Publifarum n° 42 - Publifarum

Adaptation de Nymphéas noirs de Michel Bussi en bande dessinée : entre fidélité et création

Nachwa Rached



Abstract

Francese  | Inglese 

Cet article porte sur un cas illustratif des rapports qui se jouent entre bande dessinée, littérature et peinture. Il s’agit de Nymphéas noirs, adaptation en bande dessinée du roman policier de Michel Bussi par le scénariste Fred Duval et le dessinateur Didier Cassegrain. L’objectif de notre étude est donc d’explorer les modalités de cette transposition. Nous nous penchons d’abord sur les techniques de l’écriture graphique qui sont à l’origine des configurations de l’univers fictionnel. Une analyse comparative du roman et de l’album dégage nombre de similitudes et de divergences entre eux et donne l’occasion d’examiner les transformations subies par le texte de départ. Nous découvrons ensuite comment l’adaptation en bande dessinée peut être considérée comme une recréation de l’œuvre préexistante et dans quelle mesure elle contribue à la créativité et au renouveau esthétique. Nous montrons enfin que la porosité des frontières accorde aux bédéistes une grande marge de liberté qui leur permet de faire de la bande dessinée un espace de rencontre culturelle interdisciplinaire.


1. Introduction 

Ayant souvent visé un public très jeune, la bande dessinée a longtemps été considérée comme un sous-genre ou un art mineur. Cependant, elle a connu peu à peu un véritable essor en élargissant son champ d’investigation : du reportage à l’Histoire, du numérique à la didactique, en passant par l’autobiographie et le fantastique. La bande dessinée s’inscrit également dans le sillage d’une tendance marquante de la littérature classique et contemporaine et c’est dans des œuvres littéraires qu’elle puise parfois ses sujets. 

Lire une bande dessinée, c’est plonger dans un univers artistique à la croisée du texte et de l’image pour découvrir une profusion d’images, de mots, de couleurs et de sensations. Les cloisons qui la séparaient de différents domaines sont devenues de moins en moins étanches, ce qui permet un échange fructueux capable de redessiner les frontières du paysage disciplinaire1

La présente étude porte sur un cas illustratif des rapports qui se jouent entre bande dessinée, littérature et peinture. Il s’agit de Nymphéas noirs, adaptation en bande dessinée du roman policier de Michel Bussi2(2013) par le scénariste Fred Duval et le dessinateur Didier Cassegrain3(2019). Étant donné que l’adaptation ne consiste qu’à transférer une œuvre à un nouvel espace médiatique, il semblerait que celle-ci posait un grand défi à relever : pourquoi transposer, en bande dessinée, un polar réputé inadaptable à l’écran aux yeux mêmes de son auteur4 ? Et par quels moyens raconter en images un polar sans en dévoiler le dénouement ? Comment reprendre l’œuvre du peintre impressionniste Claude Monet5 sans chercher à le copier ? Pour faire face aux difficultés qui se présentaient dans ce cas précis, les bédéistes n’avaient d’autre possibilité que de jouer avec les frontières de leur médium pour transposer le littéraire et le pictural. Cet aspect migratoire vise à engendrer des interprétations variées d’un même texte. D’ailleurs, un texte, selon Tiphaine Samoyault, « n’a de véritable existence qu’entre les différentes versions » (2020 : 14), que ce soit une réécriture, une traduction dans une autre langue, une transposition à l’écran ou en bande dessinée. Bien que cette déclaration ne s’applique pas à toutes les productions littéraires, nous ne pouvons que l’appuyer dans le cas des Nymphéas noirs de Bussi.

L’objectif de notre étude sera donc d’explorer les modalités de cette transposition. Il faudra, tout d’abord, nous attarder sur les techniques de l’écriture graphique qui sont à l’origine des configurations de l’univers fictionnel. Une analyse comparative du roman et de l’album suffirait pour dégager nombre de similitudes et de divergences entre eux et pour examiner les transformations subies par le texte de départ. Nous découvrirons enfin comment l’adaptation en bande dessinée peut être considérée comme une recréation de l’œuvre préexistante et dans quelle mesure elle contribue à la créativité.  

2. Le roman de Bussi  

Transposer Nymphéas noirs en bande dessinée n’est pas dû au hasard, mais à une particularité qui distingue ce roman des autres. Selon la déclaration liminaire de Bussi (BD6 : 2), son livre compte parmi ceux qui résistent à l’adaptation7. La difficulté à rendre compte de la complexité de l’intrigue et du trucage diégétique n’a pas dissuadé le scénariste Duval et le dessinateur Cassegrain de relever le défi et de rendre sa transposition en bande dessinée comme « un rêve qui devient réalité » (BD : 2). Cette œuvre, comme la plupart des romans de Bussi, nous fait plonger dans un climat énigmatique et mystérieux. C’est un roman policier puisqu’il y est question d’un meurtre et d’une enquête ; le lecteur n’arrête donc pas de tenter de deviner qui est le coupable. Ce polar nous donne également l’occasion de découvrir l’univers de la peinture impressionniste. Si cette ambiance particulière due à l’impressionnisme ne se conformerait pas à l’approche traditionnelle d’un polar, vu les mécanismes du texte créant une certaine tension entre les temps narratifs, c’est plutôt cette dualité qui fait le charme et la singularité de ce roman qui a obtenu de nombreux prix littéraires8

2.1 Intrigue complexe  

Il est ici question de l’histoire de trois femmes dont les destins se croisent à Giverny, le fameux village où le peintre Claude Monet a peint sa série des Nymphéas. Le récit se déroule pendant treize jours et une sorte de prologue nous fait découvrir chacune d’entre d’elles : « La première était méchante, la deuxième était menteuse, la troisième était égoïste (…) Toutes les trois rêvaient de partir » (BUSSI, 2013 : 13). C’est ainsi que commence le roman de Bussi qui se présente comme un conte de fées. L’égoïste, c’est Fanette Morelle, une fillette de onze ans, très douée en peinture, élevée par sa mère et cherchant un père. 

Quant à la menteuse, c’est Stéphanie Dupain, la séduisante institutrice du village dont le mari jaloux représente un suspect idéal dans le meurtre sur lequel enquête l’inspecteur Sérénac qui n'est d’ailleurs pas insensible au charme et aux avances de la jeune épouse. Enfin, la méchante, c’est la vieille dame qui surveille tout le village du haut du moulin où elle habite et qui prend la parole tout en s’adressant au lecteur : « C’est étrange, vouloir quitter Giverny. Vous ne trouvez pas ? (...) À votre avis, laquelle parvint à s’échapper ? » (14-15). Et vers la moitié du livre, elle lui demande de patienter : « C’est moi qui refermerai la parenthèse de cette histoire, faites-moi confiance. Et vous ne serez pas déçus, croyez-moi ! » (217-218). Sa voix alterne avec celle d’un narrateur externe qui entraîne progressivement le lecteur dans d’autres histoires parallèles. Ces deux voix narratives créent donc un réseau d’intrigues : tout d’abord, ce polar est basé sur le meurtre du chirurgien Jérôme Morval, amateur non seulement de femmes mais aussi de tableaux. À cet homicide s’ajoutent deux autres crimes qui n'ont jamais été élucidés depuis des années ainsi qu’un quatrième commis par vengeance contre le responsable de tous ces assassinats.  

Au-delà de cette enquête policière, ce roman nous donne également l’occasion de pénétrer dans l’univers de la peinture impressionniste à travers le village de Claude Monet et de découvrir ses œuvres, sa maison et son jardin. Tout cela se déroule parallèlement à une histoire d’amour qui naît entre la belle Stéphanie et l’inspecteur et qui, malgré séparation, déception, douleur, se termine par une fin heureuse.  

2.2 Structure  

Le roman de Bussi se présente en fait sous la forme de deux parties divisées en jours coiffés chacun d’une date, d’un lieu et d’un titre et comportant des séquences numérotées. La première partie intitulée Tableau Un - Impressions se compose de treize jours qui vont du 13 mai au 26 mai 2010 et pendant lesquels les grilles de Giverny s’ouvrent pour que Fanette, Stéphanie et la vieille puissent s’évader. « Mais une seule d’entre elles pouvait s’échapper. Les deux autres devaient mourir » (14). Le titre Impressions peut prendre plus d’un sens comme le suggère la marque du pluriel. Il s’agit évidemment des impressions produites par le dessin ou des émotions que nous fait le récit : que ce soit étonnement, bouleversement, sympathie. Le titre se réfère également au courant impressionniste et nous rappelle notamment Impression, soleil levant, titre d'un tableau de Monet. D’autre part, il est pris dans le sens de premières idées produites dans l’esprit de l’inspecteur au cours de son investigation policière. 

Quant au titre de la seconde partie, Tableau Deux - Exposition, il laisse supposer que le tableau soit terminé et prêt à être offert aux regards du public. Le mot Exposition prend l’acception de la présentation d’un éventail de faits dont la mise en relation mènerait le lecteur à raisonner afin d’arriver à une synthèse. Le titre contribue ainsi à exposer la vérité cachée derrière les apparences, même si l’exposition d’un tableau impressionniste n’est pas nécessairement le lieu d’une révélation des réalités sous-jacentes. Cette partie nous dévoile enfin le mystère le 13e jour : tout d’abord, en révélant le nom réel des personnages, Bussi nous fait découvrir l’identité de la narratrice octogénaire : elle est en réalité Stéphanie Dupain qui, lorsqu’elle avait onze ans, était surnommée Fanette et Jacques son mari n’était que Vincent son ami d’enfance. Elle avait choisi des surnoms de peintres impressionnistes pour son groupe d’amis9. Il faut avouer que ce jeu de prénoms a accentué l’égarement du lecteur dans sa quête du coupable. Puis, passant par un seul flash-back, Bussi nous rapporte la confession du coupable à son agonie faite devant sa vieille femme Stéphanie qui nous la résume ainsi : « Un seul tueur, un seul mobile, un seul lieu. (…) Un seul criminel. Jacques » (274). C’est pour la conserver qu’il a dû supprimer ses amants supposés (Jérôme Morval) en 1967 et même ses amis d’enfance (Albert, surnommé Paul et le vieux peintre James) en 1937; mais ses aveux donnent à sa femme l’envie de se venger. Elle décide de le tuer à l’hôpital en débranchant ses perfusions en 2010. Et c’est là que tout prend sens et les pièces du puzzle s’assemblent enfin : qui songerait que le 13 mai 2010, 1er jour de l’histoire est en réalité le début des souvenirs d’enfance et de jeunesse de la vieille Stéphanie ? Elle a passé treize jours à revivre quelques instants de sa vie pour « comprendre l’inimaginable, une dernière fois, avant d’en finir » (471). Mais contre toute attente, le 14e jour nous rapporte les retrouvailles inespérées de Stéphanie et l’inspecteur Laurence après avoir atteint le quatrième âge. Le roman s’organise donc autour d’un seul personnage féminin à des âges différentes. Le lecteur piégé comprend enfin que la première partie n’est qu’une alternance du récit de la vieille dame (2010) et de celui de ses souvenirs de son enfance (1937) et de sa jeunesse (1967). Pour maintenir le suspense, l’écrivain ne s’empêche pas en effet de mystifier le lecteur en lui cachant la vérité par plusieurs procédés : soit par des mensonges, soit en employant des phrases équivoques. 

3. Modalités de transposition : De la page à la planche  

Lorsqu’il s’agit d’une adaptation littéraire au neuvième art, se pose la question de comprendre la nature des relations entre le texte et l’image. Notre regard est-il dirigé en premier vers le texte ou l’image ? Est-ce un rapport concurrentiel ou complémentaire? Les deux sont en effet complémentaires puisqu’un va-et-vient s'établit entre l'un et l'autre. L'image est souvent associée à un message écrit dans la bande dessinée. Elle est donc inséparable des mots qui précisent et construisent son sens. Pour comprendre les liens qui se nouent entre eux, il semble important de nous attarder sur les modalités qu’utilisent les bédéistes afin de mettre leur scénario en images. Le scénariste Duval et le dessinateur Cassegrain parviennent à adapter le plus fidèlement possible 493 pages de texte en 140 planches10 sans se priver de leur droit de changer, de supprimer ou même d’ajouter certains éléments afin de mettre l’accent sur tel ou tel aspect. Rien n’est plus intéressant que de voir de près les similitudes entre les deux œuvres ainsi que les divergences qui ne passent pas inaperçues. Les bédéistes se montrent en effet libres dans la mesure où ils s’autorisent quelques effets relevant purement de cet art séquentiel. Ce processus de changement qui affecte inéluctablement le support de départ nécessite de nouvelles techniques telles que le scénario11 et les dessins. 

3.1 Le scénario  

3.1.1 Les éléments textuels 

Le scénario présente notamment l’action et ne conserve souvent du texte original que la trame narrative. Duval choisit de respecter le texte de Bussi dans son intégralité au mot près : il reprend même le texte du prologue à la lettre. Mais sa version est simplifiée parce que les longues descriptions, les sentiments et les pensées des personnages ainsi que les autres digressions y sont éliminées. Il suffit de jeter un coup d’œil sur la page 107 de l’album où le décor représente un restaurant de l’extérieur puis on passe au couple à table. Stéphanie Dupain et son mari sont en train de dîner et de boire. Duval nous fait assister à une scène muette puisqu’elle n’a conservé que cinq mots qui apparaissent à la dernière vignette12 : « Jacques, je vais te quitter ». Cette planche correspond dans le roman de Bussi à la séquence n°61 de six pages (352-357). Elle met en scène Stéphanie qui s’efforce de révéler à son mari son intention de partir pendant leur dîner dans le restaurant. Elle papote, hésite, regrette, s’étonne et s’interroge sur les motivations de sa décision jusqu’à ce qu’elle affirme que la raison de son désir de fuir n’est que « l’ennui insupportable de la femme qui n’a pourtant rien à reprocher à l’homme à côté duquel elle vit… Aucune excuse, aucun alibi. Juste l’ennui, cette certitude que la vie est ailleurs. Qu’une complicité parfaite existe autre part » (BUSSI : 355). Dans la version de Duval, on ne connaît à aucun moment ni ce que ressent l’héroïne, ni ce qu’elle pense. L’image se substitue ainsi au texte original par une succession de cases muettes. 

Dans l’adaptation littéraire, la narration textuelle est intégrée à l’image à travers des bulles ou des phylactères contenant les paroles ou les pensées des personnages. Mais les images dotées de ces éléments textuels n’offrent pas toujours « des histoires qui se racontent sur le mode du discours » (PEETERS, 2010 : 28). Il en existe d’autres qui comportent uniquement des signes de ponctuation. Le scénariste Duval a parfois recours à ce type de bulles pour nous faire entrer dans la conscience des personnages. Il se contente par exemple d’attribuer à la vieille Stéphanie une bulle contenant un point d’interrogation suivi d’un point d’exclamation pour exprimer son incompréhension et sa surprise quand elle a revu l’inspecteur Sérénac de sa fenêtre après de très longues années de séparation (BD : 139). Voici comment la réaction de Stéphanie au retour de son ancien amoureux est rapportée dans le roman de Bussi : « Juste un homme, un vieil homme. Pas de bagages non plus ... Étrange... (...) Mon Dieu! Est-ce possible ? Tout explose, mon cœur, mes yeux, ma tête. Est-ce possible ? (...) Une terrible bouffée de chaleur m’envahit. » (BUSSI : 489). 

Pour mettre l’accent sur le texte des bulles, le dessinateur ne s’empêche pas d’utiliser certaines techniques comme celle de la silhouette qui consiste à exécuter un dessin au trait de profil en suivant l'ombre projetée par un corps ou un visage et en négligeant les détails. Cassegrain dessine par exemple un profil de couple (fig. 1) : il s’agit d’une scène d’amour entre Paul agenouillé face à Fanette lui offrant des rubans, symbolisant le sentiment amoureux et lui disant : « Pour toi, ma Princesse, de l’argent pour faire briller tes cheveux, pour toujours te protéger des méchants vautours, quand tu seras célèbre à l’autre bout du monde! » (BD : 92). Ce texte est mis en valeur par une silhouette d’une couleur dorée sur fond blanc.


Fig. 1– Technique de la silhouette

Ajoutons que la délimitation des formes par les bords est également abandonnée au profit de la valorisation du texte. L’absence du décor laisse également plus de place au contenu des phylactères, comme c’est déjà le cas pour la suppression du cadre de l’image où l’inspecteur Sérénac annonce à Stéphanie les trois mobiles possibles pour le meurtre de Jérôme Morval (BD : 49). Le froncement des sourcils et la ride verticale du front (fig.2) traduisent sa concentration et signifient qu’il « mémorise chaque détail » (BUSSI : 142).



S’ajoutent à cela les cartouches appelés aussi récitatifs, ces encadrés rectangulaires contenant en général des éléments narratifs et descriptifs assumés par le narrateur. Chez Duval, le jour, la date, le lieu et parfois l’heure sont inscrits dans des cartouches. Ils servent à préciser les informations qui ne sont pas transmises par le dessin. Les cartouches sont également consacrés aux pensées des personnages qui sont mises en italique dans le roman de Bussi quand elles sont rapportées au style direct. L’exemple qui suit montre clairement comment le recours à l’italique distingue les pensées de la petite Fanette des propos échangés entre elle et sa mère au sujet de la disparition de James, le vieux peintre américain. Après avoir découvert son cadavre dans le champ de blé, elle essaye de la convaincre que quelqu’un a pris son corps après l’avoir tué.  



Cependant, les pensées sont supprimées dans la bande dessinée s’il s’agit d’un discours indirect, narrativisé ou indirect libre. Voici quelques exemples extraits du roman et retranchés dans la bande dessinée : « Ses pensées se tournent vers Laurenç (narrativisé) (…). La complicité parfaite tant espérée. Est-ce un leurre, cette certitude quasi instantanée que celui qui se tient devant vous, (…)? Non. (indirect libre) Elle sait que non. (indirect) » (BUSSI : 356-357).

Lorsqu’il s’agit de bruitage, l’emploi des onomatopées13 s’impose dans la bande dessinée puisqu’elles constituent un moyen de rendre le son visible dans l’image par le texte qui l’explicite. Citons à titre d’exemple : « OUAF ! OUAF ! » (BD : 83) rappelant les aboiements de Neptune le chien de Fanette. Mais le texte sort parfois du cadre de la vignette et se présente « en totale liberté » (GROENSTEEN, 2011 : 33). C’est pourquoi, ces onomatopées « ne sont pas tant destinées à être lues comme des mots qu’à être vues comme des images s’intégrant au dessin » (RENARD, 1977 : 177). Tel est le cas du bruit de la sirène « des flics qui hurlait le long du chemin » (BUSSI : 304) : « PIN PON PIN ! » (BD : 96). Notons que les lettres de grosseur variée ou en gras expriment le volume de la source sonore : plus les lettres grossissent, plus le son augmente. Le bruit est aussi représenté par la bulle à effet d’explosion : elle signifie le bruit qui provient du coup de feu tiré par Jacques sur le chien Neptune (BD : 117) ou encore celui de Sérénac qui frappe à la porte de la chambre de Stéphanie (BD : 140).


En outre, nous pouvons retrouver d’autres cas où le son existe d’une manière implicite. La case suivante (fig.6), parmi beaucoup d’autres, nous offre une illustration du bruit invisible qui n’est montré à aucun moment mais que nous pouvons facilement supposer (BD : 118). Il s’agit de la sortie d’école pendant laquelle les enfants pourraient être à l’origine d’un bruit constant (bousculade, attroupement, bourdonnement...) 



Contrairement à la description vivante faite par Bussi, cette vignette muette, à part l’indication de l’heure du départ des élèves, ne nous offre qu’un silence apparent qui donne l’occasion au lecteur de reconstituer le contenu sonore et de s’imaginer toutes sortes de bruit. 

Afin de rendre l’intrigue plus accessible au lecteur, et guider sa lecture, les bédéistes s’autorisent certaines modifications au niveau des paroles : dans le texte de Bussi, lorsque Sérénac fait connaissance avec Béatrice, la femme de son adjoint Sylvio Bénavides, nous entendons cette dernière dire, en réponse aux propos échangés entre lui et son mari à son sujet : « Alors comme ça, je ne suis pas la plus belle ? (…) Alors c’est vous, le fameux Laurenç Sérénac ? » (BUSSI : 118-119). Dans la version graphique, Duval sera donc obligé de faire un changement puisque le début de leur conversation y est supprimé ; dans la bande dessinée, c’est Bénavides qui la lui présente en lui disant : « Je ne vous ai pas encore présenté mon épouse Patron! C’est l’occasion ! » (BD : 44). Notons aussi que Duval donne parfois une tournure familière au texte de Bussi : Lorsque Sérénac se montre impatient de découvrir les renseignements collectés par son adjoint, il lui dit, dans la bande dessinée, en caressant le chien Neptune qui est à leurs côtés : « Accouche, Sylvio, ou je dis à mon nouveau pote de te croquer !» (BD : 20) mais chez Bussi, le niveau de langue utilisé est différent : « Sage, hein. On écoute bien l’inspecteur Bénavides. (…) Alors, Sylvio, tu disais ? » (BUSSI : 45). D’après le texte de Bussi, Bénavides paraît déçu et « sort du bureau 33, refermant la porte derrière lui » (BUSSI : 333) mais Duval préfère lui faire dire en sortant : « Ouaip ! j’ai des résultats d’analyses à aller récupérer…» (BD : 100). Et plus loin : « Mêle-toi de ce qui te regarde ! » (BUSSI : 427) chez Bussi est remplacé dans la bande dessinée par « Occupe-toi de tes oignons ! » (BD : 121).

3.1.2 Le découpage 

Dans sa version bande dessinée, Duval garde le découpage en deux parties et la répartition en jours mais les séquences numérotées sont supprimées. Si, dans le roman, chaque jour démarre par une séquence où la voix de la vieille femme prédomine, le scénariste fait apparaître son image au début et parfois à la fin des histoires des autres personnages. On peut apercevoir cette dame, qui passe son temps à espionner tout le monde, assise sur un banc d’arrêt de bus, dans un parc ou dans le musée de Vernon. On la voit également se cacher derrière la haie du jardin de la maison de Monet. Ces apparitions peuvent être considérées comme des repères pour distinguer les séquences. 

Il arrive parfois que Duval ne respecte pas l’ordre de présentation du récit : plusieurs événements et conversations sont rapportés dans leur continuité dans la bande dessinée alors qu’ils figurent, dans le livre de Bussi, à l’état de fragmentation en occupant plus d’une séquence. Prenons à titre d’exemple l’histoire du conflit entre Vincent et Paul à propos du tableau de Fanette qui se termine par la mort de ce dernier. Il suffit de lire son début à la séquence 76 et sa fin à la séquence 79 alors que le scénariste échappe dans la bande dessinée à la fragmentation de ce récit qui d’ailleurs donne à Bussi la possibilité de susciter une sorte d’attente qui tient le lecteur en haleine à la fin des séquences.  

On serait tenté, puisqu’on parle des techniques propres à la bande dessinée, de s’intéresser au découpage en cases14, et à la composition interne de la case. Ce texte éminemment visuel se prête au découpage libre ; chaque planche est constituée de cases de toutes formes : la dimension de chacune est souvent proportionnelle à son importance dans le récit ou « soumise à un souci de symétrie décorative » (SAUCIN, 2016 : 21). Notons que le cadre horizontal est souvent utilisé pour présenter un vaste panorama et le cadre vertical est plus approprié aux scènes d’action. Plus le récit s’anime, plus les plans sont nombreux et les variations de plan15 et d'angle de vue16 contribuent au mouvement et à la dramatisation de la scène. L’album nous en fournit plusieurs exemples illustratifs : examinons la scène muette du meurtre du vieil artiste américain James, commis par Jacques Dupain pendant son enfance (BD : 66).



Chaque vignette correspond à un plan marquant une étape du drame et conditionnant l’émotion (V.1 : tranquillité et délice de savourer la beauté du paysage; V.2,V.3 : la situation périlleuse est dramatisée par la disposition symétrique des vignettes, V2 les yeux fermés, il ne voit donc pas le danger puis V.3 les yeux ouverts mais l’ombre de l’assassin au-dessus le couvre ; V.4 : panique et paralysie ; V.5 ,V.6 : expression de douleur ; V.7 : tentative de survie, suspens ; V.8 : sort affreux et fin tragique). 

Pour piéger le lecteur, Bussi a recours à de constantes ellipses narratives17 qui permettent de cacher des éléments importants. Il brise l’ordre chronologique en rapprochant des événements que tant d’années séparaient et entraîne le lecteur sur de fausses pistes qui semblent le déboussoler totalement. Il ne s’arrête pas de s’interroger par exemple si les crimes ne seraient pas liés à la vieille femme. Voyons comment les bédéistes parviendront, pour entretenir ce mystère, à illustrer ces ellipses ou ces sauts temporels ? Ils ont recours à une association d’images qui obéit à deux critères : le lieu et le thème. Le lieu sert particulièrement de fil conducteur. Le début de la bande dessinée nous en offre un exemple : la succession de la vignette du cadavre noyé de Jérôme Morval (1967) et celles de la vieille dame avec son chien (2010) laisse croire qu’elle essaye d’empêcher son chien d’approcher la victime bien que 47 ans séparent les deux scènes. Remarquons que les deux époques sont réunies dans la troisième case de cette planche grâce à une représentation graphique qui nous fait voir le chien sur le lieu du crime à côté du cadavre (BD : 13). Mais tout cela se passe à Giverny et c’est là que se trouve le motif de l’assemblage de ces vignettes qui assure ainsi la linéarité narrative. Afin de la préserver même si l’époque est différente, on tient également à faire appel à un enchaînement en champ-contrechamp18. C’est le cas de la vignette représentant Stéphanie debout en classe et ses écoliers vus de dos (fig. 8). Elle est suivie de deux cases qui cadrent Fanette et ses copains de face en train de parler en classe. (BD : 117).



La présence de Stéphanie en classe avec les enfants et la question posée à Fanette font croire au lecteur du roman que Stéphanie est l’institutrice de Fanette ; tandis que celui de la bande dessinée ne doute pas que les élèves y compris Fanette se trouvent en face de Stéphanie dans la même classe à la même heure, ce qui est entièrement irréel puisque la première vignette date de 1967 et les deux autres datent de 1937. 

Un autre regroupement d’images se fait à la page 41 à partir d’un thème identique. Duval construit un montage d’images de 2010, 1967, 1937 et 2010 à propos de l’enterrement. Il fait appel à une succession de plans d’ensemble et il choisit des cadres plutôt horizontaux pour suggérer le calme, la sérénité et la solitude. Lisons tout d’abord un extrait du roman de Bussi avant d’analyser la planche qui lui correspond :


Je suis seule devant la tombe. L’eau glisse (...) souillant la plaque de marbre. “À mon mari. 1926-2010”. (...) Tout en bas, à l’autre bout du cimetière, ils finissent d’enterrer Jérôme Morval. Tout le village est là, ou presque. (...)
Cent personnes, plus moi, toute seule! À l’autre bout. Tout le monde se fout d’un vieux ou d’une vieille qui meurt.(...). Patricia Morval est agenouillée devant la tombe de son mari. Inconsolable. Stéphanie Dupain se tient un peu derrière elle, (...). Son mari la soutient. (...). L’inspecteur Sérénac est venu aussi (...). Les enfants sont un peu plus loin.(...) J’en reconnais quelques-uns. Fanette pleure. Vincent est derrière elle. (...). Ils sont graves, comme l’est l’incongruité de la mort quand on a onze ans. (BUSSI : 105-108).

Dans le passage ci-dessus, Bussi nous montre à quel point il se fait un jeu de tromper le lecteur sur la personnalité de la vieille dame; il n’hésite pas à s’en servir pour lui faire croire pendant toute la première partie qu’il s’agit de trois personnages différents. D’après ce que la vieille raconte au lecteur, elle est en mesure de rencontrer la jeune Stéphanie et la petite Fanette et de leur parler. D’autre part, le lecteur se fait des illusions quand il s’imagine que l’enterrement de son mari et celui de Jérôme Morval dans le même cimetière sont « seulement séparés de quelques dizaines de mètres » (BUSSI : 106). Ils sont réellement fort éloignés l’un de l’autre dans la durée (43 ans). En ce qui concerne la version bande dessinée, la planche démarre par un plan panoramique présentant le cimetière de Giverny sous la pluie en 2010 puis la seconde bande est répartie en trois cases où nous pouvons identifier Patricia, l’inspecteur et Stéphanie avec son mari Jacques lors des funérailles de Jérôme Morval en 1967. 

Nous passons ensuite à la troisième bande qui nous fait voir Fanette et ses copains assis pendant l’enterrement de Paul en 1937. Et dans la quatrième, apparaît Stéphanie âgée, toute seule, devant la tombe de son mari en 2010. Un tel montage est recommandé pour confirmer l’apparente cohérence narrative et accentuer l’égarement du lecteur qui, de toute évidence, croit que tout se passe aux obsèques du mari de la vieille Stéphanie, le « Cinquième jour, 17 mai 2010... » (BD : 41), comme l’indique le récitatif de la dernière case. Mais en réalité, ces moments sont enchaînés les uns aux autres grâce aux souvenirs de la vieille dame. L’enchevêtrement des fils narratifs et la confusion entre les niveaux temporels suscitent chez le lecteur l’envie de relire l’album afin de trouver des indices dissimulés dans les cases et la fin imprévisible de l’histoire l’invite à découvrir comment il s’est laissé manipulé par le texte et l’image.  

L’exemple le plus illustratif nous est offert par l’enchaînement des trois dernières cases (fig.9) de la planche où Patricia, veuve de Jérôme Morval, avertit Stéphanie de l’arrestation de son mari Jacques Dupain (BD : 97). 



Remarquons que les propos de Stéphanie et Patricia commencent dans la première vignette et se poursuivent dans des cartouches qui apparaissent dans celles de la vieille dame et c’est là que nous pouvons lire la fin de leur conversation : « – Depuis le début je crois à un accident, Stéphanie, mais si je m’étais trompée ? Dis-moi que ce n’est pas Jacques ! – Bien sûr que non, Patricia, bien sûr que non! » (BD : 97). Les apparitions de Stéphanie âgée dans différents endroits au fil des pages pourraient alimenter la curiosité d’un lecteur attentif et le guider vers la solution de l’histoire énigmatique. Elles vont le conduire à se demander s’il s’agit des souvenirs lointains qui refont surface. D’ailleurs Stéphanie s’explique à la fin du roman : « Depuis, j’ai passé mes journées à revivre ces quelques heures où l’on me vola ma vie, (…) devant chaque lieu où je suis passée, je me suis souvenue : le moulin, la prairie, l’école, la rue Claude-Monet, la terrasse de l’hôtel Baudy, le cimetière, le musée de Vernon » (BUSSI : 471). Duval a recours également à une séquentialité temporelle simulée, cette capacité de la planche à passer d’une époque à une autre, d’une séquence à l’autre, par l’intermédiaire de « tournée de page ». Prenons à titre d’exemple la S. n° 67 : Bussi nous y montre la vieille femme puis Fanette et enfin Stéphanie regarder la lune à son périgée de chez elles, chacune rêve d’atteindre son but le lendemain. La première mettra fin à sa vie, la petite donnera son tableau à la maîtresse pour le concours et la troisième fera une rencontre amoureuse. Ces trois scènes sont séparées par un blanc dans le texte romanesque : plus de vingt ans en cet espace blanc. Mais chacune occupe une planche dans la bande dessinée (112, 113, 114) et dès qu’on tourne la page, on passe à la suivante. Cet espace intemporel est ainsi traduit par le découpage tabulaire soulignant ici la durée écoulée entre la réalité et les souvenirs. Le découpage dans cet album est en effet le fruit d'une étroite collaboration entre le scénariste et le romancier19.

De plus, le scénariste et le dessinateur procèdent à des transformations légères dans le décor : chez Bussi, la scène d’interrogatoire de Stéphanie par l’inspecteur Sérénac en présence de Sylvio son adjoint se déroule dans le bureau au commissariat (S. 58) et on assiste à la conversation des deux enquêteurs dans le même lieu (S. 60) alors que dans la version bande dessinée, le décor se transforme en café en plein air pour mettre leur discussion à la portée de la vieille dame. Il en va de même pour la position des personnages à l’intérieur des cases : chez Bussi, Stéphanie est « toujours assise » (BUSSI : 335) et posant les pieds sur le bureau, mais dans la bande dessinée, cette posture se change en une autre plus dynamique : elle est debout pendant toute la scène.  

3.2 L’image 

Traduire un texte par l’image consiste à trouver un équivalent dans le contenu verbal restreint d’une bulle située dans une image nourrie du décor, des positions des personnages, de leurs costumes et de leurs gestes. L’image ne rivalise donc vraiment pas avec le texte qui, même modifié, garde sa place comme support de la narration. Cependant, elle « ne se fait plus illustrative, mais narrative » et « prend en charge l’intégralité de la narration » (TELLOP : 2014). Ce qui est curieux, c'est que Cassegrain s’applique dans l’album de Nymphéas noirs « à travailler chaque case comme un tableau. D'abord un crayonné, puis la peinture acrylique avec, au final des planches aux couleurs douces qui tranchent avec l'ambiance sombre de l'histoire » (OGIER et MOREL : 2019). Le style de ses dessins est parfaitement adapté à la trame policière et à l’esprit impressionniste. Le dessinateur parvient à maîtriser le paradoxe entre la beauté de l’atmosphère calme et sereine de Giverny et la noirceur d’une enquête criminelle. 

3.2.1 La couverture et les titres



Et plus loin, les titres des deux parties du roman de Bussi : Tableau Un et Tableau Deux – d’où le rapport puissant de l’œuvre à la peinture sont illustrés dans la bande dessinée par la reproduction des deux vignettes représentant Fanette en train de peindre son tableau en plein jour (BD : 11), pour la première partie et pendant le coucher du soleil pour la seconde (BD : 127). Notons que le déclin du jour annonce la fin du roman tout en apportant un sentiment de paix et une promesse d’un nouveau début.  

3.2.2 Le pouvoir de suggestion de l’image 

L’image met notamment l’accent sur le texte de Bussi lorsqu’il privilégie le mouvement, l’action, l’émotion et la surprise. Elle fait alors apparaître le pouvoir de suggestion de son propre langage : en effet, « la gestuelle du corps, les expressions du visage sont les moyens à la disposition du dessinateur pour faire "jouer" ses personnages » (GROENSTEEN, 2008 : 46). C’est le cas de Cassegrain qui a recours à la position des mains et aux expressions faciales pour montrer l’état d’esprit des personnages ou leurs émotions : il emploie par exemple un gros plan qui présente Jacques Dupain de très près pour mettre en relief son visage au détriment du décor et amplifier sa colère. Il s’agit d’un face à face entre lui et l’inspecteur Sérénac qui est amoureux de sa femme Stéphanie. En braquant le canon du fusil sur son rival, le mari jaloux lui demande d’écrire un mot d’adieu à Stéphanie avant de disparaître de leur vie. Rendu furieux par le refus catégorique de Sérénac, Dupain « crispe ses deux mains sur le fusil » (BUSSI : 396) qui « se rapproche encore, le canon se baisse à hauteur de la bouche » (BUSSI : 398).  Dans la bande dessinée, la grande colère et le dédain de Jacques se manifestent au niveau du visage grâce aux expressions faciales : par des yeux exorbités, des sourcils élevés, un front très ridé et des plis entre les yeux (BD : 116). Quant à la bouche grande ouverte, elle signifie le cri de Dupain : « Sérénac, allez-vous m’écouter, nom de Dieu! Vous n’y pouvez rien. Je ne laisserai pas Stéphanie partir » (BUSSI : 405). De même, Cassegrain nous fait partager la douleur de Stéphanie due à la découverte de la lettre de rupture laissée par son amant. Il nous la fait voir en pleurs, les mains sur son visage et les sourcils froncés. (BD : 122). Voici comment cette souffrance est décrite par Bussi : « Stéphanie pleure, refuse la vérité. (...) Elle passe sa main devant ses yeux, elle cherche avec maladresse à essuyer les larmes qui coulent » (BUSSI : 414-415). Et plus loin, dans la bande dessinée, l’étonnement de Stéphanie à la vue de son chien tué est exprimé par ses yeux écarquillés et sa main sur la poitrine (BD : 122) tandis que Bussi nous le montre en ces termes : « Les yeux de Stéphanie ne peuvent pas se détacher de cette forme sombre que porte Jacques dans ses bras. Un chien, un chien mort dont la gueule a été à demi arrachée » (BUSSI : 420).

S’ajoute à cela un exemple illustratif qui nous montre Stéphanie au bureau du commissariat. En proie à une grande colère contre l’inspecteur Sérénac qui a arrêté son mari, elle fait une déposition favorable à l’accusé malgré les preuves de son inculpation : « Où est mon mari? (...) Vous n’avez pas le droit! (...) Mon mari n’a pas pu assassiner Jérôme Morval. Ce matin-là, il dormait avec moi » (BUSSI : 330-332). Sérénac essaye tout d’abord de dissuader Stéphanie de dire des mensonges puis il résiste finalement à sa tentative pour le séduire : « Arrêtez, Stéphanie. Cessez ce jeu ridicule. Je vais la prendre votre déposition » (BUSSI : 335) et plus loin : « Ils demeurent là silencieux. Sérénac, le premier, rompt le charme. Il se recule » (BUSSI : 338).  

Dans la version graphique, le décor disparaît pour mettre en évidence l’expression psychologique des personnages (BD : 101). Les changements de plan soulignent la tension du dialogue qui devient de moins en moins vive entre Stéphanie et Sérénac (V.1 : plan rapproché qui révèle la colère de Stéphanie traduite par ses poings serrés et sa bouche très ouverte montre qu’elle « crie plus qu’elle ne parle» (BUSSI : 331) ; V.2 : gros plan qui fait apparaître Sérénac en train de calmer Stéphanie en saisissant ses poignets pour l’obliger à se rapprocher de lui ; V.3 et 4 : très gros plan qui grossit les traits du visage pour souligner leur attirance réciproque reflétée par leurs regards expressifs). Le dessin de Cassegrain témoigne d’une maîtrise de la complexité des relations musculaires sous la peau et de la position des paupières, assorties d’une très légère caricaturalité dans la composition des visages, les nez sont par exemple excessivement minces. La force suggestive de l'image compense ainsi la durée de la lecture par l'instantané de la vision et l’essentiel est vivement mené, d’où l’efficacité de l’image : facilité d’accès, immédiateté de la compréhension.  

D’autre part, il est important de noter la capacité de l’image à dilater les actes et les gestes : c’est le cas par exemple de la planche constituée de huit cases pour uniquement huit mots. Il s’agit de la vieille qui, impatiente de retrouver son chien, ne s’arrêtait par d’hurler : « Neptune ! » (BD : 125) jusqu’à ce qu’il apparaisse. Et si le dessinateur maintenait le même rythme, le volume de l’album serait inimaginable.  

3.2.3 Le mouvement en images 

Le dessin de Cassegrain produit la rapidité et le mouvement autant que le texte de Bussi. Arrêtons-nous un instant pour voir comment Bussi procède dans les scènes qui donnent priorité à l’action. La séquence 79 nous offre un exemple d’une scène de mouvement particulièrement visuelle : la confrontation entre Vincent et Paul où le dialogue ne parvient pas à se nouer se termine par la mort de ce dernier. En fait, les brefs passages au discours direct alternent avec un récit qui, à peine ralenti par des segments descriptifs, restitue la rapidité des mouvements en contenant beaucoup d’informations en peu de mots. Bussi utilise des phrases courtes qui s’enchaînent rapidement, pour mettre en valeur les verbes d'action qui se succèdent au présent : « Paul se redresse. /La main de Paul se ferme sur son poignet20. / le couteau de peintre tombe / Paul le fait glisser / repousse le garçon » (BUSSI : 428) / « se penche au bord du lavoir pour ramasser le tableau /Vincent se lève d’un bond et court/ s’étale lourdement » / Paul « perd l’équilibre / Sa jambe s’agite dans le vide/ Il tombe à la renverse... se recroqueville... Son dos heurte d’abord le mur/ Paul continue de rouler. / Sa tempe heurte la margelle de la poutre / Il glisse, il glisse encore » (429) / « il est en train de rouler dans le ruisseau/ Il s’enfonce / Vincent s’approche / Ses deux mains « se posent sur ses épaules. / Les poussent / poussent encore. » (430). Ce présent peut servir à raconter des événements soudains dans un récit au passé. Et le sens même des mots souligne l'idée de mouvement (« coup de pied, tordant, rotation, arracher, s’est battu, broyer, déchirer » (428) et de vitesse (« une demi seconde, un bond, rapide, un immense flash, comme un éclair » (429) Les adverbes vont dans le même sens : « soudainement » (427), « à peine », « l’instant d’après » (429).  Dans la bande dessinée, cette séquence est présentée en une seule planche, au rythme rapide où le dialogue est réduit à l’essentiel (fig. 23) : les propos des personnages n’excèdent pas trois phrases courtes. Et puisque l'action est soudaine, la planche est fragmentée en cases de plus petite dimension. 


Fig. 11 – Scène de mouvement

Pour simuler le mouvement, Cassegrain utilise une succession de cadres verticaux et il fait varier les points de vue (plongée/contre-plongée) dans la mesure où cela apporte du dynamisme au récit et suscite un effet esthétique. Pour rendre le rythme accéléré de cette scène d’action, le montage nécessite une succession de plans rapprochés et de plans moyens qui souligne la relation conflictuelle entre eux à travers leurs postures, leurs langages corporels. Le plan moyen nous fait voir l’action des personnages et une partie du décor. Le plan rapproché nous montre les visages et les émotions. En parcourant la scène en un seul coup d’œil, elle semble se dérouler rapidement.  

Il arrive parfois que l’impression de mouvement soit marquée par les vêtements qui s’envolent (fig. 12). Voulant hâter le moment de sa rencontre avec Laurenç Sérénac, Stéphanie prend le vélo pour le rejoindre et sa robe agitée par le vent représente la vitesse de la bicyclette (BD : 119). Pour mettre en place un trope du regard masculin, le dessinateur transforme le personnage en objet érotique par la représentation des seins accentués, d’une cuisse dévoilée et d’une robe légère. Chez Bussi, Stéphanie, poussée par son « désir de retrouver Laurenç au plus vite » (408), elle n’hésite pas à courir et « parvient essoufflée à l’île aux Orties. Elle a couru dans le champ de maïs, tout droit, comme une adolescente impatiente. Comme si chaque seconde qui la séparait de son rendez-vous amoureux comptait » (413). 


Fig. 12 – Objet en mouvement

Voici un autre exemple qui illustre un personnage en mouvement : Paul va chercher le tableau de Fanette caché sous le lavoir « en sprintant » (BUSSI : 402) afin de le rapporter à la maîtresse pour le concours de peinture. Il « enjambe avec précaution le pont sur le ru de l’Epte » (BUSSI : 409). L’impression de vitesse et de mouvement se traduit par le positionnement de pied et l’orientation du cartable à dos. Nous voyons Paul se déplacer par sauts pour avancer, le buste penché vers l’avant et les pieds en l’air (BD : 118). 

3.2.4 Les couleurs 

L’image nous parle par les objets et les personnages qu’elle représente mais aussi par ses couleurs. Rien n’est plus fascinant dans cet album que le choix des couleurs : Cassegrain décide de garder l’esprit de Monet présent au fil des planches sans essayer de l’imiter. D’où la prédominance des couleurs froides parmi lesquelles on trouve surtout le vert, le turquoise, le bleu et le violet.  Ces couleurs de la nature inspirent le calme qui correspond aux paysages de Giverny. Il nous offre en effet des planches ou même des vignettes qui représentent le jardin ou le pont qui peuvent être considérées comme des tableaux à part entière. Par contre, les couleurs claires n’empêchent pas le dessinateur d’utiliser des couleurs sombres susceptibles de créer une ambiance mystérieuse adéquate à l’investigation policière. Une attention particulière est apportée aux variations de lumière, aux arrière-plans flous pour produire à distance un effet visuel qui nous rappelle l’univers impressionniste. Il est clair que le dessinateur accorde une importance capitale à l’ombre et à la lumière. Écoutons-le décrypter la case n°3 (BD : 67) qui met en scène la rencontre de Stéphanie et Laurenç devant la maison de Claude Monet : 


Fig. 13 – La maison de Monet (l’ombre et la lumière)

J’ai dessiné la maison en contre-plongée pour lui donner de l’importance ainsi qu'à l'héroïne qui surplombe l'inspecteur qui arrive dans l’ombre : le lecteur doit, comme lui, s'en prendre plein les yeux devant cette façade pleine de lumière et de couleurs. (...) Il fallait rester fidèle à la maison de Claude Monet, en gardant un minimum de réalisme. La composition de la case doit être la plus simple possible, pour ne pas éloigner le lecteur de l’essentiel : ici l'héroïne est celle qui doit être au centre de toutes les attentions. Tout le reste doit demeurer dans l’ombre.(...) Seul le sol s'éclaire peu à peu pour marquer le passage de l'ombre à la clarté. Cette mise en lumière est accentuée par les fleurs situées en avant-plan. Elles soulignent ainsi la profondeur et le contraste entre ce qui est proche du lecteur et ce qui va être illuminé au loin. (VERTALDI, 2019)

Ces quelques lignes nous montrent à quel point Cassegrain parvient à créer des zones d’ombre et à faire ressortir la lumière dans une autre zone de la case, ce qui donne du volume, de la profondeur, du contraste et permet un rendu final vivant. De même, la netteté des traits est accentuée par l’utilisation d’une ligne foncée pour l’homme et d’une autre à la couleur plus douce pour les autres éléments du dessin. 

Loin de se contenter de décrire les œuvres de Monet, Bussi n’hésite pas à nous livrer parfois des commentaires et des anecdotes à propos de sa vie, de ses héritiers et d’autres peintres impressionnistes21. Le voici par exemple qui commente le tableau qui représente sa première femme morte Camille sur son lit de mort dont on ne trouve aucune trace dans la version graphique : « Yeux clos. Comme enveloppée d’un suaire de glace, d’un tourbillon de coups de pinceaux gelés, comme prisonnière d’une toile d’araignée blanche qui dévore le visage pâle du modèle » (BUSSI : 249). Cette description minutieuse et imagée, parmi tant d’autres, incite le lecteur à découvrir la production artistique du peintre. Cassegrain, lui, se plaît à nous faire voir les œuvres de Monet à travers un tableau accroché à un mur ou une carte postale : citons à titre d’exemple quelques-uns de ses tableaux les plus importants tels qu’Impression, soleil levant (BD : 36), Les Nymphéas et leurs nombreuses versions (BD : 26 et 108).  

Dans la bande dessinée, le lecteur peut voir Sérénac contempler la Japonaise accroché au mur du salon de Monet et remarquer la similarité entre le motif de la robe du personnage de ce tableau et celui de la robe de Stéphanie (BD : 68), alors que dans le roman, il comprend que la robe de Stéphanie « de soie bleu et rouge, serrée par une large ceinture à la taille » lui donne « une allure de geisha descendue d’une estampe» (BUSSI : 220), ce qui rappelle à l’inspecteur Sérénac ce portrait en pied de la femme de Monet, Camille Doncieux, portant un Kimono. 

Cassegrain tient également à nous faire découvrir la propriété de Monet. Ses dessins nous permettent de visiter la maison rose aux volets verts de l’extérieur et de l’intérieur. Il nous fait voir les fenêtres qui donnent sur le jardin et nous fait pénétrer dans ses différentes pièces : le petit salon bleu et la salle à manger jaune (BD : 68) qui a été bien décrite par Bussi : « Jaune. La pièce entièrement jaune. Les murs, les meubles peints, les chaises » (BUSSI : 221). D’ailleurs, Cassegrain nous montre également la cuisine bleue avec la batterie et les cuivres (BD : 69) : « le bleu des murs, le bleu de la faïence, toutes les nuances, du ciel au turquoise » (BUSSI : 224).  


Fig. 14 – La salle à manger jaune

Le réalisme des dessins de Cassegrain tient à la diversité et l’exactitude des éléments référentiels qui renvoient à la maison de Monet et à l’impressionnisme (pièces, jardin, toiles…), à la précision des détails, mais aussi à la variété des décors et au respect des lois de perspective (variations dans les proportions des corps des personnages et dans les dimensions des bâtiments créant ainsi une impression de profondeur).  

S’inspirant de Monet, il a souvent recours à une couleur dominante : la plupart des planches sont presque teintées d’une couleur unique et de ses dégradés : bleu ou vert, marron ou gris. Prenons comme exemple la planche où Fanette discute dans sa chambre avec sa mère (BD : 58) : les murs, le lit, les commodes, la chaise, les draps, le tapis, une partie des vêtements de la mère, tout est coloré en beige marron. La planche bleutée où nous voyons Fanette en train de peindre des nymphéas (fig. 15) est également un bon exemple : elle nous fait découvrir les différentes nuances du bleu en allant de celui de l’étang à celui du ciel, sans oublier le bleu du pont et celui des vêtements de Fanette et de ses amis qui l’empêchent de rester concentrée sur son travail. Ces teintes variées du bleu présentent une harmonie subtile de tonalités tendres qui apportent lumière et apaisement à cette scène en plein air (BD : 79).


Fig. 15 – Une couleur dominante (bleu)

D’un autre côté, Cassegrain a recours au noir et blanc pour nous faire plonger dans le passé des personnages quand on a affaire à des photographies ou des documents qui datent d’une époque antérieure, ou bien lorsqu’il s’agit de l’évocation d’un souvenir lointain. L’exemple où Jacques fait l’aveu de ses crimes à sa femme Stéphanie pendant son agonie en est révélateur à cet égard. Cassegrain parsème les trois planches consacrées au récit de ses souvenirs de cases en noir et blanc dessinés au crayon (BD : 134-136).


Fig. 16 – Souvenir en noir et blanc

Comme l’exemple ci-dessus (fig. 16), il juxtapose une image en couleur qui évoque le présent à une autre en noir et blanc qui fait resurgir le passé, ce qui crée un dialogue visuel entre la réalité et les souvenirs. De même, le changement du décor entre les deux vignettes indique qu’avec la seconde image, on entre dans le récit rétrospectif de Jacques : l’image représente donc ce que le personnage raconte. Dans cette case (BD : 134), il s’agit du meurtre du peintre James. C’est un souvenir qui remonte à l’enfance de Jacques quand il était surnommé Vincent. On le voit tirer sa victime afin de la déplacer avant que Fanette revienne avec sa mère en courant ainsi le risque de se faire repérer. Nous l’entendons lui dire dans le roman de Bussi : « jamais je n’aurais pensé que ce vieillard squelettique pesait aussi lourd. Tu ne vas pas me croire, mais avec ta mère vous êtes passées tout près de moi. Il aurait suffi que tu tournes la tête. Mais tu ne l’as pas fait. (…) C’était un miracle, tu comprends. Un signe ! » (BUSSI : 460). Ce qui frappe d’abord dans cette vignette, c’est le contraste entre la netteté du meurtrier et du cadavre dont les traits sont bien repassés à l’encre noire d’une part et le flou des personnages qui apparaissent en arrière-plan et qui sont réduits à l’état de silhouettes d’autre part, contraste qui accroît l’impression de profondeur et de distance. Un effet de rupture est également perceptible entre l’espace éclairé du haut de la case où le blanc prédomine et l’espace sombre où la lumière se veut discrète pour cadrer avec l’abri du tueur. La figure du cadavre est la plus envahissante tandis qu’on ne voit même pas le visage du tueur, ce qui accorde plus d’importance à l’événement raconté.

S’ajoute à cela l’efficacité du noir et blanc quand il est question d’un appel à l’imagination, comme c’est le cas où Bénavides demande à sa femme Béatrice d’imaginer « Rouen à l’époque de Claude Monet » (BD : 70).  



Dans la planche correspondant au passage ci-dessus, toutes les indications du guide sont rapportées sous forme de dialogue entre Sylvio et sa femme Béatrice qui ne figure pas dans cet épisode chez Bussi. À l’intérieur de cette vignette (fig. 17), le Rouen de la fin du XIXe siècle apparaît comme toile de fond en noir et blanc et les personnages du XXe siècle en couleur y sont intégrés et font partie d’une image insérée dans le cadre d’une autre image, cette technique d’incrustation rassemble les deux époques graphiquement. De même, l’aspect monumental et imposant de la cathédrale se trouve renforcé par un plan d’ensemble pris en contre-plongée. Les personnages semblent minuscules par rapport à la hauteur et à l’immensité de l’église. Non seulement, l’utilisation du noir et blanc pour les représentations imaginaires nourrit la rêverie, mais elle réduit aussi le récit à l'essentiel et vise à une expressivité narrative et graphique. En bref, dans l’adaptation littéraire en bande dessinée, l’image, au-delà des mots, transmet au lecteur un message pictural qui lui permet de comprendre les mécanismes de création artistique.

4. Conclusion  

Malgré les modifications subies par le texte original, il paraît évident que les bédéistes ont choisi d’être, autant qu’il était possible, fidèles au roman de Bussi et d’être là en tant qu’artistes à part entière. Reste à savoir : l’adaptation littéraire est-elle une traduction réductrice ou enrichissante? Elle est en effet réductrice dans la mesure où l’image réduit la part d’imaginaire et se dissout difficilement dans la mémoire affective du lecteur-spectateur. Elle est responsable d’un certain appauvrissement en matière d’analyse psychologique sans oublier une perte du ton, des inflexions de la voix qui raconte, des effets de rythme, d'harmonie sonore propres au langage. Cependant, elle est également enrichissante puisque les moyens d’expression sont diversifiés : les dessins, le découpage par cases et les silences du texte permettent au lecteur de mieux visualiser l’action, ce qui produit un effet plus direct sur sa sensibilité. Il s’agit en fait d'un langage de la simultanéité qui est moins soumis aux contraintes de la linéarité narrative grâce à la perception de l’intégralité de la page de bande dessinée. Si le texte écrit semble niveler les informations, l'image est capable de grossir l'essentiel et d’ajouter une nouvelle dimension susceptible de dégager une beauté qui plaît à l'œil par sa forme et sa qualité chromatique.  

Rester fidèle au texte original ne contredit pas la volonté d’être créatif et d’apporter son propre regard par le lien texte/image. À propos des adaptations littéraires au cinéma, André Bazin affirme ceci qui pourrait aussi s’appliquer à la bande dessinée : 


Il ne s’agit pas ici de traduire, si fidèlement, si intelligemment que ce soit, moins encore de s’inspirer librement, avec un amoureux respect, en vue d’un film qui double l’œuvre, mais de construire sur le roman, par le cinéma, une œuvre à l’état second. Non point un film ‘‘comparable’’ au roman, ou ‘‘digne’’ de lui, mais un être esthétique nouveau qui est comme le roman multiplié par le cinéma 22( BAZIN, 2011 : 126)

Porter un roman à l’écran ou le transformer en album est donc une mise à l’épreuve, un défi à relever. L’écriture graphique et séquentielle permet de s’approprier le texte littéraire, de l’actualiser dans un projet artistique et toute adaptation de qualité correspond en ce sens à une résurrection de l’œuvre littéraire, le succès d’une telle opération réside sans aucun doute dans cette tension entre construction fidèle et processus créatif. Que les adaptations soient littérales, qu’elles ne prennent le texte original que comme prétexte à une œuvre personnelle ou qu’elles parviennent à les concilier, l’essentiel reste la valeur offerte par les interprétations créatives qui en résultent. 

L’émergence de l’œuvre originale, qu’elle soit littéraire ou picturale, dans la bande dessinée transforme ce territoire artistique en lieu d’accueil qui privilégie la rencontre entre la plume et le pinceau. Une telle cohabitation témoigne de la porosité de ses frontières qui accorde aux bédéistes une grande marge de liberté pour contribuer au renouveau esthétique de l’œuvre originale. Ces adaptations littéraires font preuve de leurs talents en nous offrant des œuvres collaboratives ainsi qu’un genre hybride associant différents médias. Elles font évoluer les pratiques de la bande dessinée grâce à sa capacité étonnante à dialoguer avec les autres arts et à sa diversité culturelle et interdisciplinaire. 


Bibliographie

BAZIN A., Qu’est-ce que le cinéma? Paris : Éditions du Cerf, 2011.

GROENSTEEN T., La bande dessinée mode d’emploi, Bruxelles : Impressions Nouvelles, 2008.

GROENSTEEN T., Système de la bande dessinée, Paris : PUF 2011. 

OGIER J.M., MOREL D., «"Les Nymphéas noirs" : le polar de Michel Bussi adapté en BD par Fred Duval et Didier Cassegrain», franceinfo, 20 février 2019, (consulté le 23.06.2023). 

PEETERS B., Lire la bande dessinée, Paris : Flammarion, 2010.

RENARD J-B., Clefs pour la bande dessinée, Paris: Seghers, 1977.  

SAMOYAULT T., Traduction et violence, Paris : Seuil, 2020. 

SAUCIN J., Approche de la bande dessinée, Bruxelles : Edition: CEICS, 2016.

TELLOP N., « Adaptations littéraires », Neuvième art 2.0, 2014, (consulté le 23.06.2023). 

VERTALDI A., « La Case BD : Nymphéas noirs ou l'adaptation lumineuse du premier succès de Michel Bussi », Le Figaro, 15 février 2019, (consulté le 23.06.2023). 


Note

↑ 1 Voir Roland Bourneuf, Littérature et peinture, L'instant même, Québec,1998 ; Andrée Mercier et Esther Pelletier, L’adaptation dans tous ses états, Éditions Nota bene, Québec, 1999 ; André Gaudreault et Thierry Groensteen, La transécriture. Pour une théorie de l’adaptation, Éditions Nota bene, Québec, 1999.

↑ 2 Michel Bussi, Nymphéas noirs, Paris : Pocket, 2013, 493 p.

↑ 3 Didier Cassegrain, Fred Duval et Michel Bussi, Nymphéas noirs, Charleroi : Dupuis, Aire libre, 2019, 140p. 

↑ 4Mes Nymphéas noirs étaient réputés inadaptable en images... Le scénario subtil de Fred Duval, le dessin délicat de Didier Cassegrain prouvent le contraire ”, Michel Bussi, Bande dessinée, p. 2.

↑ 5 Le titre du roman fait référence à la série des Nymphéas du peintre Claude Monet.

↑ 6 Pour plus de commodité, (BD) désigne l’adaptation des Nymphéas noirs en BD, (S) désigne séquence et (V) désigne vignette. 

↑ 7 Citons à titre d’exemple, l’adaptation de À la Recherche du temps perdu de Marcel Proust en bande dessinée par Stéphane Heuet. Voir Sandrine Bourget-Lapointe, « Les adaptions comme interprétations créatives : le cas de Proust en B.D. », Postures, Dossier « Écrire avec », n° 23, 2016. http://revuepostures.com/fr/bourget-23 et Youmna Tohmé, « Les adaptations des œuvres littéraires classiques en bandes dessinées », La BD francophone, Publifarum, n. 14, pubblicato il 01/02/2011, url: http://www.farum.it/publifarum/ezinearticles.php?id=198

↑ 8 Prix Polar méditerranéen - 2011 ; Prix Polar Michel Lebrun de la 25ème Heure du Livre du Mans - 2011; Prix des lecteurs du Festival Polar de Cognac - 2011 ; Grand Prix Gustave Flaubert - 2011 ; Prix Goutte de Sang d'encre de Vienne - 2011.

↑ 9 Par exemple Camille Pissarro pour Jérôme, Mary Cassatt pour Patricia, Paul Cézanne pour Albert et Vincent Van Gogh pour Jacques. 

↑ 10 Une planche, c’est une page entière de bande dessinée, composée de plusieurs bandes. c-à-d lignes (succession horizontale de plusieurs images).

↑ 11 C’est la réécriture de l’histoire racontée sous une forme dialoguée tout en prenant en charge les éléments textuels, le découpage, le cadrage, la place des personnages et le décor. 

↑ 12 La vignette, aussi appelée case est une image d’une bande dessinée délimitée par un cadre.

↑ 13 Les onomatopées désignent les mots qui imitent les sons évoquant l'être ou la chose dénommée. 

↑ 14 Il consiste à répartir l’action en cases dans la planche.

↑ 15 C’est le champ visuel de l’observateur qui varie en fonction de sa position (c-à-d la scène représentée tantôt de près et tantôt de loin).

↑ 16 Les angles de vue sont les point de vue sous lesquels se présente chaque scène d'une bande dessinée, ils représentent l’œil du lecteur : la plongée, une vue de dessus qui donne au personnage un sentiment d’écrasement et d’infériorité; la contreplongée, une vue de dessous qui lui donne un aspect de supériorité et de domination. 

↑ 17 C’est le temps qui passe entre deux cases ou deux scènes. L'ellipse consiste à sauter des incidents anodins afin de ne pas casser le rythme de l'action ou à ne pas montrer un événement important pour accentuer un suspense.

↑ 18 Le champ est l'image d'un angle de vue et le contrechamp est la vision opposée du champ. Le champ/contre-champ est la succession de deux champs spatialement opposés.

↑ 19 Voir le commentaire de Bussi et de Duval : https://www.youtube.com/watch?v=EbV ZvoHTOU et https://www.youtube.com/watch?v=Aa5aoVs7QJI 

↑ 20 Le poignet de Vincent. 

↑ 21 « Les informations sur Claude Monet sont authentiques, qu’elles concernent sa vie, ses œuvres ou ses héritiers. C’est aussi le cas pour celles qui évoquent d’autres peintres impressionnistes » (Avant-propos, BUSSI, 2013 : 12).

↑ 22 Il s’agit de l’adaptation cinématographique de Journal d’un curé de campagne de Georges Bernanos par Robert Bresson. 


 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN électronique 1824-7482