Publifarum n° 38 - La représentation de la ville dans la bande dessinée

Le rôle et les enjeux de la ville en guerre dans la bande dessinée (Abirached, Merhej, Satrapi)

Elisa Bricco



Abstract

Francese  | Inglese 

Trois autrices, Zeina Abirached, Lena Merhej et Marjane Satrapi racontent la ville en guerre dans des bandes dessinées autobiographiques et mémorielles. Par l’analyse de quelques-unes de leurs planches on s’interrogera sur la relation de la narration de l’espace avec celle de l’espace dans la narration en tant que « décor-actant » (Robert, 2018). En s’appuyant sur les notions d’espace vécu, conçu et perçu (Lefevbre, 1974), on relèvera le passage de la ville de décor où se situent les événements à la ville décor-actant reflétant les états d’âme des personnes et participant à leurs expériences. La ville meurtrie par la guerre devient ainsi un personnage accompagnant les êtres humains.


La ville comme espace de vie dans la bande dessinée a été le sujet de l’exposition « Vicoli e ruelles. Rappresentazioni dello spazio urbano nel fumetto tra Italia e Québec » qui a eu lieu au Palais Ducal de Gênes en mars 2022 [Vicoli e Ruelles – Fondazione Palazzo Ducale]. Vingt-quatre bédéistes italiens et québécois y ont participé avec leurs planches, en démontrant l’emprise de la représentation de la ville dans leurs ouvrages et dans leur poétique. La ville y apparaît comme un lieu fondamental qui est au cœur de leurs narrations non seulement comme un espace de représentation, comme un décor où se déroulent les narrations, mais comme un véritable décor-actant ainsi que le postule Pascal Robert dans son récent ouvrage :

La ville n'est jamais un simple décor en bande dessinée. Elle n'est jamais un décorum (Pierre Fresnault-Deruelle), une sorte d'accessoire en fond de case qui n'aurait, en définitive, guère d'importance, car il ne participerait ni à la définition de la situation, ni au déploiement de la narration. Autrement dit, la ville relève de ce que nous avons appelé un décor-actant (Robert, 2018), pour dire un décor pleinement actif, acteur, un décor dont les propriétés jouent directement un rôle dans la définition de la situation (calme, étrange, etc.) et de la dynamique narrative. (Robert, 2022, 49)

La ville, l’espace urbain, participe à la mise en place des récits, et elle en est aussi l’un des sujets dans les narrations de Lorena Canottiere et de Sara Colaone par exemple (voir catalogue aux pages 70-81 Vicoli_e_Ruelles_ebook.pdf (unige.it)), où les personnages plongent dans un décor qui les entoure et qui contribue à la mise en place d’une situation tout en interagissant avec leurs mouvements et états d’âme.

Pour approfondir la réflexion sur le rôle de l’espace urbain dans la bande dessinée et à partir du constat que le récit en bande dessinée implique l’interaction de tous les éléments de la narration, je me pencherai sur les ouvrages de trois bédéistes qui ont rendu compte de leur expérience de la guerre dans des albums auto/biographiques. Marjane Satrapi dans Persepolis (2000-2003, en particulier le tome 2 de 2001), Zeina Abirasched dans Mourir, partir, revenir. Le jeu des hirondelles (2007) et Je me souviens. Beirut (2008), et Lena Merhej dans Laban et confiture (2011, tr.fr. 2018). Ces trois autrices affrontent le récit de leur enfance dans des pays ravagés par la guerre : l’Iran et le Liban des années 80, en fournissant des aperçus de la réalité extérieure envisagée par le regard et les sentiments de l’enfant qu’elles étaient. Le choix de ce corpus dérive du constat que les trois autrices optent pour le dessin en noir et blanc dans leurs récits mémoriels, que leurs expériences concernent des guerres contemporaines qui se sont déroulées dans des Pays du Moyen Orient plus ou moins dans les mêmes années et qu’elles mettent en place une narratrice qui expose les événements depuis sa position d’enfant témoin devenu adulte. Le choix des couleurs apparemment neutres permet de mettre à distance les faits racontés ; de reléguer la guerre et ses atrocités dans une absence de couleur, qui peut être la métaphore de l’absence de vie, de la vie en suspens et de la liberté niée des habitants des villes en guerre. En outre, le noir et blanc et le gris peuvent aussi se référer à la couleur des souvenirs et des rêves qui sont la source de ces récits autobiographiques à base mémorielle (Alary, Corrado, Mitaine, 2015 : 21).

En 2004, Jan Baetens rendait compte du fait que « [l]e devenir autobiographique de la bande dessinée reflète une tendance plus générale à la parole autobiographique, qui semble typique de notre culture postmoderne et de l'art contemporain en général » (en ligne). Ce simple constat situe les ouvrages dont je m’occupe dans une mouvance toute contemporaine qui prévoit le respect du pacte autobiographique théorisé par Philippe Lejeune (1975) : formé par la correspondance entre l’auteur, le narrateur et le personnage qui portent le même nom. Nul doute que ces récits sont des autobiographies parce que non seulement nous y repérons la correspondance entre les trois instances personnelles – autrice, narratrice, héroïne -, mais aussi celle de la représentation graphique de celles-ci présentant des traits caractéristiques : un grain de beauté sur le côté gauche du nez de Marjane et ses cheveux noirs, les cheveux frisés de Zeina, le visage large et les cheveux blonds de Lena. 

Dans ces ouvrages autobiographiques les correspondances graphiques et énonciatives citées ci-dessus n’empêchent pas la mise en place d’une narration qui se ressource aussi bien dans le personnel que dans le fictionnel. Dans leurs souvenirs, la ville participe aux vicissitudes des humains, elle endure les ravages causés par la guerre et enrichit, grâce à la visualisation, l’appréhension du lecteur sur les situations racontées. Mon propos s’articulera en trois moments : après un rapide aperçu sur les contextes et les enjeux de la création des récits autobiographiques en bande dessinée, je me pencherai sur les ouvrages étudiés de manière à vérifier l’hypothèse selon laquelle les décors ne représentent pas seulement des espaces où ont lieu les événements racontés, mais qu’ils participent à la mise en place du souvenir et à l’expression des sentiments des trois sujets narrateurs ; je terminerai en prenant en compte le rôle de la mise en place du récit mémoriel.

La narration graphique de la mémoire

Les albums des trois autrices sont des recueils de souvenirs et relèvent de l’écriture mémorielle : la structure fragmentée met en abîme le surgissement des souvenirs lorsqu’ils remontent à la surface et que l’on les pose sur le papier (ou la tablette graphique). Dans sa belle étude sur les Graphic Women, Hillary Chute a expliqué que « Unsettling fixed subjectivity, these texts present life narratives with doubled narration that visually and verbally represents the self, often in conflicting registers and different temporalities. » (Chute, 2010 : 5) Les albums que je prends en compte contiennent des représentations du moi et des événements remémorés qui varient entre le témoignage et la reconstruction de celui-ci : normalement la narratrice adulte prend en charge le récit et l’autrice le dessin des souvenirs d’enfance. En effet, la reconstitution du passé par la mémoire présente toutes les caractéristiques de l’écriture mémorielle : les souvenirs sont juxtaposés, parfois de manière non linéaire mais suivant les sentiers retors et aléatoires de la remémoration. En outre, la triade identitaire de l’autobiographie (Lejeune, 1975) se développe et s’éparpille permettant des jeux énonciatifs, que l’on repère par l’analyse des planches, où les différentes instances du moi assument des positions différentes. Chez les trois autrices du corpus, la présence de l’instance auctoriale est visible dans la mise en image des souvenirs et dans la construction du récit aussi : « The authors revisit their pasts, retrace events, and literally repicture them. » (Chute, 2010, 2). En fait il est clair que ce sont les yeux et la sensibilité de l’enfant qui guident la mise en scène du passé chez Abirached, Merhej et chez Satrapi aussi, bien que chez cette dernière le parcours existentiel soit plus long se déployant de l’enfance à l’âge adulte, mais je me concentrerai plus en détail sur le second tome de l’ouvrage où il est question de la guerre entre Iran et Irak.

Les quatre tomes de Persepolis présentent des séquences titrées comportant de sept à dix planches (sans doute ce format est redevable de la première séquence parue en 1999 dans le magazine Lapin, publié par l’Association), où on raconte des événements de l’histoire familiale et personnelle de Marjane dans un parcours diachronique. La place de la narratrice est évidente puisqu’elle apparaît dans les récitatifs où elle commente et ajoute des informations aux reconstructions de scènes qu’elle a vécues ou qu’on lui a racontées. « Satrapi’s older, recollective voice is most often registered in overarching narrative text, and her younger, directly experiencing voice is most often registered in dialogue, and in the discursive presentation of pictorial space [...]. » (Chute, 2010 : 144)

Chez Zeina Abirached le jeu du souvenir est très travaillé puisque la voix de la narratrice est presque omniprésente dans les récitatifs et, dans l’album Je me souviens. Beyrouth, elle met en évidence dès le titre sa dette envers Georges Perec. La répétition de « Je me souviens » avec la présentation graphique du souvenir mime la longue liste du livre hyponyme (Perec, 1978) de l’auteur oulipien, et en reprend les caractéristiques principales par le jeu du texte et de l’image (Amatulli, 2018). 

Chez Lena Merhej on retrouve les mêmes ingrédients : la présence des séquences de souvenirs et d’anecdotes familiales qui répondent à la question : « Comment ma mère est devenue Libanaise ? ». La place de la narratrice ici est très importante vu que la présence de dialogues ou de mots proférés apparaissant dans les bulles est très rare. Le récit par les récitatifs donne à l’ouvrage une allure d’intimité et en même temps évoque la partialité de la reconstruction d’une époque parfois lointaine. Vu qu’il s’agit essentiellement du parcours existentiel de sa mère allemande au Liban pendant soixante ans, celui-ci est raconté par les souvenir directs et indirects (de seconde main) de la narratrice. Je considère cet ouvrage auto/biographique parce qu’il concerne soit les périodes antécédentes à la naissance de l’autrice soit celles où elle était présente et notamment pendant la période de la guerre. Dans les deux cas, c’est la narratrice qui conduit le récit en puisant dans les souvenirs de l’autrice ou dans les récits entendus.

Représentation de la ville en guerre

Espace social et narration

Comme le disent Dardaillon et Meunier, « [p]our tout auteur de bande dessinée, la planche constitue le premier espace à territorialiser. » (Dardaillon, Meunier, 2013 : § 19) Dans les albums autobiographiques étudiés ici, la mise en place du récit dans la planche est l’activité des autrices qui choisissent quoi et comment raconter dans l’espace à disposition. Le « système spatio-topique » (Groensteen, 1999) permet aux autrices de construire la narration en choisissant les éléments à représenter par le dessin, ceux qui seront insérés dans les espaces textuels (bulles et récitatifs) et ceux qui ne seront pas dits mais qu’il reviendra au lecteur d’imaginer dans les espaces blancs des gouttières (le « blanc intericonique », Groensteen, 1999 : 121) ou au-delà du cadre et de l’hyper-cadre de la page, par exemple. La ville apparaît chez les trois autrices de manière différente soit en ce qui concerne les spécificités de la représentation graphique, soit pour la quantité de l’espace extérieur et urbain représenté. En effet, chez Satrapi les intérieurs sont privilégiés, l’espace de la maison familiale ou quelques lieux, souvent clos, de la vie extérieure comme l’école, les magasins, les maisons des amis, etc. Chez Abirached la maison est le cocon qui permet à la famille de s’abriter des bombardements avec les voisins aussi. Pourtant la ville est présente comme espace extérieur que l’on parcourt et la relation à la guerre est très développée par la série de cartes et des images représentant les espaces de vie extérieurs et intérieurs. Chez Merhej la ville apparaît souvent en arrière-plan, comme un décor fonctionnel à situer les événements racontés dans les cases. 

La représentation de l’espace urbain dans la bande dessinée a été récemment l’objet de plusieurs réflexions théoriques et critiques. Dans sa récente étude Montréal dans les bulles (2021), Anna Giaufret envisage la relation entre la bande dessinée et l’espace de la ville pour « vérifier comment l’espace matériel de la planche s’articule avec l’espace créé qu’il représente […] » (61) ; et elle met en regard ces dimensions spatiales avec la « triade de la géographie sociale de Lefebvre (1974) qui a distingué l’espace conçu de l’espace vécu et de l’espace perçu. » (62) Les résultats de cette analyse sont très convaincants par rapport au corpus étudié par l’autrice, où on relève l’entrelacement entre la dimension créative dessinée et celle de la représentation de l’espace « en combinant le regard subjectif et le regard documentaire. » (123) Les bédéistes s’approprient l’espace de la ville où iels vivent et le dessinent de leur point de vue et selon leur vision très singulière et personnelle, liée à leur expérience des lieux et dans les lieux. Nous pouvons tout aussi bien transposer ces résultats aux albums étudiés ici afin d’évaluer la présence d’un « espace social », en suivant les propositions de Lefevbre selon lequel « [...] la pratique spatiale consiste en une projection "sur le terrain" de tous les aspects, éléments et moments de la pratique sociale » (1974 : 20) et « que l'espace physique n'ait aucune "réalité" sans l'énergie qui se déploie, cela semble acquis. » (1974 : 24). 

Encore selon la géographie sociale on peut appréhender l’espace suivant trois perspectives : celle de l’espace conçu qui se manifeste dans les représentations (cartes, plans, etc.) ; celle de l’espace perçu concernant les espaces de représentation (imaginaire, etc.) ; et de l’espace vécu, c’est-à-dire les pratiques des sujets dans l'espace (parcours, mouvements etc.) (Giaufret, 2021 : 110). Je suis convaincue que cette conception de l’espace peut être très opératoire dans l’analyse de la bande dessinée – Giaufret l’a déjà démontré – et que cela peut se composer avec la conception du décor-actant proposée par Pascal Robert cité en ouverture de cet article. 

La ville comme décor-actant

Les trois autrices situent le récit de leur enfance dans les villes de Téhéran et dans celle de Beyrouth. En lisant leurs ouvrages nous n’arrivons pas à composer une image globale de la ville parce que celle-ci subit la « condamnation » à la parcellisation inscrite dans le média utilisé :

La bande dessinée est condamnée, comme n'importe quel autre média, à la fragmentation de la représentation : pour rendre compte complètement de l'expérience urbaine, elle doit associer vues aériennes et instants vécus et parcourir tout un spectre de formes de représentations héritées. [...] sa nature séquentielle lui permet [...] de jouer sur la multiplication des cadres et d'associer ainsi des types de vues contradictoires. (Garric, 2021 : 1533)

De plus, la ville est représentée du point de vue du souvenir enfantin et cette mise en image y est intimement connectée. La ville est un véritable décor-actant qui contribue à la mise en place de la narration et elle représente la vision et la perception de l’espace des trois narratrices : « car il offre une définition singulière de la situation ou plutôt une manière singulière de définir la situation, qui joue son rôle dans le récit lui-même. » (Robert, 2018 : 176). 

Chez Lena Merhej, la ville de Beyrouth est représentée comme un espace très fragmenté qui est perçu par la narratrice comme lieu vécu, lieu qui accueille les expériences des personnes et où la ville en guerre est parfois plus suggérée que vraiment représentée. L’autrice compose ses planches en y appliquant les cases comme si celles-ci étaient des tesselles d’une mosaïque qu’elle dispose selon les nécessités du récit. Dans le troisième épisode de l’album, une planche régulière (fig. 4) présente une séquence de cases muettes où elle retrace quelques épisodes de la vie de sa mère au Liban et, plutôt que de raconter le développement de son existence, ce sont des moments substantiels de vie vécue qui sont mis de l’avant : les souvenirs des récits entendus, devenus anecdotes apparaissent dans leur unicité déterminée par la case unique où ils sont placés. Dans la planche, le gaufrier régulier est formé de six cases sur trois niveaux. Seulement deux images font référence directement à la guerre de manière indirecte ou en clin d’œil, la deuxième et la troisième. Dans la deuxième case, ce sont les dessins des enfants accrochés au mur qui indiquent la situation extérieure tandis que la ville que l’on aperçoit par la fenêtre n’est pas particulièrement connotée (ne serait-ce que par ces câbles électriques accrochés de manière instable aux toits et aux façades des immeubles). Dans la troisième case on comprend qu’il est temps de guerre par le décor composé du mur de sacs de sable superposés en protection contre les bombardements. Dans cette planche la ville est un espace vécu, accompagnant le sujet dans ses activités. 

Fig. 4. Merhej, Marmellata con Laban, p. 24.

Illustrant le pouvoir de l’art séquentiel bédéique, l’autrice-monstratrice compose chaque case de manière que le décor-actant accompagne et permette la mise en scène des activités humaines, des relations entre les personnes et de l’écoulement du temps aussi. La guerre est très présente dans la vie quotidienne des Libanais : dans un style synecdotique, elle apparaît par la présence dans le décor de quelques éléments. L’autrice témoigne de ses sentiments envers la guerre dans une petite séquence méta-critique où elle se penche sur sa manière de construire ses souvenirs graphiques :

Fig. 5. Merhej, Marmellata con Laban, p.881.

L’espace vu par la fenêtre de la cuisine peut être modifié jusqu’à l’effacement. Le fait d’éliminer les immeubles crée une sorte de flou : dans la nouvelle configuration de l’espace visuel, les avions de chasse peuvent bien être perçus comme des simples oiseaux dans le ciel. Néanmoins, la présence des avions est encore plus puissante, comme si pour l’autrice il était difficile de les effacer complètement tant ils font partie du paysage de son enfance : ici l’espace perçu et l’espace vécu convergent. 

Un autre exemple de convergence des deux typologies d’espace socialisé est présent dans une planche qui raconte la réalité des bombardements et les différents endroits où la famille de l’autrice trouvait un abri (fig.6) :

Fig. 6. Merhej, Marmellata con Laban, p. 702.

Cette case raconte un bombardement de manière syncrétique, c’est-à-dire que les trois parties composant l’image rendent compte de la même situation au même moment et dans trois endroits différents : à l’extérieur où un endroit familier et paisible (où les enfants jouent normalement), est bouleversé par un éclat de déflagration ; sans solution de continuité, la visualisation muette de l’éclat à l’extérieur est entendu aussi dans les escaliers empruntés par la famille de l’autrice qui descend dans un refuge pour s’abriter – visualisé par l’onomatopée insérée dans le même éclat-, et la même forme se répète dans la bulle contenant le cri de la femme descendant vers le noir de l’abri, où d’autres personnes les attendent. Le haut de l’image présente un paysage déserté par les humains, qui sont entassés dans la partie inférieure de celle-ci, à l’abri sous terre. L’alternance du noir et du blanc dans le dessin, et dans les phylactères aussi, ajoute du pathos à la situation présentée, et il est étonnant de remarquer l’apparente normalité des activités des personnes s’abritant, en contraste avec la représentation de l’étonnement, voire la peur évidente dans leurs yeux écarquillés. 

Chez Satrapi et Abirached on retrouve la représentation de la ville en guerre : on peut visualiser les images de la ville dévastée par les bombardements ainsi que celle des abris où se réfugient les habitants des immeubles, et la présence des avions dans le ciel aussi. Le traitement de ces éléments est naturellement personnel et varie d’une autrice à l’autre.

Dans une planche célèbre de Persepolis, on assiste à la première arrivée des Mings irakiens venus bombarder la ville de Téhéran. Ici le décor-actant participe à la mise en récit de l’événement : la régularité du gaufrier permet de suivre la séquence des événements. Les mots de la narratrice dans le récitatif de la première case installent la situation et par la suite le récit est pris en charge par le monstrateur graphique qui scénarise les souvenirs. La ville apparaît comme un simple décor dans la première case derrière la fenêtre, elle est rassurante, mais dans la sixième elle devient la protagoniste de la scène en tant que victime de l’attaque ; cette situation se répète dans la case suivante où les personnes penchées par les fenêtres ou aux balcons animent le décor en lui donnant un je ne sais quoi d’humanisé : tout en restant dans l’arrière-plan le décor participe ici au désarroi de la population. 

Fig. 7. Satrapi, Persepolis, tome 2, 2001, s.p.

Dans les albums de Zeina Abirached sur Beyrouth en guerre, on assiste à la narration de situations similaires à celles déjà présentées, circonstances constituant le quotidien social et concret des villes soumises aux attaques de l’artillerie contemporaine. Comme chez Satrapi, la ville est déserte et désertée de ses habitants. 

Fig. 8. Abirached, Mourir, partir, revenir. Le jeu des hirondelles, p.67.

Dans cette planche, le trajet de la voiture dans la ville déserte est rendu encore plus solitaire par le blanc qui envahit la ville devenue fantomatique et rendant les immeubles des témoins muets et effacés. En effet, à cause des bombardements les habitants sont obligés de partir ou de se cacher dans les abris. Comme il arrive à Zeina et à sa famille, on se cache aussi à l’intérieur des appartements qui deviennent des lieux de survie, le cas échéant on choisit un appartement en particulier et dans celui-ci une pièce intérieure qui sert d’abri pour tous les habitants de l’immeuble. Mourir, partir, revenir. Le jeu des hirondelles s’ouvre sur une planche muette représentant un aperçu de la ville de Beyrouth Est en 1984, ainsi qu’il est marqué en bas à gauche. Aucun commentaire n’est nécessaire pour comprendre que la ville est en état de guerre : en bas des immeubles des barils d’essence vides et des sacs de sable empilés suffisent pour raconter la situation : le décor ici fait office de narrateur (en ligne). 

Comment la ville en guerre participe au désarroi de ses habitants

Le récit de la guerre est bancal, métaphorique et métonymique : les trois autrices n’ont pas besoin de s’épancher dans le récit des faits, de trop en dire, elles préfèrent donner l’idée des ambiances et des atmosphères dans la ville. 

Comme il arrive dans la planche suivante de Persepolis faisant partie d’une séquence (« Le Shabbat ») où on raconte une période sombre de la guerre pendant laquelle la prédominance des Irakiens est liée à l’utilisation des puissants missiles Squd. À cause de cela, une grande partie de la population de la ville est partie et la petite Marjane traverse les rues désertes qui répondent au sentiment de solitude morose qu’elle éprouve. 

Fig. 9. Satrapi, Persepolis, tome 2, 2001, s.p.

Le défilé des arbres noirs au milieu desquels la jeune fille marche évoque la solitude, et son ombre noire rejoint les figures noires des arbres, ces deux éléments du dessin se répondent. Cette progression parmi les arbres évoque aussi la situation de guerre parce que les arbres semblent des sentinelles ; leur couleur marque leur participation au deuil de la guerre. Et dans la case suivante, les arbres sont transformés en barreaux de la prison qu’est devenue la ville. Dans cette séquence, qui suit l’image précédente correspondant aux deux tiers de la planche, plusieurs effets narratifs sont mis à contribution. Tout d’abord le jeu du champ-contrechamp entre l’image grande et la petite qui la suit renverse la perspective et ajoute de la signification à la situation difficile évoquée dans le récitatif initial. Les deux cases suivantes opèrent la transition de l’extérieur de la ville vers l’intérieur de la maison : la deuxième case de la séquence nous propose une double narration : l’image avec l’encadrement rapproché sur le visage de Marjane, les yeux écarquillés, est en continuité avec les cases précédentes, tandis que le contenu de son récit dans la bulle fonctionne comme un commentaire rassurant expliquant les actions des humains pour contraster la peur de la guerre. Dans le trajet de la jeune Marjane vers la maison de son amie, les éléments du décor concourent à la composition du récit en apportant des informations supplémentaires, en introduisant la visualisation des états d’âme qu’il n’est pas nécessaire d’évoquer par les mots. En reprenant la proposition de lecture de l’espace social de Lefevbre, comme chez Merhej, ici l’espace vécu se compose avec l’espace perçu en illustrant la spécificité de la bande dessinée de construire des situations qui sont illustrées et racontées par les éléments sémiotiques du média.

Encore un exemple tiré de Marmellata con laban est utile pour démontrer l’utilisation du décor en tant qu’actant où le conflit et ses dynamiques sont narrés par une séquence muette de neuf cases :

Fig. 10. Merhej, Marmellata con Laban, p. 533.

Ici la ville devient presque un personnage qui subit les ravages de la guerre comme les êtres humains. « La ville est un décor-actant qui travaille le récit [et] elle est à son tour travaillée par ce même récit » (Pascal Robert, 2021 : 103) : elle n’est pas un décor de théâtre mais elle participe au récit de la guerre tout autant que les habitants et que les soldats. Les neuf cases composent le récit muet de l’écoulement de la guerre dans le temps : chaque année mentionnée comporte son éclat de guerre, son image emblématique. Nous pouvons imaginer que la narratrice-monstratrice relate des situations auxquelles elle a assisté et que les scènes représentées reproduisent ses impressions visuelles. La construction de cette planche est très complexe, on y retrouve les images des explosions, des prises d’otages, des combattants : c’est une représentation de la guerre très vive et mouvementée malgré l’apparent figement des cases uniques accompagnées de la mention des neuf années de guerre. On peut remarquer que le jeu de la narration par les images met en discussion l’idée même d’écoulement du temps indiqué par les didascalies, parce que le montage des cases et les effets de contraste des événements représentés rendent la composition mouvante, construisent un récit dans le récit. Le chaos de la bataille où l’on perd le sens de l’orientation et où il est difficile de comprendre les situations en cours est représenté par les dynamiques significatives mises en œuvre entre les bandeaux et les cases dans un gaufrier classique. Dans le premier bandeau, les trois cases forment un triptyque : les images latérales convergent vers la centrale où un gratte-ciel encore débout est au centre du feu croisé qui semble provenir de la case de droite. Un autre effet de symétrie s’établit entre le premier et le deuxième bandeau et notamment par les deux cases où deux soldats semblent se tirer dessus d’un bandeau à l’autre. Le troisième bandeau présente aussi deux aspects de la même situation avec les deux chars armés présents dans les deux cases extérieures entourant celle où apparait un immeuble – sans doute le gratte-ciel apparaissant en haut de la planche – qui a été, ou qu’ils ont bombardé et qui est entouré d’une fumée blanche. Ce récit enchâssé est accompagné d’autres effets visuels et narratifs comme la répétition de l’image des murs en briques, des gratte-ciels, des tas de sacs de sable, des barrières entourant l’aéroport pour le protéger. La première case présente une contradiction dans ce qui y est représenté parce que la protection entourant l’aéroport n’a pas été efficace vu que sur le tarmac à côté d’un avion des otages lèvent les mains, iels ne pourront pas partir et seront obligés de rester dans la ville-prison dévastée pendant toute la durée de la guerre. 

La caractéristique principale de l’approche d’Abirached au récit de la ville en temps de guerre est celle de l’utilisation de cartes et de plans illustrant les mouvements des personnes dans l’espace urbain modifié et leur relation avec leurs espaces de vie. Les mouvements des personnes sont rendus par une ligne graphique présentant des traits dichotomiques comme tout ce qui concerne l’état de guerre : noir et blanc, présence et absence, signifiant la situation où la vie et la mort sont sur le même plan4. Dans la réflexion de Lefevbre (1974), les représentations par les cartes relèvent de la catégorie de l’espace conçu par le sujet. Celui-ci pose son attention sur la conformation des lieux est sur leurs caractéristiques par rapport à la vie sociale qui s’y développe. Ici, l’espace urbain est rendu par l’autrice élaborant les cartes afin de visualiser, par exemple, les spécificités du trajet à parcourir pour se rendre de sa maison à celle de ses grands-parents en période de grand danger. 

Fig. 11 et 12 Abirached, Mourir, partir, revenir. Le jeu des hirondelles, pp. 14 et 15.

Les deux cartes, présentes en regard, illustrent le trajet entre les deux maisons dans la ville transformée, rendue dangereuse et presque impraticable par les actions de guerre. Dans l’image de gauche, la présence du franc-tireur motive celle des conteneurs qui permettent aux personnes de s’abriter, le trajet rendu possible est marqué en pointillé. Margareth Amatulli a proposé une analyse très convaincante de la construction de cet espace vécu pendant la guerre (2018) en mettant l’accent sur les différences entre ces deux cartes l’une ciblée sur les objets insérés pour protéger les habitants et l’autre sur les instructions à suivre pendant le parcours pour ne pas se faire remarquer par le franc-tireur. L’utilisation de la graphie enfantine suggère le fait qu’à la base de ces constructions graphiques se trouve le souvenir d’enfance, la perception de l’enfant sur la ville et notamment le cheminement à accomplir pour se rendre chez les grands-parents. Une autre série de six planches (pp.22-27) cartographie l’espace de la ville où la famille de Zeina est obligée à limiter de plus en plus ses mouvements avec la progression de la guerre : l’espace de vie est progressivement réduit et la ville est divisée en deux parties avec un grand blanc au milieu constitué par la partie où le passage est interdit (voir la première planche de cette séquence ici). D’une planche à l’autre la partie blanche interdite augmente s’étendant de plus en plus et une nouvelle géographie de la ville se met en place, constituée des francs-tireurs, des barils métalliques, des conteneurs, des fils barbelés, des sacs de sable (p.27). 

Un dernier exemple de décor-actant est constitué par une planche racontant la queue des voitures à la recherche d’essence dans le Beyrouth sous l’attaque ennemi : 

Fig. 13. Abirached, Mourir, partir, revenir. Le jeu des hirondelles, p.69.

Les voitures ne forment pas une queue mais un amas de ferraille et la voiture blanche que l’on aperçoit sur la gauche indique probablement la voiture de la famille de Zeina, engloutie dans le chaos des automobiles. Cet amas illustre bien la ruée vers la station-service où on aura sans doute la chance de faire le plein d’essence qui permettra de quitter la ville et le Pays aussi. La masse de ferraille cache les individus enfermés dans les habitacles de leurs véhicules et cette sorte de fourmilière de métal donne aussi l’idée de la perte de l’identité voire de l’humanité en ce contexte difficile. La multiplication des voitures composant le décor nous raconte beaucoup plus de ce qui est montré dans le dessin, et cela fait pendant à mon avis à une planche de Satrapi illustrant la fuite des Iraniens depuis la première attaque des missiles irakiens (fig.14) 

Fig. 14. Satrapi, Persepolis, tome 2, 2001, s.p.

Les habitants des villes frontalières avec l’Irak s’enfuient à cause des bombardements qui ne sont pas illustrés par des onomatopées, comme dans les images de Merhej par exemple, mais par la transformation des rues en flammes qui les entourent avant de les engloutir. Ces flammes, évoquant par métonymie celles de l’enfer, indiquent la peur, le désespoir et le manque de futur pour ce pays ravagé par la guerre et pour ses habitants.

Conclusion

Les images tirées des trois albums ont démontré que la figuration de la ville en guerre parvient à la faire devenir un actant du récit : elle subit les attaques des ennemis et participe comme un personnage à la vie des individus, par la représentation de la peur de ses habitants. À la confluence de l’autobiographie, du journal intime et des mémoires, ces ouvrages relèvent de la bande dessinée à la première personne, celle de témoignage. Thierry Groensteen avait déjà expliqué que « l’émergence de l’autobiographie dessinée apparaît indissociable d’une relation à l’histoire "avec sa grande hache" (Perec) » (« Autobiographie », Groensteen, 2021 : 159) et les ouvrages analysés participent de cette mouvance contemporaine. Les trois autrices rendent compte de leurs souvenirs, de leur perception d’enfants de la ville et de la vie dans l’espace urbain pendant la guerre. Les expériences traumatiques vécues pendant leur enfance nourrissent leurs ouvrages, concourent à humaniser l’Histoire et à la transmettre, parce que : 

‟Materializing” history through the work of marks on the page creates it as space and substance, gives it a corporeality, a physical shape— like a suit, perhaps, for an absent body, or to make evident the kind of space- time many bodies move in and move through; to make, in other words, the twisting lines of history legible through form. (Chute, 2016 : 27) 

Cette matérialisation de l’histoire à travers le souvenir et par la construction du récit mémoriel dans les planches des bandes dessinées est redevable aussi de la constitution du décor-actant. La ville en guerre, récréée par le regard de l’enfant devenue adulte, devient une entité sensible et sensibilisée, participant à la vie de ses habitants et racontant par les choix artistiques (noir et blanc et gris, silence, images métaphoriques…) leurs souffrances, leurs efforts et leurs traumatismes. Ainsi, l’espace représenté dans les bandes dessinées est un espace social et socialisé, composé de lieux où les personnes vivent et évoluent, de lieux qui représentent leurs repères et où iels se reconnaissent ou d’où iels s’enfuient, un espace de vie en somme. La relation entre les propositions de la géographie sociale et celles de Pascal Robert sur le rôle du décor dans la narration en bande dessinée m’ont sollicitée à rapprocher le travail créatif de trois auteures, distantes dans la matière du dessin et dans celui des aventures racontées, me permettant néanmoins de connaître de manière très efficace les situations des personnes qui subissent les ravages des guerres qu’elles n’ont pas choisies.


Bibliographie

Corpus

ABIRACHED, Zeina, Mourir Partir Revenir. Le jeu des hirondelles, Paris, Cambourakis, 2007.

MERHEJ, Lena, Marmellata con Laban, sous la dir. de Maria Rosaria Greco, tr. Enrica Battista, Messina, Mesogea, 2021 (2011).

SATRAPI, Marjane, Persepolis, Paris, L'Association, 4 tomes, 2000-2003.

 

Bibliographie critique

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Note

↑ 1 Ma traduction : « Avec mon imagination je suis à même de faire autre chose : j’élimine plutôt qu’ajouter. / Ainsi je ne vois pas ce que je ne veux pas voir. »

↑ 2 Ma traduction : « Je ne veux pas descendre sous terre. / Pas de panique / La table pour jouer aux cartes / Nos voisins, la famille de Jamal al-Din ».

↑ 3 Ma traduction : « Puis, pendant neuf années elle n’est pas allée voir ses parents / et eux non plus ne sont venus chez elle. »

↑ 4 Voir Amatulli, 2018 pour une illustration d’une séquence représentative de cette démarche et la visualisation des planches.


 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN électronique 1824-7482