Publifarum n° 43 - Directrices de conscience, théologiennes et prédicatrices au XVIIe siècle dans le monde francophone

Jacqueline Pascal épistolière : l’art de plaire au service du salut

Giada Silenzi



Abstract

Francese  | Inglese 

Cet article explore la correspondance spirituelle de Jacqueline Pascal (1625-1661), sœur de Blaise Pascal et religieuse à Port-Royal. Bien que limité et fragmentaire, ce corpus épistolaire témoigne du rôle de guide spirituel et moral qu’elle a joué au sein de sa famille pendant les dernières années de sa vie. L’analyse rhétorique et discursive des lettres à son frère et à ses nièces permet de faire ressortir les traits d’un discours à la fois engageant et persuasif, qui concilie agrément et édification. Son écriture mobilise des procédés linguistiques codifiés, tels que la raillerie, l’ironie et une rhétorique pathétique, qui renforcent l’adhésion de ses proches aux principes religieux qu’elle transmet. Loin de se réduire à un outil purement didactique, ces échanges consacrent Jacqueline Pascal comme une instance auctoriale investie d’une autorité littéraire, morale et spirituelle qui mériterait d’être reconnue.


Dans l’histoire de l’accès des femmes à la culture et à l’écriture, le medium épistolaire a offert un espace privilégié d’expression et de création littéraire, contribuant ainsi à l’émergence de voix féminines au sein de la scène intellectuelle publique1.

Au XVIIe siècle, les enjeux des correspondances dépassent largement les bornes de la sphère domestique pour investir des domaines et des registres variés. La pratique épistolaire, loin de constituer un phénomène isolé, s’impose aussi bien dans les cercles mondains que dans les couvents, ce qui témoigne d’un dynamisme et d’un rayonnement féminin sur les plans social, politique et religieux.

D’un point de vue littéraire, la primauté accordée à cette forme s’explique par sa plasticité et son caractère hybride, comme l’a souligné Généviève Haroche-Bouzinac : « Genre de frontière, qui a effectué une migration de la sphère du discours vers la sphère littéraire, la lettre est un creuset où peuvent éclore des formes nouvelles » (HAROCHE-BOUZINAC 1995 : 14). Cette souplesse formelle fait de l’épistolaire un outil d’inscription des femmes dans le champ littéraire de l’époque, leur permettant de contourner la rigidité des canons dominants sans heurter les convenances. La correspondance devient ainsi un « lieu stratégique d’expérimentation de la posture auctoriale » (FREIDEL 2022 : 13), où elles construisent leur identité en tant qu’auteures tout en naviguant entre les attentes sociales et les possibilités d’expression intellectuelle.

Dans la vaste entreprise de redécouverte des femmes auteures, lire les lettres de Jacqueline Pascal2 aujourd’hui, c’est reconnaître une voix à une figure longtemps reléguée à un rôle secondaire par rapport à son frère Blaise, mais dont la pensée et les écrits révèlent une valeur spirituelle, intellectuelle et littéraire remarquable.

La conservation de la correspondance de Jacqueline Pascal semble avoir été subordonnée à un intérêt principalement documentaire et historique3. Le Père Guerrier, chargé de la copie des fonds pascaliens au XVIIIe siècle, n’aurait transcrit qu’une partie de ses lettres, et encore rarement dans leur intégralité (PASCAL 1991, t. III : 165). Bien qu’il ne nous reste qu’un corpus restreint et fragmentaire – vingt-neuf lettres, dont au moins neuf extraits –, sa production écrite témoigne d’une fine maîtrise des registres variés de l’épistolaire, qui relèvent du mondain, du familier ou du spirituel.

Dans cet article, nous examinerons des exemples de la correspondance familiale de la religieuse, en mettant en lumière la dimension prescriptive de ses lettres spirituelles, où le recours à un style agréable sert une finalité édifiante. Puisant ses procédés stylistiques dans le répertoire mondain et son efficacité persuasive dans l’éloquence sacrée, son épistolaire nous invite à reconsidérer la place de Jacqueline Pascal au sein du courant port-royaliste qui, en refusant toute indigence stylistique, a, selon Pascale Thouvenin, contribué à élaborer « une réponse pertinente à la recherche classique d’une nouvelle rhétorique, antipédante et antidogmatique » (THOUVENIN 2018 : 364).

1. De « secrétaire » à directrice de Blaise

Dès sa conversion en 1646, Blaise entraîne d’abord sa sœur Jacqueline, puis progressivement le reste de leur famille dans un renouveau spirituel. Le frère et la sœur, étroitement liés, traversent ensemble cette transformation intérieure, nourrie par la prière et l’écoute de sermons, ainsi que par des lectures et des réflexions intellectuelles. Cette proximité s’accentue encore lorsque, sur les conseils de ses médecins, Blaise doit quitter Rouen pour Paris l’année suivante. Il est alors accompagné de Jacqueline, qui veille sur lui avec dévouement.

L’installation dans la capitale, qui sépare la famille Pascal, marque le début d’une correspondance entre les deux foyers, dont il ne reste aujourd’hui que quelques lettres envoyées par Jacqueline et Blaise à leur père et à Gilberte. Dans cet échange, Jacqueline se distingue par son rôle d’intermédiaire attentive, s’occupant non seulement de la gestion de la vie quotidienne de son frère, mais aussi de la transmission de nouvelles à leur famille. C’est sous sa plume que se déroulent les deux célèbres rencontres entre Descartes et Pascal, relatées dans la première lettre adressée à Gilberte, le 25 septembre 1647 (PASCAL 1991, t. II : 480-482).

Pendant cette période où la santé de Blaise se détériore progressivement, Jacqueline prend en charge la rédaction de la correspondance familière au nom de tous les deux, son frère étant empêché d’écrire. Selon le témoignage du Père Guerrier, qui avait accès aux originaux aujourd’hui perdus, les lettres du 1er avril et du 5 novembre 1648 sont écrites de sa main.

La première est un véritable exposé de doctrine spirituelle, empreint de la pensée augustinienne et des enseignements de Saint-Cyran, que les deux frères lisent avec assiduité. Elle aborde des thèmes essentiels tels que la grâce, le péché, et le renouvellement intérieur, tout en soulignant l’importance d’un lien fraternel, fondé sur la foi et nourri par une quête commune de la perfection chrétienne. La seconde lettre allie réflexion spirituelle et dynamiques familiales et insiste sur la nécessité d’oublier les préoccupations mondaines pour se concentrer sur le salut de l’âme.

L’analyse de l’énonciation dans ces textes montre une prédominance du « nous », indice d’un discours commun et d’une spiritualité partagée entre Blaise et Jacqueline. Cependant, cette instance plurielle alterne avec l’utilisation du « je » – sous forme masculine dans la première lettre, sans marques génériques identifiables dans la deuxième –, ce qui indique clairement Pascal comme la voix dominante : « Nous avons plusieurs fois commencé à t’écrire, mais j’en ai été retenu par l’exemple et par les discours ou, si tu veux, par les rebuffades que tu sais » (PASCAL 1991, t. II : 581). Blaise prend en charge l’énonciation, imposant son style et son ton, qui se distinguent par une argumentation structurée et une réflexion théologique rigoureuse.

À la fin de la seconde lettre, nous pouvons cependant observer la scission du « nous » en deux instances distinctes. Deux brefs post-scriptum permettent aux auteurs de s’exprimer séparément, chacun prenant la plume pour soi. Jacqueline s’adresse à Gilberte dans une note intime, exprimant son désir de lui faire part de sa vocation et de son dessein d’entrer au couvent : « J’espère que je t’écrirai en mon particulier de mon affaire dont je te manderai le détail ; cependant prie Dieu pour son issue ». Pascal, en revanche, conclut immédiatement après en sollicitant des prières : « Si tu sais quelque bonne âme, fais-la prier Dieu pour moi aussi » (PASCAL 1991, t. II : 698). Le « nous » se scinde là où leurs chemins divergent : tandis que Jacqueline aspire à une vie religieuse, Blaise choisit de demeurer dans le monde.

L’entrée de Jacqueline au couvent en janvier 1652 marque en effet une rupture dans la relation entre le frère et la sœur. Bien que Blaise ait d’abord soutenu son projet, il espère retarder cette séparation. Cependant, après le décès de leur père, survenu quelques mois auparavant, la jeune femme décide de prendre le voile. Cette décision entraîne des incompréhensions et des tensions qui ne se dissipent qu’en 1654, lorsque Pascal, en proie à une profonde crise spirituelle, revient vers sa sœur à la recherche de soutien. Dès la fin de septembre, il se confie à elle régulièrement, au point que, dans la lettre du 25 janvier 1655, où elle relate à Gilberte la conversion inattendue de leur frère, Jacqueline écrit : « Si je racontais toutes les autres visites aussi en particulier, il faudrait en faire un volume ; car depuis ce temps elles furent si fréquentes et si longues que je pensais n’avoir plus d’autre ouvrage à faire » (PASCAL 1991, t. III : 71). Bien qu’elle précise l’avoir écouté « sans user d’aucune sorte de persuasion » (PASCAL 1991, t. III : 71-72), il serait réducteur de la cantonner au simple rôle de témoin de la conversion de son frère, comme l’ont parfois suggéré certains spécialistes (DESCAMPS 1982 ; BORD 2005, 2009). Pascal a sans doute tiré profit des nombreux entretiens qu’il a eus avec sa sœur, sa seule confidente à cette période-là.

La position de Jacqueline se précise lorsque M. Singlin, confesseur des religieuses de Port-Royal, lui confie provisoirement la mission de conduire spirituellement son frère, en attendant de pouvoir s’en charger lui-même : « par une lettre parfaitement belle […], il me constituait sa directrice en attendant que Dieu fît connaître s’il voulait que ce fût lui qui le conduisît. Enfin, M. S[inglin] étant de retour, je le pressai de me décharger de ma dignité, et je fis tant que j’obtins ce que je désirais » (PASCAL 1991, t. III : 74). Ainsi, la religieuse assure-t-elle formellement la direction spirituelle de Blaise pendant une courte période, de la fin de décembre au début de janvier. Malgré sa réticence à endosser cette responsabilité et son empressement à s’en décharger, la correspondance qu’elle échange avec son frère révèle le vif désir de Jacqueline de voir Blaise persévérer dans cette voie.

À travers l’examen de deux lettres, datées du 19 janvier (PASCAL 1991, t. III : 68-70) et du 1er décembre 1655 (PASCAL 1991, t. III : 445) – dont nous ne disposons respectivement que d’une copie incomplète pour l’une et d’un fragment pour l’autre – émergent des éléments stylistiques récurrents dans la prose épistolaire de la religieuse. Dans un espace d’intimité et de confiance réciproque, elle forge son discours persuasif alliant enjouement dans la première partie et réflexion spirituelle dans la seconde.

L’art mondain de railler4, que Furetière définit comme l’habileté à « faire des reproches plaisants et agréables à quelqu’un, sans avoir dessein de l’offenser » (FURETIÈRE 1690 : « Railler »), occupe une place centrale parmi les pratiques discursives mobilisées dans l’incipit. En jouant sur l’ironie et l’exagération, l’énonciation railleuse imprime à l’échange une allure ludique, tout en atténuant la portée intrusive des conseils et la dissymétrie entre les interlocuteurs.

Le ton enjoué de Jacqueline se déploie à travers des réseaux antithétiques qui, dans la lettre du 19 janvier, mettent en relief la tension entre une contrition authentique et la recherche persistante de plaisirs et de soulagements, qu’elle discerne dans la conduite de Blaise, alors sous la guidance de Louis-Isaac Lemaistre de Sacy, célèbre Solitaire et traducteur de la Bible :


Mon très cher frère,

J’ai autant de joie de vous trouver gai dans la solitude que j’avais de douleur quand je voyais que vous l’étiez dans le monde. Je ne sais néanmoins comment M. de Sacy s’accommode d’un pénitent si réjoui et qui prétend satisfaire aux vaines joies et aux divertissements du monde par des joies un peu plus raisonnables et par des jeux d’esprit plus permis, au lieu de les expier par des larmes continuelles. Pour moi, je trouve que c’est une pénitence bien douce, et il n’y a guère de gens qui n’en voulussent faire autant. (PASCAL 1991, t. III : 68-69)

Dans cet incipit, l’ironie agit comme un dispositif renversant, imprégnant les oxymores « pénitent si réjoui » et « pénitence bien douce » pour questionner la profondeur de la conversion de Pascal. Par un jeu de contrastes, Jacqueline met en lumière le paradoxe d’un cheminement spirituel qui, à son avis, manque de la rigueur nécessaire et semble tempéré par des concessions à l’amour-propre. Le parallélisme syntaxique entre les expressions « vaines joies » et « divertissements du monde » d’une part, et « joies un peu plus raisonnables » et « jeux d’esprit plus permis » d’autre part, expose la continuité entre ces deux états, son frère s’étant engagé dans une voie de compromis. En adoptant une structure symétrique, l’auteure suggère que, loin de renoncer aux plaisirs mondains, il les a dissimulés sous des pratiques en apparence conformes à un renouvellement intérieur, là où Jacqueline aurait souhaité une rupture nette, évoquée par l’antithèse des « larmes continuelles ».

Ironie, structures parallèles et jeux antithétiques caractérisent également le fragment du 1er décembre, où la religieuse reproche à Blaise un excès d’austérité dans ses habitudes quotidiennes :


On m’a congratulée pour la grande ferveur qui vous élève si fort au-dessus de toutes les manières communes que vous mettez les balais au rang des meubles superflus… Il est nécessaire que vous soyez, au moins durant quelque mois, aussi propre que vous êtes sale, afin qu’on voie que vous réussissez aussi bien dans l’humble diligence et vigilance sur la personne qui vous sert que dans l’humble négligence de ce qui vous touche ; et après cela, il vous sera glorieux et édifiant aux autres de vous voir dans l’ordure, s’il est vrai toutefois que ce soit le plus parfait, dont je doute beaucoup, parce que saint Bernard n’était pas de ce sentiment. (PASCAL 1991, t. III : 445)

Le fragment s’ouvre de manière antiphrastique sur le faux éloge du zèle de Blaise, qui culmine dans une hyperbole avec l’image des « balais superflus ». En juxtaposant ensuite l’idée de propreté et de saleté par une comparaison d’égalité, Jacqueline met en parallèle deux extrêmes contradictoires. La dynamique de symétrie et de contraste créée par cette structure comparative, « aussi propre que vous êtes sale », se double du parallélisme antithétique entre « humble diligence et vigilance » et « humble négligence ». En concluant avec une référence à saint Bernard, l’auteure invoque l’autorité de la tradition ascétique pour renforcer son argument. Elle fait écho aux paroles d’Antoine Le Maistre, le premier des Solitaires, qui écrivait à propos du saint père : « Il aima toujours la pauvreté dans les habits, mais non la saleté ni les ordures ; et il disait qu’elles étaient des marques ou de négligence et de paresse, ou d’un esprit qui se flatte d’une vaine complaisance en soi-même, ou qui recherche au dehors la gloire et la louange des hommes » (LE MAISTRE 1648 : 235-236). La religieuse met ainsi en garde son frère contre un rigorisme exacerbé, qui, loin de refléter une humilité sincère, pourrait plutôt relever de la vanité.

D’après Cécile Lignereux, qui examine la formulation des accusations de négligence dans les lettres de plainte, le choix d’exprimer les reproches sous forme de railleries ne répond pas seulement à une recherche stylistique. Il reposerait avant tout « sur la conscience aiguë de l’efficacité persuasive liée à la réception en deux temps que programme le détour figural : d’abord le plaisir de la surprise devant la formulation brillante et spirituelle, ensuite l’adhésion au bien-fondé de la plainte – le miel avant le remède, le sucre avant la rhubarbe » (LIGNEREUX 2023 : 57).

Jacqueline puise dans la littérature patristique et les Écritures un riche éventail de citations et d’images susceptibles de frapper l’esprit de son destinataire. Dans la lettre du 19 janvier, la religieuse assure la transition vers la deuxième partie du texte – consacrée à la véritable essence de la pauvreté et de l’humilité chrétiennes – par un commentaire méta-énonciatif qui confère un ton badin aux décalages ironiques initiaux : « Et, pour vous endoctriner par exemple plus que de parole, ce sera ici la fin des niaiseries volontaires de cette lettre » (PASCAL 1991, t. III : 69). Cette remarque signale une réorientation à la fois stylistique et thématique du discours, où l’enjouement cède la place à un registre plus sérieux et didactique, ouvrant la voie à une argumentation positive appuyée sur la convocation de plusieurs figures spirituelles et références doctrinales.

La parole édifiante de Jacqueline se tisse en résonance avec les Évangiles et les écrits des Pères de l’Église, créant un réseau intertextuel que son frère est appelé à reconstruire. Saint Bernard occupe une place de choix dans son épistolaire. Dans cette lettre, les propos de la religieuse, encourageant son destinataire à passer « de l’appauvrissement à la pauvreté, comme on va de l’humiliation à l’humilité » (PASCAL 1991, t. III : 70), semblent résonner avec une épître du saint, où il évoque « l’humilité à laquelle l’humiliation nous mène, comme la patience à la paix de l’âme, et la lecture à la science », érigée en « fondement de tout l’édifice spirituel » (LE MAISTRE 1648 : 360). L’emploi de la métaphore de la « senteur du bourbier » (PASCAL 1991, t. III : 69) pourrait également s’inspirer de l’imaginaire augustinien et bernardin5, où elle est associée à la vie profane et aux attachements terrestres, symbolisant l’enfermement de l’âme dans les plaisirs mondains.

Parmi les lectures que Jacqueline et Blaise ont partagées figure La Vie de Gaston de Renty (1651), rédigée par son directeur spirituel, le jésuite Jean-Baptiste Saint-Jure. L’auteure convoque ici Renty, l’une des figures emblématiques de l’école française de spiritualité du XVIIe siècle, pour illustrer un idéal de dépouillement intérieur qui transcende toute appartenance sociale. Bien qu’issu de la noblesse, le dévot se définissait lui-même comme un « roturier en grâce » (SAINT-JURE 1833 : 78), formule que Jacqueline reprend dans son texte : « ceux qui sont roturiers selon M. de Renty » (PASCAL 1991, t. III : 69).

Jacqueline puise également dans les Évangiles à deux reprises. D’abord, elle exhorte son frère à « profiter du talent » que Dieu lui a confié, l’invitant ainsi à faire fructifier la grâce reçue à travers un engagement actif – une référence évidente à la parabole des talents (Matthieu XXV, 14-30). Ensuite, en conclusion de son discours, elle cite les paroles de Jésus pour graver dans l’esprit de son frère l’idée essentielle du renoncement intérieur : « Il n’est pas dit : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il fasse des ouvrages bien pénibles et qui demandent de grandes forces, mais : Qu’il renonce à soi-même » (Matthieu XVI, 24 ; Marc VIII, 34 ; Luc IX, 23).

Même si la religieuse s’est officiellement déchargée de la conduite spirituelle de son frère, elle continue de tirer parti de l’espace épistolaire pour veiller sur lui et orienter sa réflexion. En alliant ironie, enjouement et références doctrinales, elle fait de la lettre un lieu de connivence et d’intimité, fondé sur une spiritualité commune et un répertoire littéraire partagé.

2. Instruire ses nièces : la disposition affective de l’échange

La présence de Jacqueline Pascal à Port-Royal fait du monastère parisien un véritable pôle d’attraction pour ses proches. Tandis que Blaise s’y rend régulièrement pour retrouver sa sœur, Gilberte y confie l’éducation religieuse de ses trois enfants : Étienne, Jacqueline et Marguerite6. Le premier-né entre aux Petites Écoles en 1651, réputées pour l’excellence de leurs maîtres, parmi lesquels figurent notamment le grammairien Claude Lancelot, l’humaniste Pierre Nicole et le théologien Antoine Arnauld. En janvier 1654, Jacqueline, alors âgée de dix ans, et Marguerite, de huit ans, sont placées en pension à Port-Royal de Paris, où elles resteront jusqu’en 1661. En même temps, dès le printemps 1655, leur tante se voit confier le soin des postulantes, puis l’éducation des enfants.

La correspondance, qui se limite à deux réponses de la religieuse – les lettres de ses nièces étant perdues –, témoigne, dans la première lettre datée du 10 février 1660, de la séparation survenue en novembre 1659. À cette époque, Jacqueline quitte la maison parisienne et s’établit à Port-Royal des Champs, dans la vallée de Chevreuse au sud-ouest de la capitale, pour devenir maîtresse des novices et sous-prieure. Dans la seconde lettre, datée du 17 mai 1661, cette séparation se double de l’éloignement forcé de Jacqueline et Marguerite du monastère, le 14 mai. La dispersion de pensionnaires, postulantes et novices n’est alors que le début des persécutions de Louis XIV, qui culmineront avec la destruction de l’abbaye cinquante ans plus tard. Soucieuse de l’éducation spirituelle de ses nièces, la sœur Euphémie veille à distance sur elles, à travers deux lettres qui témoignent, d’un côté, de l’affection qui les unit, et de l’autre, de l’urgence de les préserver du monde.

On est bien loin ici de la vivacité qui animait sa correspondance antérieure. Pendant les dernières années de sa vie, et surtout après son arrivée aux Champs, l’écriture de Jacqueline se fait concise et essentielle, sans pourtant rien perdre du soin stylistique qui la caractérise ; un changement probablement dicté par le manque de temps dû à ses nombreuses occupations, ainsi que par une plus grande maturité spirituelle.

Les lettres aux nièces reflètent la mission pédagogique de Jacqueline Pascal qui investit l’espace épistolaire d’une fonction éminemment éducative. Elle poursuit l’instruction de ses destinataires à distance, en dispensant des enseignements spirituels non seulement à travers le contenu de ses messages, mais aussi par l’écriture elle-même, qui porte les marques d’une exemplarité tant dans les mots que dans la forme.

L’auteure mobilise plusieurs stratégies de persuasion, rhétoriques et stylistiques, toutes orientées vers une finalité édifiante. Parmi elles, la répétition occupe une place centrale dans le discours épistolaire de la sœur Euphémie, servant à ancrer les propos tenus dans l’esprit de ses destinataires.

Au niveau macrostructurel, les références à la prière agissent comme une ouverture et une clôture des deux textes, inscrivant le message spirituel dans un mouvement circulaire qui invite à une méditation ininterrompue. Dans la lettre du 10 février, Jacqueline exprime son regret de ne pas avoir répondu plus tôt à ses nièces et évoque une promesse de prière que celles-ci lui avaient faite. Elle exprime l’espoir que ce retard n’aura pas affaibli leur engagement spirituel, soulignant ainsi que l’affection qui les unit dépasse le cadre de la simple correspondance : « J’espère que mon retardement à vous écrire ne vous aura pas fait oublier néanmoins la promesse que vous m’avez faite de bien prier Dieu pour moi » (PASCAL 1992, t. IV : 793). Ce rappel à la prière est réitéré à plusieurs reprises dans la partie finale. À travers l’usage de la dérivation et du polyptote, la religieuse inscrit la relation épistolaire sous le signe d’une foi partagée et d’un soutien mutuel : « Je prie Notre-Seigneur qu’il nous embrase toutes de sa sainte charité. […] Je vous supplie de me procurer les prières de ma sœur Flavie, […] si Notre Mère trouve bon que vous les en priiez et que vous les saluiez de ma part. […] Priez-le [Dieu] pour moi afin que je sois digne de le prier pour vous » (PASCAL 1992, t. IV : 793-794 ; c’est nous qui soulignons).

Dans le Règlement pour les enfants7, ouvrage pédagogique que Jacqueline rédige en 1657 et qui est imprimé dans les Constitutions du monastère (1665), elle accorde à la prière un rôle structurant dans les journées des pensionnaires, jusque dans les moindres activités. Cette pratique rythme le temps quotidien et imprègne chaque geste, comme elle en témoigne à propos de l’écriture :


Au sortir de la sainte messe, elles écrivent, toutes dans un même lieu, après avoir fait une courte prière pour obtenir de Dieu la grâce de bien faire cette action, et on tâche de même de leur imprimer doucement dans l’esprit une sainte habitude de ne faire aucune action un peu notable sans la commencer et la finir par la prière. (PASCAL 1991, t. III : 1148)

Le geste d’encadrer son discours par la prière reflète un souci pédagogique et inscrit chaque échange dans une temporalité de dévotion continue, contribuant ainsi à conférer une dimension sacrée à l’espace épistolaire.

Le message spirituel que la lettre véhicule se déploie à travers des champs lexicaux qui donnent au texte une progression claire, structurée et cohérente. Après avoir rassuré ses nièces sur l’affection qu’elle leur porte, Jacqueline développe la métaphore de la charité, associée au feu, une image profondément enracinée dans la tradition littéraire chrétienne :


Car la charité étant un feu qui est dans le cœur, il faut nécessairement qu’il agisse ; et quand il ne se produit point au-dehors, il se fait ressentir au-dedans avec plus de force ; pourvu que ce ne soit pas par faiblesse et par tiédeur qu’il ne se fait pas voir au-dehors ; car alors il est sans doute qu’il se diminue d’autant plus qu’il paraît moins, comme un feu qui n’a point d’air et que l’on laisse éteindre manque de lui fournir de quoi brûler. Mais il me semble que je puis vous assurer avec certitude que la charité que j’ai pour vous n’est pas comme cela, mais qu’elle est comme un feu bien embrasé qui fait ressentir d’autant plus sa chaleur à tout ce qui l’environne qu’elle ne peut se répandre au-dehors. Voyez, mes chères sœurs, où je me suis emportée sans y penser pour vous assurer de l’affection que j’ai pour vous. Je prie Notre-Seigneur qu’il nous embrase toutes de sa sainte charité, afin que celle que nous aurons les unes pour les autres ne naisse que de celle-là : sans quoi ce ne serait qu’une amitié de chair et de sang qui n’aurait rien de bon. Je suis assurée que vous me ferez cette charité. (PASCAL 1992, t. IV : 793)

En plaçant la charité au cœur de sa lettre, Jacqueline exploite la polysémie de ce terme, dont les quatre occurrences véhiculent trois acceptions différentes. Premièrement, la charité est présentée comme la vertu théologale de l’amour de Dieu, symbolisée par le feu, comme en témoignent les expressions « la charité étant un feu » et « qu’il nous embrase toutes de sa sainte charité ». Deuxièmement, elle apparaît comme un amour du prochain, illustrée par l’affirmation « la charité que j’ai pour vous », et puis développée à travers une reprise pronominale qui établit une relation antithétique opposant la première acception à la seconde : « celle que nous aurons les unes pour les autres ». Enfin, Jacqueline évoque la charité comme un acte de bienveillance – « vous me ferez cette charité » –, faisant référence à leur engagement mutuel dans la prière.

Sur le plan lexical, la répétition trouve son accomplissement dans le pléonasme « assurer avec certitude ». La religieuse ne commet pas de maladresse ; au contraire, cette expression redondante amplifie la force émotionnelle de son message et témoigne de la sincérité de son amitié.

Quant à la lettre du 17 mai 1661, le discours de Jacqueline est profondément marqué par l’inquiétude concernant le sort de ses nièces. Alors qu’elles se préparaient à prendre l’habit, les jeunes filles se retrouvent dans le monde, éloignées de la vie monastique et confrontées à des incertitudes qui menacent leur cheminement spirituel. Accueillies chez Pascal, elles écrivent sans tarder à leur tante, qui choisit de leur répondre par une lettre unique : « Mes très chères sœurs, je ne sépare point ma lettre parce que Dieu me donne cette consolation dans ma douleur de vous voir parfaitement unies dans le dessein d’être entièrement à Dieu » (PASCAL 1992, t. IV : 1056). Le geste de Jacqueline de s’adresser conjointement aux deux nièces témoigne de sa volonté de préserver leur unité spirituelle et de constituer, malgré la dispersion, une nouvelle communauté à travers son écriture.

La comparaison de ce texte avec les précédents nous permet de formuler l’hypothèse d’un schéma épistolaire récurrent dans les lettres spirituelles de Jacqueline Pascal. Elle commence par solliciter l’affectivité de ses destinataires, établissant un climat de proximité et de connivence. Dans le cas de son frère, elle utilise l’ironie, tandis que pour ses nièces, elle adopte un ton empreint de douceur. Cet appel à l’émotion prédispose favorablement ses correspondants à recevoir les conseils qu’elle prodigue ensuite.

Dans la lettre du 17 mai, Jacqueline exprime sa satisfaction de voir les deux jeunes filles s’engager sur le chemin spirituel, malgré les circonstances adverses. Elle les avertit cependant que leur vocation, bien que sincère, pourrait s’affaiblir si elle ne se nourrit pas d’une pratique constante :


Je sens une joie extraordinaire quand je me souviens des bonnes dispositions qui sont marquées dans vos lettres ; et comme je ne souhaite aucuns biens ni aucuns avantages à mes amis que les éternels, j’ai une grande joie quand je les y vois tendre. Mais, mon Dieu ! mes chères sœurs, qu’il y a encore peu que vous êtes dans le monde ! Je loue Dieu de ce que le peu que vous en avez déjà vu vous déplaît ; mais si vous n’y prenez garde et si vous ne vous armez d’une prière et d’une vigilance continuelles, vous vous trouverez insensiblement déchues des sentiments où vous êtes à présent. C’est pourquoi, mes chères sœurs, séparez-vous du monde le plus qu’il vous sera possible. (PASCAL 1992, t. IV : 1056-1057)

Les exhortations de Jacqueline tirent leur efficacité persuasive de l’utilisation conjointe de procédés énonciatifs et sémantiques. Le caractère injonctif de ses propos, associé à la métaphore de la lutte contre le monde que sous-entendent les verbes « prendre garde » et « s’armer », renforce l’impression d’une exposition constante aux tentations.

Dans la deuxième partie de son discours, l’auteure développe ses recommandations en s’appuyant sur des références doctrinales que les jeunes filles étudiaient au couvent, la lecture de saint Bernard et de Saint-Cyran faisant partie intégrante du programme pédagogique de Port-Royal :


Vous êtes avec des personnes si remplies de piété, et qui sont si affectionnées à saint Bernard, qu’elles ne s’offenseront pas que vous suiviez son conseil. Il avertit les âmes qui veulent être vraies épouses de Jésus-Christ, de ne pas se contenter de fuir le monde, mais même leurs amis et ceux de la même maison, et enfin toutes les créatures, parce que le fils de Dieu veut nous trouver dans la solitude pour parler à notre cœur. Je n’entends pas néanmoins que vous deveniez farouches et que vous fuyiez tout le monde, mais que vous soyez fidèles à le faire aussitôt que la nécessité absolue ne vous y retiendra plus, et que, dans le temps que vous serez dans les compagnies, vous y dérobiez souvent de petits moments pour parler à Dieu, comme il est dit si admirablement dans Le Cœur nouveau. (PASCAL 1992, t. IV : 1057)

L’appel aux autorités encadre, d’un point de vue textuel, la recommandation de Jacqueline de consacrer de « petits moments » à Dieu en se retirant de temps en temps des compagnies. Son avis, soutenu par les enseignements de saint Bernard d’un côté et réaffirmé par Saint-Cyran ensuite, gagne en légitimité grâce à cette double référence, créant ainsi une continuité entre l’injonction personnelle de la religieuse et la spiritualité port-royaliste.

3. Conclusion

La correspondance, en tant que pratique discursive, prévoit une instance auctoriale investie d’une autorité littéraire, morale et religieuse.

Les lettres spirituelles de Jacqueline Pascal se caractérisent par une parole mesurée et bienveillante, dont la portée persuasive repose sur un lien étroit entre agrément et édification. Sa parole, empruntant au sacré sa puissance et sa légitimité, mobilise des pratiques langagières souvent codifiées, telles que la raillerie, par lesquelles elle infléchit l’usage du dispositif épistolaire, notamment dans les lettres de direction à son frère. Quant à ses nièces, elle multiplie les procédés visant à capter leur attention et à faciliter l’appropriation des propos édifiants, contribuant ainsi à la formation d’une communauté émotionnelle et spirituelle par le biais d’une rhétorique pathétique et d’un style didactique.

Si son écriture est indéniablement façonnée par une intention édifiante, elle ne se réduit pas pour autant à cette seule finalité. Par son souci de clarté expressive, elle concilie élégance et efficacité, illustrant ainsi la manière dont l’échange épistolaire instaure une dynamique de transmission où le sens se construit dans l’interaction entre l’auteure et son lectorat.


Bibliographie

Sources primaires

Constitutions du monastère de Port-Royal du Saint-Sacrement, Gaspard Migeot, Mons 1665.

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Bibliographie critique

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Note

↑ 1 Cet article a été réalisé dans le cadre du projet PRIN 2022 - Bringing Out an Invisible Female Literary Corpus: Religious Writing in The French-Speaking World at the Time of the Counter-Reformation. Census And Repertoire of a New Corpus. Towards a Reorganization of the Canon in a Gendered Perspective (G53D23000260006).

↑ 2 Sœur cadette du philosophe Blaise Pascal, Jacqueline Pascal (Clermont, 1625 – Port-Royal des Champs, 1661) est éduquée par sa sœur aînée, Gilberte. Très tôt, elle manifeste un talent poétique précoce, composant des vers mondains dans les salons et à la cour d’Anne d’Autriche. En 1646, sa conversion marque un tournant décisif, l’amenant à abandonner toute activité littéraire profane pour se consacrer entièrement à Dieu. En 1652, elle rejoint Port-Royal, où elle joue un rôle de premier plan : d’abord maîtresse des postulantes, puis des enfants, et enfin, maîtresse des novices et sous-prieure. Figure d’autorité spirituelle au sein du monastère, elle disparaît prématurément à l’âge de trente-six ans.
Pour une biographie exhaustive sur Jacqueline Pascal, consulter DELFORGE 2002 et LESAULNIER & MCKENNA 2004 : 789-791.

↑ 3 La correspondance de Jacqueline Pascal a fait l'objet d'études partielles dans les travaux de LE GUERN 2003 et de COUSSON 2012.

↑ 4 Sur les usages discursifs de la raillerie en tant que rituel de civilité conjuguant ingéniosité, effet de surprise et badinage, voir POULET, TSIMBIDY et WELFRINGER 2023.

↑ 5 Voir COURCELLE 1973 pour une analyse approfondie de cette métaphore, issue de la littérature latine, enracinée dans la littérature latine et perpétuée jusqu’à l’époque moderne.

↑ 6 Voir les notices biographiques dans LESAULNIER & MCKENNA 2004 : Étienne (803-804), Jacqueline (808-809) et Marguerite (810-813).

↑ 7 Pour une analyse de l’approche pédagogique port-royaliste, telle qu'elle est mise en œuvre par Jacqueline Pascal, voir CAHNÉ 1982 et DELFORGE 1982.


 

Dipartimento di Lingue e Culture Moderne - Università di Genova
Open Access Journal - ISSN électronique 1824-7482