons successives égrenant les composantes d’une taxinomie réceptrice qui témoigne de l’inscription de la fiction dans les débats de société35. Ces anecdotes donnent à leur tour naissance à de petites pièces qui mettent en scène les effets de Misanthropie ou Repentir36, avec un succès variable, mais toujours une affluence record à la première. Vient ensuite l’heure de la parodie37. Un tel succès ne pouvait rester l’apanage d’une seule troupe. Les métapièces avaient eu le mérite d’associer le théâtre Louvois, le Vaudeville et le théâtre Montansier à l’aubaine de l’Odéon. Le théâtre du Jardin Égalité propose à son tour un Cadet Roussel Misanthrope et Manon Repentante38. Le travestissement n’est pas la seule stratégie par laquelle les « petits » théâtres empiètent sur le répertoire de l’ancien théâtre officiel. Le 15 fructidor, le Mercure annonce que le Théâtre des Jeunes Artistes a joué une autre adaptation du drame allemand que celle offerte à l’Odéon par Mme Molé39. L’affaire fait grand bruit : Julie Molé proteste40, mais la version de A. F. Rigaud apparaît comme victime de l’ancien système des privilèges et plaide en faveur de l’existence de plusieurs grands théâtres à Paris41. La pièce, qui occupe les journaux jusqu’à la mi-octobre, est plus qu’un fait de répertoire illustrant la reviviscence du drame et entraînant quelques commentaires germanophobes42 : son traitement met en lumière l’influence du théâtre sur les mœurs et interroge le paysage institutionnel de la vie théâtrale parisienne. Curieusement, ce succès est un hapax : les autres drames de Kotzebue, que les administrateurs s’empressent de faire représenter, sont globalement des échecs43.

L’autre événement que les journaux feuilletonnent est l’incendie de l’Odéon, qui se produit le 18 mars après une représentation. Le récit du sinistre et des efforts des pompiers, la liste des pertes humaines, matérielles et artistiques, occupent dans un premier temps l’opinion publique44, qui se soucie, dans un second, de savoir comment empêcher qu’un tel désastre se reproduise. Le 23 mars, un lecteur du Journal de Paris demande une loi sur la construction des théâtres et propose de déplacer ceux qui, construits en bois, sont trop voisins de la Bibliothèque nationale et de l’Opéra45. Un autre propose des recettes inspirées par la chimie pour éviter les incendies dans les salles de spectacle, que le rédacteur du Courrier avoue avoir essayées46. Le 25 mars, tous les journaux publient l’arrêté du Directoire exécutif qui instaure des mesures strictes de sécurité et prévoit que « Tout théâtre dans lequel [celles-ci] auront été négligées […] sera fermé à l’instant47 ». Le théâtre Louvois en fait les frais le 12 avril48, le Vaudeville le 2449. Le rédacteur du Courrier constate : « Lorsque nous avons détaillé, dans ce journal, les causes qui nous paraissaient devoir amener la perte des théâtres à Paris, nous étions loin de penser que le feu dût être leur principal destructeur. […]. Il y a six mois on pouvait compter sur cette feuille quinze théâtres ouverts tous les jours, aujourd’hui ils sont réduits à moins de moitié50 ». La crainte des incendies donne, en outre, lieu à un nouveau type de désordre dans les salles, qui n’a rien à voir avec l’effervescence politique du début de la Révolution. Régulièrement, chroniqueurs et directeurs de théâtre rapportent qu’une représentation a été interrompue par des gens criant « au feu », suscitant la panique dans le public. Ces fausses alertes sont en fait orchestrées par des malveillants qui vont jusqu’à répandre, au moyen de parcelles de phosphore, une odeur de brûlé, afin de profiter de la cohue pour voler les spectateurs51. Au-delà de son aspect anecdotique, l’épisode est révélateur de l’insertion du discours sur le théâtre dans une réflexion plus large sur l’architecture et la vie urbaine52.

Mais l’incendie de l’Odéon inaugure surtout un fil narratif pathétique consacré aux pérégrinations de la troupe des sociétaires de ce théâtre, devenus comédiens errants, qui se révèle hautement symbolique des mutations en cours dans le paysage dramatique parisien. Le public, très attaché à ces acteurs, s’émeut d’autant plus de leur sort que l’incendie est présenté sous un jour tragique : « Un travail infatigable leur avait fait surmonter les obstacles de la localité [le faubourg Germain, éloigné du centre de Paris et des autres théâtres], et ils étaient parvenus à force de zèle et de soins à ramener le public à un théâtre qui paraissait pour jamais abandonné53 ». Ces rescapés des anciens théâtres privilégiés survivent désormais grâce à la générosité de troupes jouissant d’un capital symbolique tout autre, issues des boulevards ou chargées d’un répertoire jugé moins noble. Ils sont d’abord accueillis, grâce à l’entremise de François de Neufchâteau, au théâtre Louvois54 puis, en mai, à l’Opéra-Comique National de la rue Favart55, au théâtre de la République et des Arts, en alternance56, puis au Théâtre de la Cité57. Si cet exil est d’abord triomphal, ponctué d’ovations attendries et de couplets de circonstances58, la succession des lieux finit par signifier la déchéance de l’ancienne troupe officielle qui, en dépit de la présence de Raucourt dans les rôles qui ont fait sa réputation, de la reprise de Misanthropie et Repentir, et malgré l’appui des autorités, ne semble plus trouver sa place nulle part. Le Journal de Paris, en novembre, exhorte « cette estimable réunion à s’occuper sans relâche, et pour ainsi dire exclusivement à tout autre projet, de celui de trouver un local59 ». La geste pathétique vire à l’amertume et presque à l’humiliation lorsque la troupe se trouve expulsée du théâtre de la Cité à la demande d’un co-propriétaire du local. L’affaire pourrait être portée en justice, mais, comme le souligne le Courrier : « Melpomène aime mieux céder que de voir des juges prononcer entre elle et les chevaux de Franconi60 ».

L’épisode et son traitement sont emblématiques de ce qui joue en ce moment 1799, et révèlent la reconfiguration en cours de la cartographie symbolique des institutions théâtrales. Malgré la loi de liberté des théâtres, la multiplication des salles et les scissions et réunions successives de l’ancienne Comédie-Française61, le paysage parisien demeure marqué par la hiérarchie prérévolutionnaire entre théâtres officiels et théâtres non-officiels. Cette permanence se lit à la première page des journaux, qui annonçant les spectacles du jour, observent un ordre quasi immuable. Le Courrier des spectacles mentionne ainsi la programmation du Théâtre de la République et des arts (ancien Opéra),  du Théâtre Français de la République, de l’Odéon, « théâtre français du faubourg germain », puis celle du Théâtre Favart, du Feydeau, du Vaudeville, du Théâtre Montansier, du Théâtre de la Cité Variétés et de la pantomime nationale, du Théâtre d’Émulation, du Théâtre de l’Ambigu-Comique, du Théâtre des Amis des Arts et des Élèves de l’opéra-comique, ci-devant Molière, du Théâtre des Jeunes Artistes, du Théâtre de Louvois. Plus rarement sont annoncées les pièces du Théâtre du Marais et les Fantasmagories de Robertson. À partir du mois de juin, avec l’ouverture des bals et des promenades, l’espace manque en page 1 et l’on bascule en page 4 les annonces concernant Tivoli, Frascati, l’Élysée, les tours d’aérostat, les feux d’artifice etc. Malgré cette extension du domaine du théâtral entérinée par les journaux, seuls les premiers théâtres voient la distribution des pièces mentionnée62. Dans le premier numéro de son Journal des théâtres, Ducray-Duminil rappelle la primauté des spectacles issus de la Comédie-Française, dont « l’ancienne tradition, ce feu sacré […] ressort caché de cet ensemble parfait ». Mais il remarque, en même temps, que « Cette société, ainsi réunie, est malheureusement bornée à un répertoire connu : elle monte peu de nouveautés » et constate, amer : « elle est si avantageuse la facilité de faire des pièces à combat, à diables, à magiciens, et ce genre d’ouvrages rapporte avec cela plus d’argent en un mois que n’en produit en un an la meilleure tragédie. C’est ainsi que le mauvais goût tue ou décourage le génie ». Si l’Odéon demeure le temple de Melpomène, la tragédie est concurrencée par les autres théâtres, qui offrent à l’envi épigrammes et couplets « du petit vaudeville malin63 ».

La supériorité des anciens théâtres privilégiés est sans cesse rapportée à l’unité qu’offre à leur troupe l’habitude du sociétariat, envisagé comme le gage non seulement d’une certaine harmonie collective mais d’un souci commun de la satisfaction du public. Voilà ce qu’on attend de ces théâtres, en sus d’un effort pour maintenir vivant le répertoire dans la « remise des anciens chefs-d’œuvre64 ». Le partage des théâtres tient beaucoup à la compétence reconnue à leurs acteurs respectifs : le talent des anciens comédiens privilégiés fait figure d’autorité, avec laquelle ne semblent pouvoir rivaliser les acteurs des théâtres secondaires, souvent venus des départements, condamnés, pour la plupart à la charge comique, à la pantomime, aux tours d’adresse et parfois concurrencés par les chevaux de Franconi. En cette année 1799, la pénurie de bons acteurs se fait sentir partout65. Certains théâtres se constituent, à leur tour, en sociétés dramatiques66, d’autres, dans la lignée des théâtres des jeunes artistes ou des jeunes élèves qui se multiplient, ouvrent des écoles afin de « faire revivre un art dont la décadence sensible annonce la mort prochaine67 ». Elle paraît en effet bien fragile et bien vieillissante, la troupe des anciennes étoiles du Français68. Les journaux rappellent que tant que Paris ne peut pas compter un Théâtre-Français stable, « les villes des départements jouissent partiellement des acteurs dont la réunion faisait jadis la richesse de la capitale69 ». Talma, Mme Vanhove, Larive, Mlle Contat sont cesse annoncés comme jouant en province ou sur le départ, par des journaux qui tiennent la chronique de ce mercato des acteurs, contraints à des pratiques professionnelles nouvelles70. Saint-Fal et Mlle Simon vont même s’engager à Rouen, sous la direction du citoyen Michu, ancien acteur du théâtre Favart71. À la réunion, une grande partie des têtes d’affiche manque encore72 et les journaux de s’exciter, souvent en vain, à la rumeur d’un possible retour de Molé, Fleury ou Contat73.

Si les ci-devant théâtres privilégiés, envisagés plutôt sous l’angle de la troupe que sous celui de leurs rapports avec l’État, font encore l’objet d’une dévotion notable, c’est sur le mode nostalgique du respect dû à des anciens prestigieux mais un peu désuets, vestiges d’un autre âge. En même temps que se fait régulièrement entendre un appel à la réunion du Théâtre-Français, s’exprime dans les journaux la nécessité d’une réforme. À la suite d’une représentation de Charles IX, un lecteur déclare qu’il « est à désirer que nos modernes auteurs entrent en lice dans cette nouvelle carrière » et s’emparent de l’histoire de France, « champ vierge pour ainsi dire74 ». Mais, plus globalement, c’est l’institution qui doit se réformer : réunir la Comédie-Française, ce n’est pas revenir au théâtre d’Ancien Régime, pas plus que célébrer ses Sociétaires ne signifie, pour le public et les auteurs, accepter de se soumettre de nouveau à leur pouvoir arbitraire. En janvier, le compte rendu du concours pour recruter le complément de l’orchestre du Théâtre de la République et des Arts célèbre le moment présent comme celui « où le talent, en obtenant tout de lui-même, ferme la porte à l’intrigue, […] et aux caprices de l’homme puissant » et proclame « l’indépendance de tous les arts75 ». Et lorsque les journaux évoquent, avec parcimonie et de manière souvent allusive et peu informée, les progrès du projet de réunion du Théâtre-Français, orchestré par Maherault76, les réactions sont sans équivoque. Presque tous les journaux publient, fin mars, une pétition des auteurs dramatiques au Directoire, dans laquelle ces derniers soulignent le progrès qu’a représenté la Révolution, refusant le retour à un théâtre unique, associé au privilège et contraire à la liberté des théâtres, et plaident pour une concurrence encadrée qui produirait l’émulation et le succès77. Un lecteur propose pour sa part que le choix du répertoire nouveau soit confié à « un jury choisi parmi les membres composant la classe de littérature de l’Institut national » et que les pièces y soient présentées de manière anonyme, afin que « les hommes de lettres n’[aient] plus à redouter l’esprit de parti78 ».   

Pourtant, lorsque le Théâtre Français de la République rouvre le 29 mai 1799, c’est dans une salle où l’on a « fait peu de changements79 » et où l’on représente Le Cid et L’École des femmes, avec l’approbation d’un lecteur dont le pseudonyme est « le vieil amateur du café Procope80 »Et lorsque, par la suite, les journaux reviennent sur l’actualité de ce théâtre, c’est souvent pour annoncer des représentations au profit des anciens acteurs retirés […] réduits à la plus douloureuse indigence81 ».

On ne renoue pas si facilement la chaîne des temps et des imaginaires du théâtre. La lumière de l’ancien mythe s’affaiblit, éclipsée par l’éclat nouveau de spectacles issus des théâtres secondaires, auxquels les journaux font une place de plus en plus grande et vis-à-vis desquels leur discours, au départ fortement teinté de conservatisme, évolue sensiblement. Si les anciens théâtres officiels conservent la première place sur les affiches de première page, cette préséance cède à l’intérieur des journaux. Primauté étant donnée à la chronique des nouveautés, la tête de la page 2 est souvent occupée par le Vaudeville ou d’autres théâtres, moins littéraires, mais plus prolifiques82. Si le dédain semble encore de mise devant « la lutte de mauvais goût qui introduit sur la scène les diables, les spectres et les revenants83 », si l’on déplore que le public réclame […] des monstruosités au lieu de la tragédie84, que les textes soient remplacés par des pantomimes et que les spectateurs exigent « des combats, des sauts d’équilibre et des arlequinades85 » et, au lieu de danse, des tours de force86, les discours sur la décadence semblent cependant nuancés87, prenant acte d’une reconfiguration en cours. Le Mercure annonce que, « tout en s’attachant principalement aux bons théâtres », il n’oubliera « point ceux qui viennent ensuite », qui « méritent une attention que l’orgueil plutôt que la justice leur a toujours déniée88 ». Le Courrier constate que « de tous temps on a vu jouer sur les théâtres des Boulevards des pièces qui, avec quelques corrections, n’auraient pas été tout-à-fait indignes de paraître sur les grands théâtres89 ». L’Ambigu-comique90, le Montansier91 se voient aussi réhabilités, et un lecteur écrit s’être rendu à la Gaîté et y avoir révisé son jugement, réclamant qu’on lui permette, « après avoir admiré Agamemnon, d’aller voir les sauteurs de la citoyenne Nicolet, ou les chevaux de Franconi92 ». Telle est la position du Mercure, qui revendique de « faire marcher en même temps l’histoire des lettres et celle des mœurs » et se sent le devoir d’apprendre aux lecteurs de province où va la préférence du public parisien93. La Décade, quant à elle, prenant ses distances avec la posture critique du « frondeur, mécontent de son siècle », constate « la supériorité du moment actuel » : « après la chute d’un arbre majestueux que le temps a déraciné, s’élève, dans le champ qu’il ombrageait, une foule de rejetons, tous faibles à la vérité, mais qui du moins rappellent son existence. Se contenter de ce qu’on a […] paraît le parti le plus sage et le plus philosophique94 ».

Les journaux entérinent les mutations d’un théâtre qui semble résolument entré dans l’ère du plaisir, du divertissement et du libéralisme économique. La liste des nouveautés fait la part belle aux pantomimes et pièces à grand spectacle, aux pièces en musique, qu’elles soient petites comédies ou drames95, aux « bluettes » de tout genre96  et, singulièrement, en cette année 1799, aux petites pièces anecdotiques célébrant les auteurs du passé, dans lesquelles se spécialise le Vaudeville, bientôt concurrencé par d’autres théâtres. Chaulieu, Racine, Scarron, Ninon de Lenclos, mais aussi, pour le XVIIIe siècle, Piron, Favart, Vadé, Romagnesi, et Voltaire97 paraissent sur scène faisant dire au Mercure que « bientôt nos théâtres seront une galerie vivante où la jeunesse viendra admirer les principales actions des hommes célèbres98 ». Pour l’heure, il est pourtant moins questions de biodrames moraux ou politiques que de bluettes peignant dans leur intimité domestique des auteurs qui incarnent la légèreté et un certain esprit français d’Ancien Régime99.

Cette vogue est révélatrice du principal phénomène caractérisant le répertoire de 1799. La production théâtrale semble être entrée dans l’ère de la reproductibilité technique. En employant ce vocabulaire délibérément anachronique, il s’agit bien de souligner à quel point la création s’inscrit dans une entreprise théâtrale qui fonctionne selon la loi des séries et de la concurrence libérale. Trois pièces sur Ninon de Lenclos sont jouées cette année, reprenant les mêmes anecdotes100. Si le Courrier explique cette production sérielle et concurrentielle en arguant qu’il est « si difficile de donner du neuf au théâtre qu’il faut bien prendre pour tels des ouvrages qui souvent ressemblent à bien d’autres101 », d’autres justifications se font entendre, qui soulignent le goût du public pour les intrigues stéréotypées et les sujets à la mode. Ainsi, à propos de la première de La Prisonnière, opéra en un acte, le Mercure constate : « Le Prisonnier et Les Deux Prisonniers, opéras charmants, représentés sur le théâtre de l’Opéra-comique national […], avaient obtenu le succès le plus brillant ; et il était hardi, après ces deux ouvrages, d’en annoncer un nouveau sous un titre à peu près semblable : mais cette audace n’a plus paru telle quand on a connu le nom des auteurs.  Leur réputation […] avait même attiré un concours si nombreux de spectateurs, qu’à six heures on avait peine à trouver une place102 ». Il n’est pas rare de voir que tel drame, dont « le fond n’offre rien de neuf » et les moyens secondaires « sont même un peu communs » a obtenu un « succès complet103 ». La valeur ne se mesure pas à l’originalité des créations, ce que justifie encore le succès de la série des Jocrisse104 ou la vogue des pièces présentant un acteur comique seul en scène105.

Cette loi des séries ne relève pas forcément du plagiat, mais fragilise incontestablement une position auctoriale qui avait pourtant fait l’objet de nombreuses avancées législatives dans la décennie précédente. Innombrables sont, dans les journaux, les lettres insérées d’auteurs soucieux d’affirmer la paternité de leur œuvre et usant des colonnes pour rendre publique l’existence de pièces qu’ils sentent menacées par le régime concurrentiel, la malveillance des entrepreneurs ou la désorganisation des théâtres. Certains écrivent parce qu’ils apprennent qu’une pièce portant sur le même sujet que la leur va être jouée avant sur un autre théâtre, et qu’ils craignent d’être ensuite accusés de plagiat106. D’autres s’inquiètent du fait que leur texte, accepté par un théâtre, a été perdu et, résumant son intrigue, espèrent empêcher d’autres salles d’accueillir la pièce si elle leur est soumise de manière malhonnête107. La plupart gardent l’anonymat. Il est intéressant de remarquer que la presse non seulement joue, dans ces revendications, un rôle de diffusion de l’information, mais qu’elle assume auprès de l’opinion publique le rôle d’arbitrage que la puissance étatique ne semble plus pouvoir assurer. Dans cette typologie des angoisses auctoriales se révèle aussi quelque chose que confirme la discrétion des réactions à la mort de Beaumarchais. Les articles qui saluent sa carrière sont rares108, et la seule pièce jouée en sa mémoire, Beaumarchais aux Champs-Élysées est donnée au Théâtre des Jeunes Artistes109. Et c’est en vain que la Décade, toujours soucieuse du respect dû aux auteurs, réclame que l’on célèbre par « un hommage séculaire l’anniversaire de la mort de Racine le 22 avril 1699110 ». L’heure n’est plus à la célébration de l’écrivain grand homme111.

Le changement de régime qui affecte la création dramatique redistribue nettement les cartes entre les divers actants de la vie théâtrale. On a déjà parlé des acteurs, devenus pour certains héros d’un drame pathétique, pour d’autres pions d’un mercato souvent cruel, et des auteurs, qui figurent généralement en pauvres hères, que le public n’appelle plus rituellement à la fin de la représentation que pour confirmer leur histrionisation. L’État, instance essentielle de la vie théâtrale sous l’Ancien Régime et dans les premières années de la Révolution, semble très effacé, sinon impuissant à réguler un monde dont il s’est désinvesti112. La presse rend compte d’un nouveau règlement du Département de la Seine pour assurer la moralité des spectacles et encadrer les entrepreneurs de spectacles113, qui est reçu dans l’indifférence générale, malgré une nouvelle adresse publique un mois plus tard114. Ceux qui occupent désormais les colonnes et semblent régir le monde de la scène sont les entrepreneurs de spectacles, représentants d’une administration assumée comme commerciale. La presse rend compte de leurs carrières (et parfois de leurs malversations115) et ouvre ses pages à leurs querelles116 et leurs stratégies publicitaires117. Se déploie ainsi le tableau d’un paysage conflictuel118, qui esquive souvent les questions artistiques au profit d’informations administratives. À partir du mois de mars, le Mercure, qui s’était toujours signalé par une approche littéraire du théâtre, propose dans presque chacune de ses livraisons une rubrique « Bulletin des théâtres », consacrée à ces dessous de la vie théâtrale. Le lecteur y apprend tout sur les transactions financières et immobilières entre directeurs de spectacles119, le montant de l’impôt prélevé sur les recettes des théâtres120, l’engagement des acteurs, jusqu’aux soupçons, pré-me too, pesant sur certain directeur qui serait « dans la louable habitude de n’engager aucune actrice, qu’il n’ait d’abord jugé, par lui - même, si elle est en état de remplir parfaitement les rôles passionnés qu’il a dessein de lui confier121 ». Le journal expose tout, et fait de l’opinion publique l’arbitre d’un monde dont il lui ouvre les coulisses. 

Plonger dans la presse de 1799, c’est donc voir surgir un théâtre peu connu, souvent éclipsé par ce qui le précède et par ce qui le suit, et qui s’explique, dans une certaine mesure, par rapport à eux. Une mutation profonde est en cours, qui sera certes ralentie par le moment napoléonien, mais qui annonce, par bien des aspects, l’évolution du champ dramatique au XIXe siècle122 et jusqu’à la partition contemporaine que nous connaissons entre théâtre public et théâtre privé. Le coup d’œil est instructif et invite non seulement à réinterroger les contours de ce que nous appelons théâtre mais à envisager autrement l’histoire de cet art. 


Note

↑ 1 Journal de Paris (désigné par la suite par JP), 18 nivôse VII (7/01/99), p. 2. Peut-être parce qu’ils sont devenus obligatoires.

↑ 2 JP, 26 pluviôse VII (14/02/99), p. 1, Mercure, journal politique, littéraire et dramatique, par une société de gens de lettres (désigné par la suite par M), 24 pluviôse an VII (12/02/99), p. 205.

↑ 3 M, 30 germinal an VIII, p. 211. Voir aussi Courrier des spectacles, journal des théâtres et de littérature (désigné par la suite par C), 18 vendémiaire VIII (10/10/99), à propos des Femmes politiques, p. 2.

↑ 4 Décade philosophique (désignée par la suite par D), 22, 10 floréal an VII (29/04/99), p. 239.

↑ 5 Voir aussi, à propos d’Adrien, D, 27, 30 prairial VII (18/06/99), p. 561.

↑ 6 JP, 19 ventôse VII (9/03/99), p. 4 ; C, 19 ventôse VII (9/03/99), p. 2.

↑ 7 JP, 30 messidor VII (18/07/99), p. 3-4.

↑ 8 D, 12, 30 nivôse (19/01/99), p. 172-173. Voir aussi, à propos du théâtre patriotique, 34, 10 fructidor (27/08/99), p. 430.

↑ 9 JP, 8 thermidor VII (26/07/99), p. 4.

↑ 10 C, 22 brumaire VIII (13/11/99), p. 3.

↑ 11 C, 26 vendémiaire VIII (18/10/99), p. 2 ; D, 3, 30 vendémiaire VIII (22/10/99), p. 173.

↑ 12 JP, 16 vendémiaire VIII (8/10/99), p. 3-4.

↑ 13 C, 22 floréal VII (11/05/99), p. 4.

↑ 14 JP, 27 floréal VII (16/05/99), p. 4 ; C, même date, p. 2.

↑ 15 C, 13 floréal VII (12/05/99), p.  4.

↑ 16 C, 1er prairial VII (20/05/99), p. 2.

↑ 17 C, 5 prairial VII (25/05/99), p. 2.

↑ 18 Ibid.

↑ 19 D, 29, 20 messidor VII (8/07/99), p. 116. Seront chargés de cette mission Girodet pour la peinture, Vernet, pour le modèle de la gravure, cette dernière étant réalisée par Bervick.

↑ 20 Paola Perazzolo, « Les « Journée[s] de Saint-Cloud » : les pièces de circonstance autour du coup d’état du 18 Brumaire », Revue italienne d’études françaises [En ligne], 11 | 2021, mis en ligne le 15 novembre 2021, consulté le 03 juin 2022. URL : http://journals.openedition.org/rief/7902.

↑ 21 Voir C, 29 vendémiaire VIII (21/10/99), p. 2 ; 5 brumaire VIII (27/10/99), p. 2 ; 6 brumaire (28/10/99), p. 2 ; 9 brumaire (31/10/99), p. 2.

↑ 22 JP, 24 brumaire VIII (15/11/99), p. 3.

↑ 23 JP, 25 brumaire VIII (16/11/99), p. 3 ; C, 24 brumaire (15/11/99), p. 3.

↑ 24 La Décade ne prend pas la peine de proposer une analyse séparée de ces pièces, qu’elle traite en bloc dans son numéro 6 du 30 brumaire VIII (21/11/99), p. 361, constatant que « de petits vaudevilles [sont] peu proportionnés à un si grand objet ».

↑ 25 À partir du 13 frimaire, selon Paola Perazzolo, art. cit.

↑ 26 Voir C, 26 brumaire VIII (17/11/99), p. 2.

↑ 27 C, 23 brumaire VIII (14/11/99), p. 2.

↑ 28 Expliquant, par exemple, que lorsqu’il s’agit de stigmatiser les intrigants on peut se passer d’intrigue dans sa pièce (C, 24 brumaire, 15/11/99, p. 3).

↑ 29 Voir P. Perazzolo, art. cit. et Th. Muret, L’Histoire par le théâtre, 1789-1851, Paris, Amyot, 1865, t. I, p. 188 : « Le Théâtre qui avait tant célébré la République, l’enterrait gaiement en couplets ».

↑ 30 C’est ce qu’explique le journaliste de la Décade : « nous sommes convaincus qu’un aussi beau jour que le 19 brumaire et l’heureux changement qu’il a produit ne doivent pas ressembler aux autres époques de la Révolution, toutes chantées et célébrées tour à tour ; et qu’il faut surtout exclure avec sévérité tout ce qui peut alimenter la haine des partis. […] Nous devenons trop grands pour n’être pas généreux et sages : les consuls veulent fortement l’oubli de toutes les dénominations injurieuses et l’affermissement des principes. […] jouissons du triomphe et ne le souillons pas (6, 30 brumaire VIII, 21/11/99, p. 361).

↑ 31 C, 16 pluviôse VII (4/02/99), p. 2 ; D, 11, 20 nivôse VII (9/01/99), p.100.

↑ 32 C, 2 prairial VII (21/05/99), p. 2.

↑ 33 C, 9 et 10 floréal VII (28 et 29/04/99), p. 2-3 ; 10 thermidor VII (28/07/99), p. 2.

↑ 34 Anecdotes : C, 12 pluviôse VII (31/01/99), p. 3, 20 pluviôse (8/02/99), p. 3, 7 ventôse VII (25/02/99), p. 3, 12 ventôse (2/03/99), p. 3, 16 germinal (5/04/99), p. 2, 29 prairial VII (17/06/99), p. 2 ; JP, 14 pluviôse (2/02/99), p. 4, 17 pluviôse (5/02/99), p. 3 ; M, 20 pluviôse VII (8/02/99), p. 142. Réflexions suscitées par ces anecdotes : C, 16 pluviôse (4/02/99), p. 3, 17 pluviôse (5/02/99), p. 2, 18 pluviôse (6/02/99), p. 2, 22 pluviôse VII (10/02/99), p. 3 ; JP, 17 pluviôse (5/02/99), p. 3 ; 4 ventôse (22/02/99), p. 3.

↑ 35 La vogue des anecdotes sur la pièce est telle qu’un correspondant se croit obligé de prévenir qu’« il n’y a ni Misanthropie ni Repentir dans l’anecdote [qu’il va nous] transmettre » (C, 14 ventôse VII, 4/03/99, p. 3).

↑ 36 C, 22 ventôse VII (12/03/99), p. 2 ; 27 ventôse (17/03/99), p. 2, 6 germinal VII (26/03/99), p. 2, 27 germinal (16/04/99), p. 2 ; JP, 28 ventôse (18/03/99), p. 2, 7 germinal VII (27/03/99), p. 470 ; M, 30 ventôse an VII (20/03/99), p. 203 ; 10 germinal (30/03/99), p. 56 ; D, 19, 10 germinal (30/03/99), p. 43-45.

↑ 37 JP, 24 germinal VII (13/04/99), p. 4 ; C, même date, p. 2.

↑ 38 M, 10 floréal VII (20/04/99), p. 63 ; C, 6 floréal VII (25/04/99), p. 2.

↑ 39 M, 15 fructidor, p. 121.

↑ 40 C, 15 thermidor VII (2/08/99), p. 2. Voir aussi C, 23 vendémiaire VIII (15/10/99), p. 3.

↑ 41 C, 16 messidor VII (4/07/99), p.  2.

↑ 42 JP, 17 thermidor VII (4/08/99), p. 4, D, 33, 30 thermidor (17/08/99), p. 371.

↑ 43 C, 13 thermidor VII (31/07/99), p. 2, 26 thermidor (13/08/99), p. 2.

↑ 44 JP, 29 ventôse VII (19/03/99), p. 2 ; M, 30 ventôse (20/03/99), p. 214.

↑ 45 JP, 3 germinal VII (23/03/99), p. 3-4 ; C, 4 germinal (24/03/99), p. 2 et 28 germinal VII (17/04/99), p. 2.

↑ 46 C, 3 germinal VII (23/03/99), p. 3. Voir aussi D, 20, 20 germinal (9/04/99), p. 109.

↑ 47 M, 10 germinal (30/03/99), p. 64 ; JP, 5 germinal VII (25/03/99), p. 1.

↑ 48 C, 23 germinal VII (12/04/99), p. 3.

↑ 49 C, 5 floréal VII (24/04/99), p. 2.

↑ 50 Ibid.

↑ 51 Le Montansier, le Marais, la Cité-Variétés, font les frais de tels incidents (C, 2 floréal VII, 21/04/99, p. 2, 11 germinal VII, 31/03/99, p. 2 ; JP, 2 floréal VII, 21/04/99, p. 2, 29 prairial, 17/06/99, p. 3 ; M, 20 floréal, 9/05/99, p. 141, 30 prairial, 18/06/99, p. 214, 30 germinal, 19/04/99, p. 212, 20 thermidor, 7/08/99, p. 170).

↑ 52 Dont témoignent d’autres articles demandant, par exemple, l’avancée de l’horaire des spectacles, pour permettre au public de rentrer chez lui à une heure décente et d’échapper ainsi à diverses formes de criminalité parisienne (JP, 13 vendémiaire VIII, 5/10/99, p. 3).

↑ 53 C, 29 ventôse VII (19/03/99), p. 2.

↑ 54 C, 30 ventôse VII (20/03/99), p. 2.

↑ 55 JP, 25 floréal VII (14/05/99), p. 3-4.

↑ 56 M, 20 germinal (9/04/99), p. 140 ; C, 14 germinal VII (3/04/99), p. 2.

↑ 57 JP, 25 prairial VII (13/06/99), p. 4 ; M, 30 prairial (18/06/99), p. 211, 20 messidor (8/07/99), p. 131.

↑ 58 JP, 2 germinal VII (22/03/99), p. 3, 25 floréal VII (14/05/99), p. 3-4.

↑ 59 JP, 13 brumaire VIII (4/11/99), p. 2.

↑ 60 C, 4 floréal VII (23/04/99), p. 2.

↑ 61 La dernière, sous l’égide de Sageret, ayant rassemblé, en 1798, les troupes de l’Odéon, du Théâtre Feydeau et du Théâtre de la République.

↑ 62 Même ordre pour le Journal des théâtres de littérature et des arts (désormais désigné par JT), qui est toutefois moins exhaustif, et pour le Mercure lorsqu’il jette un « coup-d’œil sur tous les théâtres » (20 thermidor, 8/07/99, p. 181).

↑ 63 JT, 1, 10 frimaire VII (30/11/98), p. 3.

↑ 64 JP, 19 ventôse VII (9/03/99), p. 4.

↑ 65 C, 11 pluviôse VII (30/01/99), p. 3 et 8 messidor VII (26/06/99), p. 2.

↑ 66 C’est le cas du théâtre lyrique de la Rue Feydeau (JP, 26 pluviôse VII (14/02/99), p. 2) et du théâtre de la Cité (C, 11 prairial VII, 30/05/99, p. 3).

↑ 67 C, 30 prairial VII (18/06/99), p. 3 ; M., 10 messidor (28/06/99), p. 70.

↑ 68 D, 26, 20 prairial VII (8/06/99), p. 490 : « une chose doit étonner ; c’est que le théâtre, qui ne compte guère parmi ses premiers talents que des acteurs déjà plus ou moins anciens, ne voie pas s’en former de nouveaux, surtout dans la tragédie ».

↑ 69 C, 17 floréal VII (6/05/99), p. 2.

↑ 70 C, 6 pluviôse VII (25/01/99), p. 2, 21 pluviôse VII (9/02/99), p. 2.

↑ 71 C, 7 messidor VII (25/06/99), p. 2.

↑ 72 C, 11 prairial VII (30/05/99), p. 2. 

↑ 73 C, 15 messidor VII (3/07/99), p. 3, 5 frimaire VIII (26/11/99), p. 2, 24 frimaire (15/12/99), p. 3, 6 nivôse VIII (27/12/99) (12/02/99), p. 2.

↑ 74 JP, 16 messidor VII (4/07/99), p. 1.

↑ 75 JP, 9 pluviôse VII (28/01/99), p. 3.

↑ 76 C, 16 pluviôse VII (4/02/99), p. 2, 24 pluviôse VII (12/02/99), p. 3, 29 floréal VII (18/05/99), p. 2, 11 prairial VII (30/05/99), p. 2, 12 prairial (31/05/99), p. 2 ; JP, 1er prairial VII (20/05/99), p. 2-3 ; M, 30 germinal VII (19/04/99), p. 213, 10 prairial (29/05/99), p. 64, 20 prairial (8/06/99), p. 129. La Décade philosophique semble mieux informée à propos de la réunion du Théâtre de la République, mais cultive le mystère : « On se borne à désirer que les obstacles soient bientôt levés, et qu’une nouvelle organisation assure à la fois son existence et sa durée. Les moyens sont si faciles : par quelle fatalité prend-on presque toujours la mauvaise route ? je le dirais bien ; mais il n’est pas temps et ce n’est pas mon affaire » (14, 20 pluviôse, 12/02/99, p. 307). Voir aussi n°15, 30 pluviôse (18/02/99), p. 368-369.

↑ 77 M, 10 germinal VII (30/03/99), p. 67-69 ; JP, 8 germinal VII (28/03/99), p. 2 ; C, 9 germinal (29/03/99), p. 3, 11 prairial VII (30/05/99), p. 2.

↑ 78 JP, 17 prairial VII (5/06/99), p. 3.

↑ 79 M, 20 prairial VII (8/06/99), p. 129.

↑ 80 JP, 13 prairial VII (1/06/99), p. 4.

↑ 81 JP, 6 vendémiaire VIII (28/09/99), p. 2.

↑ 82 Voir D, 16, 10 ventôse VII (28/02/99) : « Nul théâtre ne paraît sentir mieux combien son sort et ses succès tiennent aux nouveautés : elles s’y succèdent avec une rapidité qui, en développant coup sur coup toutes les ressources de l’esprit et de la gaieté française, pourrait néanmoins finir par blaser le public sur ce genre. […]. Nous n’y sommes pas encore » (p. 429).

↑ 83 JT, 1, 10 frimaire VII (30/11/98).

↑ 84 JP, 2 ventôse VII (20/02/99), p. 2.

↑ 85 C, 16 germinal VII (5/04/99), p. 2.

↑ 86 JP, 18 germinal VII (7/04/99), p. 4.

↑ 87 C, 8 ventôse VII (26/02/99), p. 2, 4 nivôse VIII (2512/99), p. 3 ; M, 13 pluviôse VII (1/02/99), p. 129, 15 fructidor an VII (1/09/99), p. 118.

↑ 88 M, Prospectus, janvier 1799, p. 3. Ces théâtres sont d’ailleurs parfois fondés à représenter le répertoire : voir M, 30 floréal VII (19/05/99), p. 208  et JT, 1, 10 frimaire VII (30/11/98).

↑ 89 C, 24 messidor VII (12/07/99), p. 2.

↑ 90 Almanach des spectacles de Paris ou calendrier historique et chronologique des théâtres, pour l’an IX, Paris, Duchesne, p. 44.

↑ 91 C, 8 thermidor VII (26/07/99), p. 2.

↑ 92 M, 1er ventôse VII (19/02/99), p. 63-65.

↑ 93 M, 20 ventôse VII (10/03/99), p. 131-132.

↑ 94 D, 36, 30 fructidor VII (16/09/99), p. 553-554.

↑ 95 JP, 26 vendémiaire VIII (18/10/99), p. 2.

↑ 96 Le mot revient presque quotidiennement dans le Courrier et souvent dans la Décade, qui constate que le théâtre en est fertile (14, 20 pluviôse, 8/02/99, p. 306).

↑ 97 C, 2 ventôse VII (20/02/99), p. 2 ; JP, 21 thermidor VII (8/08/99), p. 1, 16 fructidor (2/09/99), p. 2, 19 fructidor (5/09/99), p. 4, 25 fructidor (11/09/99), p. 4 ; C, 4 floréal VII (23/04/99), p. 2 ; M, 20 fructidor VII (6/09/99), p. 177.

↑ 98 M, 20 fructidor VII (6/09/99), p. 177.

↑ 99 À tel point que Voltaire semble un peu déplacé dans cette galerie. Pour la Décade : « ce personnage est un peu grand pour un si petit théâtre » (16, 10 ventôse, 28/02/99, p. 429).

↑ 100 JP, 16 fructidor (2/09/99), p. 2. Au Vaudeville, aux Troubadours et au Théâtre Montansier.

↑ 101 C, 2 messidor VII (20/06/99), p. 2.

↑ 102 M, 30 fructidor VII (16/09/99), p. 270. Les journaux soulignent régulièrement les ressemblances entres les pièces. Voir M, 20 pluviôse (8/02/99), p. 123-124, 25 fructidor VII (11/09/99), p. 221, 30 fructidor (16/09/99), p. 273 ; D, 14, 20 pluviôse (8/02/99), p. 306 (Le Rêve est « un réchauffé des Deux Tuteurs, de La Fausse Magie, de l’Opéra-Comique »)10 Floréal (29/04/99), p. 239-240). Sur ce phénomène, voir encore C, 5e jour complémentaire an VII (21/09/99), p. 4 : « Depuis que le théâtre est à peu-près devenu la bibliothèque des romans, il arrive que plusieurs auteurs, puisant tout à leur aise dans cette mine féconde, le même sujet se trouve souvent mis en pièce par plusieurs à-la-fois. Alors lettres des uns et des autres pour se défendre de plagiat, lesquelles vous avez la complaisance de publier dans votre feuille ». Ce que confirme la Décade (8, 20 frimaire VIII, 11/12/99, p. 487) : « Les vingt théâtres de Paris remplissent les feuilles quotidiennes de réclamations tendant à revendiquer la primauté de conception pour des sujets qu’aucun des réclamants n’a pourtant inventé ».

↑ 103 JP, 16 fructidor (2/09/99), p. 4.

↑ 104 M, 15 thermidor VII (2/08/99), p. 130.

↑ 105 C, 23 ventôse VII (13/03/99), p. 2 : « Encore un Gilles tout seul ! quelle manie ! Arlequin tout seul, Gilles tout seul, Jocrisse presque seul ».

↑ 106 C, 1er fructidor VII (18/08/99), p. 3, 6e jour complémentaire an VII (22/09/99), p. 2, 18 brumaire VIII (9/11/99), p. 2-3.

↑ 107 JP, 29 floréal VII (18/05/99), p. 2, 15 messidor VII (3/07/99), p. 4 ; C, 27 germinal VII (16/04/99), p. 3.

↑ 108 La Décade n’accorde pas même à cette nouvelle la première place de sa rubrique « Variétés » (25, 10 prairial VII, 29/05/99, p. 439-440).

↑ 109 C, 12 prairial VII (31/05/99), p. 4.

↑ 110 D, 17, 20 ventôse (10/03/99), p. 493.

↑ 111 La posture auctoriale, pour sa part, relève d’un traitement presque systématiquement comique. Finie l’époque de l’auteur roi. Les auteurs vont généralement par deux, cultivent l’anonymat, de crainte de la chute, et le rituel de célébrations que constitue l’appel de l’auteur sur scène inventé pour un Voltaire perd toute valeur par sa reproduction systématique.

↑ 112 C’est ce que montre Odile Krakovitch dans « La foule des théâtres parisiens sous le directoire ou de la difficulté de gérer l’opinion publique », Revue d’histoire du XIXe siècle, « Les foules au XIXe siècle », 1998, 17, p. 21-41.

↑ 113 M, 18 pluviôse (6/02/99), p. 136.

↑ 114 M, 30 ventôse VII (20/03/99), p. 212.

↑ 115 M, 10 germinal (30/03/99), p. 60.

↑ 116 C, 7 pluviôse VII (26/01/99), p. 3, 16 pluviôse VII (4/02/99), p. 2, 19 pluviôse VII (7/02/99), p. 2 ; JP, 19 pluviôse VII (7/02/99), p. 4.

↑ 117 Voir notamment la manière dont Sageret écrit systématiquement aux journaux et obtient des comptes rendus de son mémoire justificatif (JP, 4 fructidor VII, 21/08/99, p. 4, 10 frimaire, 1/12/99, p. 5, 18 frimaire, 9/12/99, p. 4, 22 frimaire VIII, 13/12/99, p. 3).

↑ 118 Qu’un lecteur, nommé Armand Charlemagne, propose de pacifier en créant un bureau d’agents pour les auteurs dramatiques, qui épargnerait à des derniers les négociations avec les entrepreneurs et les acteurs ; ce nouveau métier serait selon lui « la plus innocente et en même temps la plus utile des quinze ou vingt manières de vivre de l’esprit des autres » (C, 9 fructidor VII, 26/08/99, p. 2-3).

↑ 119 C, 5 pluviôse VII (24/01/99), p. 3 ; M, 20 ventôse (10/03/99), p. 130, 30 ventôse (20/03/99), p. 205.

↑ 120 M, 20 ventôse (10/03/99), p. 130.

↑ 121 M, 10 germinal, (30/03/99) p. 62.

↑ 122 Voir O. Krakovitch, art. cit., p. 21.


 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN électronique 1824-7482